Syriam posa ensuite la question suivante :
« Qu’est-ce que cette Autorité [Palestinienne] qui
n’est pas capable de protéger un poste frontière ou un
bureau de vote ? », faisant allusion aux Brigades des
Martyrs al-Aqsa, proches du Fatah, le parti du Président
Mahmoud Abbas, et faisant allusion aussi à des « seigneurs
de la guerre » qui ont fragilisé la situation dans la
Bande de Gaza. Les militants d’al-Aqsa, furieux d’avoir été
bloqués par le Fatah dans la procédure de désignation des
candidats, se sont réfugiés dans la violence, créant ainsi
une situation d’absence de lois et de chaos qui pourrait empêcher
qu’aient lieu les élections au Conseil Législatif
Palestinien (CLP) prévues le 25 janvier.
L’autre obstacle majeur à ces élections est
la volonté israélienne d’interdire aux Palestiniens de Jérusalem-Est
de participer au vote, craignant que cela ne préfigure Jérusalem
comme future capitale de l’Etat Palestinien, et pour
s’opposer à ce que le Hamas ne gagne des sièges au Conseil Législatif
Palestinien. Israël, actuellement focalisé sur l’état de
santé d’Ariel Sharon, doit encore statuer sur cette question.
Alaa-Al Hamas, le chef des Brigades al-Aqsa, a
été interpellé par l’Autorité Palestinienne (AP) mardi
dernier [10 janvier] pour être interrogé à propos de l’enlèvement
de trois britanniques à Gaza. En signe de protestation, le
mercredi après-midi des militants supposés appartenir aux
Brigades al-Aqsa ont commencé à casser au bulldozer des
sections du mur séparant l’Egypte de la Bande de Gaza,
permettant à environ 300 Gazaouites et divers militants de
passer en Egypte où ils se sont retrouvés face aux soldats égyptiens.
Deux officiers égyptiens ont été tués et une trentaine de
personnes ont été blesséses dans les affrontements qui ont
suivi, bien que les soldats égyptiens aient évité de tirer
sur la foule. Beaucoup de Palestiniens ont été obligés de
revenir sur leurs pas, certains ayant eu le temps de ramener
quelques marchandises bon marché. Des témoins rapportent que
des dizaines d’Egyptiens, en particulier des femmes, sont entrés
dans Gaza à la recherche de membres de leurs familles.
La nuit de mercredi [11 janvier] des militants
d’al-Aqsa ont encore échangé des coups de feu avec les
forces de sécurité de l’AP près de la frontière à Rafah
alors que des Gazaouites, certains chargés de valises et partis
plein d’espoir étaient obligés de rentrer chez eux car la
frontière avait été fermée. Les habitants effrayés se sont
réunis devant leurs maisons encore marquées des traces de
balles de l’armée israélienne qui avait occupé la zone
jusqu’à son retrait en septembre dernier ; à présent
ce sont les militants d’al-Aqsa qui leur font peur. Lorsque
l’on demande aux habitants s’ils vont voter pour le Fatah
aux prochaines élections, ils répondent d’une voix forte :
« Hamas ». Pendant ce temps trois enfants blessés
par balles ont été emmenés rapidement à l’hôpital le plus
proche. Alaa-Al Hamas des Brigades al-Aqsa a été relâché
jeudi [12 janvier].
Plus tôt dans la journée de mercredi, les
militants d’al-Aqsa ont envahi les bureaux de la Commission
Centrale Electorale et trois autres immeubles gouvernementaux à
Rafah, puis ont entrepris de bloquer les accès à Rafah, seul
poste frontière accessible aux habitants de la Bande de Gaza.
Le même jour, d’autres militants d’al-Aqsa ont tenté
d’enlever les parents de Rachel Corrie - militante pacifiste
américaine assassinée par l’armée israélienne en 2003
alors qu’elle tentait de s’opposer à la démolition d’une
maison palestinienne - mais ils abandonné leur projet
lorsqu’ils ont appris quelle était l’identité du couple.
Vendredi des hommes masqués d’al-Aqsa, des
Brigades Abu al-Rish et des Faucons du Fatah - toutes ces
organisations étant liées au Fatah - ont diffusé un communiqué
depuis Rafah appelant l’AP à mettre fin au chaos dans les
Territoires Palestiniens et condmanant les récents enlèvements
d’étrangers. Le communiqué a été également signé par le
Hamas et le Jihad Islamique.
Pendant que le Hamas manifestait vendredi après-midi
à proximité des immeubles de la Sécurité Nationale de l’Autorité
Palestinienne, des supporters chantaient, « A quiconque
frappera le Hamas, nous ne lui couperons pas la main, nous lui
couperons la tête ». Le jeudi matin qui précédait, Rami
al-Dalou, un militant des Brigades Ezzedine al-Qassam du Hamas
et qui ne portait pas d’armes sur lui, a été assassiné par
Ghassan Jadallah, le responsable de l’organisation de jeunesse
du Fatah et appointé par les services de sécurité de l’AP.
Des militants du Hamas et du Fatah étaient en train de coller
des affiches dans la ville de Gaza lorsque la dispute a éclaté,
d’après le porte-parole du Hamas Sami Abu Zouhri qui a demandé
que le meurtrier soit arrêté. Les fonctionnaires des services
de sécurité de l’AP ont confirmé la mort de Rami al-Dalou
et ont dit mener une enquête.
Parlant depuis son bureau à Gaza mercredi,
l’ancien ministre des Affaires Civiles pour l’Autorité
Palestinienne Mohammad Dahlan a dénoncé la violence dont se
sont rendues responsables les Brigades al-Aqsa, disant que
« al-Aqsa ne représente pas le Fatah ». Il a
reconnu que le Ministère de l’Intérieur n’était pas
intervenu alors qu’il aurait dû le faire lorsque des
affrontements violents entre des familles s’étaient produits.
La campagne pour les toutes prochaines élections
bat son plein dans la ville de Gaza, alors que les rues sont décorées
d’affiches et de banderolles et que des rassemblements animés
ont lieu un peu partout. Les candidats tentent de convaincre les
Gazaouites qu’ils sont les seuls à pouvoir remettre de
l’ordre, à faire cesser la corruption et à amener un
changement désespérément souhaité. Les électeurs vont
principalement faire un choix entre le Fatah et le Hamas, et
deux listes indépendantes offrant une alternative. Mustafa
Barghouti, ancien candidat aux élections présidentielles et
conduisant la liste Palestine Indépendante et Hanane Ashrawi
qui conduit la liste du Parti de la Troisième Voie ont tous les
deux été arrêtés par la police israélienne alors qu’ils
menaient campagne à Jérusalem-Est.
Le Hamas, le concurrent le plus puissant et le
plus motivé, est donné à seulement 8 points du Fatah selon la
dernière enquête publiée par l’Université Nationale
An-Najah et menée les 5 et 6 janvier. Toujours selon l’enquête,
le Fatah remporterait 39,3 % des voix, le Hamas 31,3% et
Palestine Indépendante 10,4%. Au total 82,6% des personnes
interrogées ont manifesté leur intention de voter.
Le Hamas a entamé une campagne porte à porte,
organisant des séances de questions-réponses dans des petits
rassemblements [diwans] à travers la Bande de Gaza, en même
temps que sont organisés leurs désormais célèbres festivals
qui rassemblent des milliers de personnes sous la bannière
« du changement et de la réforme », leur slogan de
campagne électorale. Lorsque l’on rentre dans le quartier général
de campagne dans la ville de Gaza, on est accueilli par Naje
al-Serhey, un gestionnaire très professionnel de la campagne électorale
pour toute la Bande de Gaza. Une sonnerie s’apparentant à des
coups de feu émane du téléphone mobile qu’il porte à la
poche de sa veste en tweed pendant qu’il explique quels sont
les moyens de communication utilisés par le Hamas pour sa
campagne : des journaux, une chaîne de télévision, des
annonces radio, des messages SMS, des courriers électroniques
et des sites Internet.
Comment le Hamas a-t-il trouvé les compétences
nécessaires pour mener une campagne aussi professionnnelle
alors qu’il s’agit de sa première campagne vraiment
importante et que les communications avec le monde extérieur
sont si réduites ? Al-Serhey attribue cette réussite au
grand nombre de professionnels et universitaires qui
appartiennent au mouvement, et à l’expérience acquise lors
des élections municipales. Le Hamas a prouvé sa capacité à
organiser l’activité de ses adhérents : il y a près de
10 000 volontaires rien que dans le district de Gaza, selon
al-Serhey.
Le Fatah, le candidat sortant qui reste toujours
en tête, a démarré sa campagne quelques jours après la date
officille d’ouverture de la campagne électorale. Le message
du Fatah est « Nous avons besoin d’une seconde chance »,
d’après ce que nous dit Ryad al-Hassan, le responsable de la
campagne alors qu’il réceptionne du matériel électoral dans
son quartier général de la ville de Gaza. Une banderolle du
Fatah représente des feux de circulation sur le côté droit,
symbolisant son engagement à faire respecter la loi et
l’ordre et sa volonté de secouer sa réputation de
corruption, et un tournesol jaune avec un koffiyeh
(couvre-tête palestinien) sur la gauche symbolise un futur
radieux, selon les militants du Fatah engagés dans la campagne
électorale.
Il y aurait de 50 à 60 000 volontaires du Fatah
en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza qui seraient engagés
dans la campagne. Des participants ont reçu des cours de la
part du Washington DC-based National Democratic
Institute sur les techniques de campagne, mais au contraire
du Hamas, il ne s’agit pas de leur première campagne électorale
importante.
Peut-être que les Palestiniens de Jérusalem-Est
pourront participer au vote aux conditions fixées par les israéliens,
mais la lutte interne dans le Fatah doit trouver une issue avant
que le vote ait lieu. Le ministre Dahlan assure que « Les
élections mettront fin au chaos. Si les élections n’ont pas
lieu à la date prévue, ce sera un jour noir pour le Peuple
Palestinien », et la direction du Hamas est en accord avec
ce point de vue.