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Olivier Besancenot :
« La discrimination des musulmans est
une donnée incontestable »
Photo WSWS
lundi 2 avril 2007
Les personnes issues de
l’immigration notamment maghrébine subissent des
discriminations multiformes et en particulier un accès verrouillé
au monde du travail.. Des dispositions ont été prises (par
exemple, le projet du CV anonyme malheureusement abandonné) mais
cela n’est pas suffisant. Quels engagements comptez-vous prendre
pour lutter efficacement contre les discriminations ?
Le CV anonyme était d’une aide très limitée,
même si on peut regretter son abandon. Je suis favorable à une
action positive concernant en particulier l’éducation et l’école,
avec des moyens spécifiques supplémentaires pour des zones à
forte concentration de difficulté sociale, qui sont souvent aussi
celles où les populations historiquement issues des anciennes
colonies sont fortement présentes. En ce qui concerne les
discriminations à l’embauche, je propose qu’un audit soit réalisé
chaque année sous contrôle des CE pour vérifier comment ont été
traitées les demandes d’embauche.
Êtes-vous favorable au droit
de vote des résidents non communautaires ? Si oui, à
quelles élections ?
Je suis favorable au droit de vote (ainsi qu’à
leur éligibilité) de ces résidents à toutes les élections
sous condition d’une ancienneté de résidence à discuter
(entre un et trois ans). Il devrait aller de soi que des résidents
qui contribuent à la production matérielle, à la consommation
(donc aux impôts) et à la vie sociale du pays aient leur mot à
dire sur la politique suivie.
Jacques Chirac a récemment
supprimé le deuxième alinéa de l’article 4 de la loi du 23 février
2005 glorifiant le passé colonial de notre pays. En 1995, Jacques
Chirac reconnaissait la responsabilité de l’Etat français dans
la déportation des Juifs de France et "la dette
imprescriptible" de l’Etat à l’égard des victimes et de
leurs ayants droits. Pensez-vous que cette reconnaissance puisse
être étendue aux victimes des crimes coloniaux ? Si oui,
estimez-vous que ce travail de mémoire puisse être prolongé
dans les programmes de l’Education nationale ?
Il reste de toutes les façons les autres articles
de cette loi, presque aussi scandaleux. Comme cela a été fait
pour l’esclavage, la reconnaissance du crime que représente la
colonisation devrait être mise en œuvre. Mais ce sera
insuffisant si un réel travail de mémoire - comme le fait
l’association « Devoirs de mémoire » à la
fondation de laquelle j’ai participé - n’est pas mené, en
liaison avec les historiens, et traduit dans l’éducation.
Pensez-vous suprimer ou
laisser en l’état la loi Ceseda ainsi que les dernières lois
sur l’immigration ? Etes vous notamment favorable ou non à
la disposition de loi criminalisant la solidarité envers les sans
papiers ?
Je suis pour la suppression de cette loi et de
toutes celles qui criminalisent l’immigration. Je suis, d’une
manière plus générale, favorable au principe de libre
circulation et d’installation. Dans l’immédiat, je suis
favorable à la régularisation de tous les sans papiers, et,
partant, bien évidemment hostiles à toute répression des
personnes solidaires. C’est au contraire un devoir humain élémentaire
que de résister à ces pratiques contraires aux droits les plus
fondamentaux.
La loi SRU est contournée
par de nombreux maires qui préfèrent payer une amende plutôt
que de construire des logement sociaux. Quelles dispositions
comptez-vous mettre en oeuvre pour contraindre au respect de cette
loi ? Et plus généralement pour lutter contre la pénurie
des logements sociaux ?
Je suis favorable à la réquisition des millions
de logements vides qui le sont à titre spéculatif, à la mise en
chantier rapide d’un million de logements sociaux et « très
sociaux », à la limitation des loyers à hauteur de 20% des
revenus. En ce qui concerne la loi SRU, je propose que la non
observation de cette loi fasse des maires concernés des délinquants
rendus inéligibles.
L’islamophobie est un phénomène
dont la gravité est attestée par des études de la CNCDH
(Commission nationale consultative des droits de l’Homme), ainsi
que par diverses organisations de défense des droits de
l’Homme. Quelles dispositions comptez-vous prendre pour lutter
contre l’islamophobie ?
La discrimination des musulmans est une donnée
incontestable et se mesure en particulier aux difficultés
(parfois l’impossibilité) d’une pratique honorable du culte.
Fidèle aux principes de laïcité, je suis hostile à tout
financement public d’une religion quelconque. Mais je suis tout
autant hostile aux pratiques qui bloquent la construction des
mosquées par le jeu des refus des permis de construire, ou de
celles qui (dans les cantines scolaires en particulier) rendent
impossible l’observation de règles du culte. Mais je suis opposé
à l’extension illimitée de ce que l’on appelle « islamophobie ».
Je lutte pour garantir le droit public et privé à la pratique
religieuse en général, mais je refuse que la critique des
religions soit criminalisée (par le biais par exemple de
l’interdiction du « blasphème »). Plus généralement,
je ne scrute pas les consciences : je me sens plus proche
d’un croyant qui soutient les sans papiers que d’un athée qui
sacrifie au Dieu profit.
La loi de la mars 2004 qui
bannit les signes religieux ostensibles de l’école a eu pour
conséquence la déscolarisation de dizaines de jeunes filles et
leur éviction du monde du travail . Quelles mesures pourrez-vous
prendre pour faciliter leur réintégration dans la société ?
Comme la LCR, je suis hostile à cette loi, dirigée
évidemment contre les musulmans. Mais, en même temps, je considère
que le port du voile présenté comme obligation religieuse pour
les femmes se lie facilement à une discrimination contre ces
dernières et que le système scolaire – dont une des fonctions
est de lutter contre celles–ci – ne peut y être indifférent.
Mais on ne lutte sur ce terrain ni par une loi discriminatoire
(qui laisse intacte le concordat en Alsace-Moselle par exemple),
ni par l’exclusion de l’école. D’où la position adoptée
par la LCR lors du vote de la loi : « ni loi, ni voile ».
La légitimité du CFCM et
notamment le mode d’élection de ses responsables est
aujourd’hui contestée par de nombreux citoyens français de
culture musulmane. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Je suis pour la liberté complète d’auto-organisation
des cultes et hostiles à toute intervention étatique dans ce
domaine. Or, c’est bien ce qui s’est passé avec le CFCM,
imposé en son temps par Sarkozy.
Le gouvernement de M. Bush,
loin de retenir les leçons de son aventure militaire dramatique
en Irak multiplie les menaces de guerre totale contre l’Iran.
Quelle position adopterez-vous en cas de guerre contre l’Iran ?
Je suis hostile à l’arme nucléaire potentielle
de l’Iran, mais tout autant à l’armement déjà présent des
pays qui en disposent (dont les EU, la France et Israël). Mais je
dénonce l’hypocrisie des Etats disposant de l’arme nucléaire
et qui entendent décider qui d’autre aurait le droit d’en
disposer. Bien entendu, je suis contre toute intervention
militaire sous ce prétexte pilotée par les EU, en Iran ou
ailleurs.
Israël persiste à mépriser
le droit international en toute impunité. Colonisation toujours
plus étendue, répression continue du peuple palestinien, non
respect des résolutions de l’ONU. La France peut-elle imposer
contre le droit à la force la force du droit ?
Israël bénéficie d’un droit illimité à ne
pas respecter les droits des autres et à fixer son propre droit.
Ceci est en particulier vrai du refus de reconnaître le droit des
Palestiniens à un Etat viable. Je suis en solidarité avec les
populations agressées par Israël, et je crois qu’il faut
contribuer au renforcement du mouvement international de solidarité
avec celles et ceux qui résistent aujourd’hui, y compris les
pacifistes israéliens qui mènent un combat courageux et
difficile.
Propos recueillis par la rédaction
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