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Opinion
Prisonniers palestiniens d'al-Qods et des territoires occupés en
48:
le double standard (1)
La prison de Gilboa
Jeudi 4 novembre 2010
La question de l’échange entre le soldat sioniste capturé par
la résistance palestinienne il y a plus de quatre ans et les
prisonniers de la Palestine remet en avant le dossier des
prisonniers d’al-Qods et des territoires occupés en 48, ainsi
que les prisonniers arabes (jordaniens, égyptiens et syriens)
détenus dans les prisons sionistes.
Pour l’occupant sioniste, les prisonniers d’al-Qods et des
territoires occupés en 48 (l’entité sioniste) ne peuvent faire
partie ni des échanges ni des négociations, ils seraient «
citoyens israéliens » ! Toute revendication exigeant leur
libération serait « une intervention dans les affaires internes
» de l’Etat sioniste. C’est ainsi que l’occupant considère la
population palestinienne vivant à al-Qods, même dans la partie
occupée en juin 1967 et les Palestiniens de 48, dont la partie
occidentale de la ville d’al-Qods.
Cependant, l’occupant n’hésite pas à menacer « ses » citoyens
d’expulsion et de déportation parce qu’ils ne sont pas juifs.
Que ce soit dans les territoires occupés en 48 ou dans la ville
d’al-Qods, un double standard est appliqué aux Palestiniens :
ils deviennent citoyens « israéliens » ou assimilés lorsqu’il
est question d’être libérés par des échanges ou des
négociations, mais redeviennent palestiniens lorsqu’il s’agit de
les expulser, déporter ou de leur faire subir les peines les
plus lourdes lorsqu’ils sont arrêtés et les conditions de
détention semblables à leurs frères ou sœurs de Cisjordanie ou
de Gaza.
Comment comprendre alors ce qui se passe avec As’ad Kanaané,
fils du secrétaire général du mouvement Abnaa al-Balad, en
Palestine 48 ? Voilà près de deux mois qu’il est arrêté, sans
autre accusation que d’avoir menacé en paroles un Palestinien
ayant accepté le service civil prôné par les sionistes pour les
jeunes de 48 (ce qu’il nie formellement, d’ailleurs). Depuis
deux mois, d’une séance à l’autre au tribunal de Akka, sa
détention est renouvelée, alors qu’au même moment, des sionistes
commettent des crimes, font couler le sang palestinien,
agressent les passants, et sont immédiatement relâchés s’il leur
arrive d’être arrêtés.
Ce double standard sioniste dans le comportement avec les
prisonniers d’al-Qods et des territoires occupés en 48 ne peut
masquer la participation effective de ces Palestiniens à la
lutte nationale de libération de la Palestine ni à la lutte du
mouvement des prisonniers. Bien avant l’occupation du reste de
la Palestine en 1967, les Palestiniens sous occupation ont une
longue histoire dans les prisons sionistes, histoire faite de
résistance armée à l’occupation, de poursuites, d’arrestations
et de détention. Aujourd’hui, certains d’entre eux sont détenus
depuis plus de 25 ans et appartiennent à la plupart des
organisations palestiniennes de la résistance. Les conditions de
leur détention sont aussi inhumaines que les autres prisonniers
de la Palestine et ils appartiennent à toutes les catégories
d’âge puisque depuis quelques mois, une sévère campagne
d’arrestations vise des Palestiniens de plus en plus jeunes.
Des Palestiniens à part entière
En effet, au cours de cette année, avec l’accentuation
des mesures de judaïsation de la ville sainte et la riposte
populaire à ces mesures, l’arrestation des jeunes Maqdisis a
pris d’énormes proportions. Dès l’âge de 13 ans, ils sont privés
de leurs familles et de leur environnement et se retrouvent
entre les mains des instructeurs sionistes du shabak ou des
autres services sécuritaires. Un récent reportage de la revue
américaine « Christian Science Monitor » souligne que plus de
cent enfants de Selwan ont été arrêtés et brutalisés en l’espace
d’un mois. En Palestine 48 également, ce sont surtout des jeunes
qui sont arrêtés, comme récemment lors de la riposte populaire à
Umm al-Fahem contre l’assaut des colons ou lors des
manifestations populaires dénonçant l’agression criminelle
contre Gaza en 2008-2009 où des dizaines de jeunes lycéens ou
étudiants avaient été arrêtés, certains toujours en prison.
Il y a quelques mois, le nombre des prisonniers d’al-Qods et des
territoires occupés en 48 était d’environ 500 prisonniers
(février 2010). Parmi les prisonniers martyrs, morts en prison
ou juste après leur libération, 14 sont originaires de la ville
d’al-Qods, le premier étant Abdel Qassem Abou Bakr, mort en 1969
des suites de la torture subie dans la prison de Moskobiya et le
dernier est le martyr Jum’a Kiyala, décédé en décembre 2008, par
suite de la négligence médicale intentionnelle, après 13 ans de
détention, alors qu’il était condamné à vie. Avant lui, le
prisonnier martyr Muhammad Hassan Abou Hadwan qui était âgé de
65 ans. Condamné à la prison à vie, les autorités sionistes
avaient refusé de le libérer lorsqu’il fut gravement malade. Il
est décédé le 4 novembre 2004 après avoir passé 19 ans en
prison, dont 7 ans à l’hôpital de la prison de Ramleh.
Les anciens prisonniers de la ville d’al-Qods détenus avant les
accords d’Oslo sont au nombre de 43. Le plus ancien est Fouad
Razim, du Jihad islamique, détenu depuis 1981.
Fouad Razim est né en 1957, à Al-Qods. Il a étudié dans les
écoles du quartier de Selwan et a poursuivi ses études
supérieures à l’Institut des études légales en 1977 et a
travaillé au département des awqaf musulmans. Il s’est distingué
dans le combat pour la Palestine e 1976 lors du mouvement des
manifestations qui se déclenchaient à partir de la mosquée al-Aqsa
en soutien aux Palestiniens assiégés dans le camp de Tell Zaatar,
au Liban, ayant été un de ses leaders. C’est au cours de la même
année qu’il a appris à manier les explosifs, dont il a balancé
une quantité sur les forces de l’occupation. Avec un
groupe de combattants, il a exécuté plusieurs opérations, dont
l’assassinat d’un soldat en 1978 et d’un colon en 1979. Il est
arrêté en 1981 après qu’un autre membre de la cellule ait été
arrêté et qui, sous la torture, a avoué que Fouad Razim lui
avait appris à manier les armes. Il fut sauvagement torturé lors
de son interrogatoire pendant quatre mois. Ses parents âgés ont
été détenus et soumis à des exactions pour faire pression
sur lui et l’obliger à faire des aveux. Sa sœur mariée a été
convoquée à la prison et gardée pendant plusieurs heures, mais
en s’approchant de lui, elle a pu lui glisser ces mots : « tiens
bon, Fouad, nous nous sacrifions tous pour la patrie, tu n’es ni
le premier ni le dernier. Sois patient, nous sommes avec toi,
par la permission de Dieu ».
Mais c’est au cours de son procès en 1982 où il a été condamné à
3 perpétuités et onze ans, pour avoir tué des soldats sionistes
et des collaborateurs, et incendié les véhicules des sionistes
et des collaborateurs à al-Qods, qu’il a montré un rare courage.
Il se lance sur un des gardes pour lui arracher son arme. Il est
alors aspergé de gaz avant de s’évanouir et d’être emmené à la
prison de Ramleh. Depuis, il a été transféré dans toutes les
prisons israéliennes. Maintes fois mis en isolement et privé des
visites familiales, il représente jusqu’à présent un exemple de
patience et de détermination. Lors des sermons du vendredi quand
il dirige la prière dans la prison, il appelle au refus de
quémander quoi que ce soit des gêoliers, en incitant « à se
tourner vers Dieu, le maître des mondes, Celui qui secourt et
qui aide ».
Les dernières statistiques concernant les prisonniers d’al-Qods
indiquent que 12 prisonniers sont détenus depuis plus d’un quart
de siècle. Parmi eux, figurent plusieurs prisonniers qui avaient
été libérés en 1985 lors de l’échange entre les forces de
l’occupation et le FPLP-commandement général, mais qui ont été à
nouveau arrêtés par l’occupant, comme Alaa Baziane, arrêté à
nouveau le 20/6/1986 et Ali Muslimani, le 24/4/1986. 16
prisonniers maqdisis sont détenus depuis plus de vingt ans, la
plupart au cours de la première intifada. 28 Maqdisis sont
condamnés à une ou plusieurs perpétuités dont deux femmes : Amné
Mouna et Sanaa Shehadé. Amné Mouna a été arrêtée en 2001 et
condamnée à une perpétuité, alors que Sanaa Shehadé a été
arrêtée en 2002 et condamnée à 3 perpétuités plus 31 ans.
Ibtissam Issawi a été arrêtée en 2001 et condamnée à 15 ans de
prison.
Quant aux prisonniers de la Palestine 48 dont le nombre est
aujourd’hui d’environ 150 (sans compter les Palestiniens en
statut d’arrestation), le plus ancien est Sami Younis, arrêté en
1983 et condamné à la prison à vie, plus tard réduit à 40 ans.
Né en 1929, il a aujourd’hui 81-82 ans. Il est le prisonnier
palestinien le plus âgé. Quatre d’entre eux sont détenus depuis
plus d’un quart de siècle, douze depuis plus de 20 ans, quatre
plus de 18 ans. Parmi les femmes, figure Lina Jarbouni, arrêtée
le 18 avril 2002 et condamnée à 18 ans de prison.
Il faut briser les normes « israéliennes »
Les prisonniers et leurs familles craignent que
l’Autorité palestinienne, qui négocie avec les sionistes, ne
néglige une fois de plus de réclamer leur libération, dans le
cadre des accords éventuels qu’ils pourraient signer. Il faut
dire qu’elle montre déjà des signes inquiétants en ce qui
concerne les prisonniers de 48. Ayant reconnu implicitement
depuis les accords d’Oslo que le sort des Palestiniens de 48 ne
la concernait pas, l’Autorité palestinienne abandonne de plus en
plus les prisonniers des territoires occupés en 48 alors que les
plus anciens d’entre eux, ceux qui sont détenus depuis plus de
20 ans, ont été emprisonnés parce qu’ils avaient résisté dans le
cadre des organisations palestiniennes présentes encore
aujourd’hui dans les territoires de l’Autorité. Depuis quelques
années, cet abandon est manifeste : plus de visites, plus de
contributions financières aux prisonniers et leurs familles et
plus de distribution de pâtisseries lors des fêtes.
Les représentants des prisonniers et des associations de
solidarité avec les prisonniers de 48 expliquent que la
situation s’est aggravée par la tentative sioniste de plus en
plus manifeste de les « israéliser » avec les récentes mesures
sionistes : les prisonniers de 48 ont été isolés des autres
prisonniers palestiniens et détenus dans la section 4 de la
prison de Gilboa, mesure qui permet de les séparer juridiquement
et d’empêcher que l’Autorité palestinienne ne leur paie « la
cantine » (la somme d’argent versée par prisonnier pour qu’ils
puissent acheter les éléments nécessaires, tels que
l’alimentation, les produits d’entretien, etc..). Ainsi, ils ne
sont pas comptabilisés par les sionistes comme des prisonniers
pouvant être réclamés, soit dans les échanges soit dans les
négociations.
Mais « israéliser » ne signifie cependant pas qu’ils aient un
traitement égal aux prisonniers « israéliens », loin de là. Que
ce soit lors de leur arrestation, de leur procès ou de leur
détention, les Palestiniens de 48 subissent le sort des autres
prisonniers palestiniens, et parfois pire, là où les sionistes
souhaitent se venger et affirmer qu’ils sont « une affaire
interne ». Concernant le traitement, il faut se rappeler que le
sioniste Ami Buber, qui a assassiné 7 ouvriers palestiniens à
Uyun Kara (devenu la colonie Richon Letzion) en 1990 et qui
avait été condamné à quarante ans de prison, a obtenu plus de
300 autorisations de sortie, s’est marié et a procréé. Ce
traitement, aucun Palestinien, même n’ayant pas tué des
sionistes ou pris les armes, ne peut l’obtenir.
L’arrestation des Palestiniens de 48 est souvent opérée dans la
terreur : des dizaines de véhicules militaires, des centaines
d’hommes sécuritaires, armés jusqu’aux dents, des sirènes
lancées pour annoncer de jour comme de nuit qu’il s’agit d’une «
grave » opération sécuritaire. Au moment de l’arrestation dans
la maison, celle-ci est fouillée, les affaires de tous les
membres de la famille dispersées, les ordinateurs et téléphones
portables confisqués et surtout, la presse « israélienne »
convoquée pour un tirage à grande sensation. C’est ainsi que
furent arrêtés sheikh Raed Salah en 2003, Muhammad et Hussam
Kanaané en 2005 et Ameer Makhoul en 2010, pour ne parler que des
exemples les plus criants. Il s’agit de dissuader les
Palestiniens de 48 de participer à la lutte nationale.
Mais pour Firas Omari, ancien prisonnier de 48 et aujourd’hui
directeur de l’association Youssef el-Seddiq, il est plus que
nécessaire de briser la norme israélienne, une nouvelle fois,
comme en 1985 lors de l’échange de prisonniers, où des
prisonniers de 48 avaient été libérés. Les organisations qui
détiennent le soldat sioniste et négocient l’échange ne doivent
absolument pas oublier leurs frères de 48, notamment les plus
anciens.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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