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Lieberman endosse McCain et met à
nu le soutien bipartisan à la guerre
Bill Van Auken
Joseph Lieberman - Photo ibabuzz.com
18 décembre 2007
Le soutien qu’a donné
un ancien candidat vice-présidentiel démocrate à un candidat républicain
dans les primaires américaines est un événement politique extrêmement
rare, peut-être même sans précédent, dans l’histoire américaine.
Le sénateur du
Connecticut, Joseph Lieberman, qui se présente comme un « démocrate
indépendant », a eu l’honneur douteux de réaliser cette
première historique le lundi 17 décembre lors d’un discours au
New Hampshire dans lequel il a endossé le républicain John
McCain comme candidat à la présidence.
L’événement le plus
proche de celui-ci, de mémoire d’homme, a été l’endossement
du républicain Ronald Reagan par le candidat défait aux
primaires démocrates de 1980, Eugene McCarthy, et qui a eu une
signification politique bien moindre.
« Je sais qu’il
est inhabituel pour quelqu’un qui n’est pas républicain
d’endosser un candidat républicain à la présidence », a
déclaré Lieberman, aux côtés de McCain à la Légion américaine
de Hillsborough dans le New Hampshire. « Et si c’était
une époque habituelle et une élection habituelle, je ne serais
probablement pas ici aujourd’hui, a-t-il continué. Mais ce
n’est pas une époque habituelle et ce n’est pas une élection
habituelle; et John McCain n’est pas un candidat habituel. »
Lieberman a expliqué ce
qu’il voulait dire par là : « En ces temps de
guerre, où il faut assurer la sécurité des Etats-Unis, John a
prouvé qu’il avait l’expérience, la force et le caractère
pour être notre commandant en chef dès le premier jour. »
Il a ensuite ajouté « qu’au moment où d’autres hésitaient,
où d’autres voulaient quitter le champ de bataille, John a eu
le courage et le bon sens de se tenir debout contre la vague de
l’opinion publique et a appuyé l’envoi des renforts en Irak,
où nous gagnons enfin. »
Voilà le cœur du sujet.
Lieberman a endossé McCain, le sénateur républicain de l’Arizona,
parce qu’il est le candidat qui s’est le plus ouvertement
identifié avec la politique de guerre en Irak de
l’administration Bush.
Les experts politiques ont
vu l’endossement de Lieberman comme un coup pour augmenter le
prestige de McCain parmi les indépendants qui sont autorisés à
voter dans les primaires du New Hampshire. Certains ont suggéré
que l’endossement pourrait jouer un double rôle, en permettant
de gagner les indépendants qui seraient tenter de voter pour le démocrate
Barack Obama, ce qui aiderait du même coup son adversaire,
Hillary Clinton.
D’autres ont spéculé
que McCain et Lieberman pourraient se présenter comme équipe
« fusionnée » à la présidence et la vice-présidence
en 2008.
Peu importe les calculs
politiques électoraux de Lieberman et McCain, cet endossement en
dit long sur l’état du Parti démocrate et le milieu politique
américain dans son ensemble.
Lieberman, il faut le
rappeler, s’était présenté avec Al Gore en tant que candidat
démocrate à la vice-présidence il y a sept années seulement.
Il avait été choisi comme partenaire de Gore dans une concession
évidente à l’aile droite et à ses attaques enragées contre
l’administration Clinton. Lieberman s’était fait connaître
de par le pays en devenant le premier démocrate d’importance à
condamner publiquement Bill Clinton dans le scandale sexuel
impliquant Monica Lewinsky, prononçant un discours moralisateur
au Sénat qui a été utilisé pour légitimer la tentative de la
droite républicaine pour faire tomber le président au pouvoir.
Après l’élection de
Bush, Lieberman est devenu le principal appui à l’intérieur du
Parti démocrate pour le militarisme américain en général et
pour la guerre en Irak en particulier. En 2002, il avait introduit
avec McCain une loi qui a autorisé l’administration Bush à
envahir l’Irak sans provocation en mars de l’an suivant.
Lorsqu’il s’est présenté
pour être candidat présidentiel dans les primaires démocrates
de 2004, il n’a pas réussi à obtenir dans tous les États dans
lesquels il s’est présenté, à l’exception de cinq d’entre
eux, plus de cinq pour cent des voix. Ce rejet écrasant de
Lieberman par la population a été l’exemple le plus franc des
profonds sentiments anti-guerre animant les électeurs démocrates
dans ces élections.
Ce qui n’a pas empêché
le sénateur John Kerry, aussitôt après avoir été choisi comme
candidat présidentiel des démocrates, d’adopter la plateforme
électorale de Lieberman comme plateforme de la présidence démocrate.
Kerry a insisté qu’il ne proposait pas la fin de l’occupation
américaine en Irak et a promis que peu importait les différences
tactiques qu’il avait avec Bush, l’aventure militariste américaine
devait « réussir ».
Les électeurs démocrates
dans l’État du Connecticut que représentait Lieberman ont donné
leur verdict sur le sénateur sortant cherchant un quatrième
mandat dans les élections de 2006. Il a été défait lors des
primaires par Ned Lamont, un dirigeant d’une compagnie du câble
qui a condamné Lieberman pour son soutien servile aux politiques
de guerre de l’administration Bush. La plupart des principaux démocrates
dans les actuelles primaires américaines, Hillary Clinton, Barack
Obama et Joe Biden, ont appuyé Lieberman contre Lamont dans les
primaires du Connecticut, alors que John Edwards était demeuré
neutre.
Lieberman a réussi à
conserver son siège, défiant le verdict des primaires démocrates
au Connecticut, en se présentant en tant qu’indépendant et en
battant Lamont lors des élections générales, principalement grâce
au soutien des républicains de cet État. La dénomination
qu’il a adoptée, « démocrate indépendant », reflète
les embûches qu’il a rencontrées sur la voie de sa réélection
tout autant que son admission dans le caucus démocrate au Sénat
américain. On lui a permis de conserver son ancienneté et de présider
le comité sénatorial sur la sécurité intérieure.
N’ayant eu aucun prix à
payer pour s’être rangé aux côtés de la Maison-Blanche de
Bush sur la question de la guerre en Irak, et avoir condamné ses
collègues du caucus démocrate, Lieberman a maintenant donné son
appui à un républicain avant même le début des primaires. La réponse
timide des dirigeants du Parti démocrate indique qu’il
continuera à jouir de l’impunité politique.
« J’ai le plus
grand respect pour Joe », a déclaré le président de la
majorité au Sénat, Harry Reid, sénateur démocrate du Nevada.
« Mais je ne peux qu’être en désaccord avec la décision
d’endosser le sénateur McCain », a-t-il continué.
Lieberman et McCain ont
continué à collaborer étroitement au Sénat. Lors de la dernière
fête de l’Action de grâces, les deux hommes se sont rendus en
Irak pour en revenir en proclamant que les forces d’occupation
américaines gagnaient prétendument la guerre contre la résistance
irakienne. Les deux ont émis une déclaration commune dénonçant
l’échec du Congrès contrôlé par les démocrates à adopter
les nouveaux crédits de guerre sans conditions, tel qu’il était
demandé par l’administration Bush, parce que cela était, selon
eux, « inexcusable » et « très téméraire ».
Ils ont accusé les démocrates « d’abandonner [l’Irak]
aux fanatiques d’al-Qaïda et aux terroristes appuyés par l’Iran ».
McCain et Lieberman ont
conjointement proposé un amendement à la loi sur les crédits
de guerre dans lequel ils accusaient l’Iran d’« assassiner »
les troupes d’occupation américaines en Irak. Lieberman a appelé
les États-Unis à préparer « une action militaire
agressive contre les Iraniens pour les empêcher de tuer des Américains
en Irak ».
Quant à lui, McCain
s’est amusé de son appui à l’action militaire contre l’Iran,
chantant « Bomb, bomb, bomb, bomb,
bomb Iran » sur l’air de Barbara Ann, la chanson des Beach
Boys, dans le cadre de sa campagne en Caroline du Sud.
Lieberman n’est absolument
pas un marginal dans le Parti démocrate. Il a été le président
du Conseil de direction du Parti démocrate de 1995 jusqu’à ce
qu’il se présente à la vice-présidence en 2000. Cet organisme
influent, qui a constamment poussé le Parti démocrate vers la
droite en lui faisant répudier le réformisme social et embrasser
le militarisme, a compté parmi ses membres les deux Clinton
(Hillary étant présidente de l’« Initiative pour le rêve
américain » chapeauté par le Conseil de direction du Parti
démocrate), Al Gore, John Edwards et d’autres candidats à la
candidature présidentielle d’importance pour 2008.
La décision de Lieberman
d’endosser McCain est une indication supplémentaire que malgré
la rhétorique molle que l’on peut entendre dans les primaires,
le Parti démocrate finira, en bout de piste, à soutenir
l’occupation continue de l’Irak ainsi que les préparatifs
pour de nouvelles guerres d’agression encore plus sanglantes, y
compris l’attaque potentielle contre l’Iran.
(Article original paru le
18 décembre 2007)
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Publié le 28 décembre 2007 avec l'aimable autorisation du WSWS
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