Fatima, 9 ans, tourne vers sa mère des yeux fiévreux. L’eau que
consomme la petite Palestinienne est polluée par les pesticides et les eaux
usées qui circulent librement dans le sous-sol de son village. « J’ai
souvent mal au ventre, explique Fatima. Je vomis, c’est pareil pour tous
les enfants ici. » À Attil, bourg de 11 000 habitants dans le
nord-ouest de la Cisjordanie, un des trois puits d’eau potable est contaminé
par les eaux usées et les pesticides, explique le maire Abdallah Kreineh,
élu du Hamas. « Nous craignons que les deux autres le soient aussi »,
ajoute-t-il.
Les eaux usées et les matières fécales venant de maisons voisines
descendent de la colline, et pénètrent directement dans le sol et
dans les murs de la maison des parents de Fatima. Elles minent lentement
les fondations et dégagent une odeur pestilentielle. N’ayant pas de
système d’égout ou de fosse septique, la famille a mis en place un système
de tuyaux pour évacuer les eaux usées dans des seaux. « Ensuite,
nous arrosons les arbres fruitiers avec », explique le père,
inconscient des dangers sanitaires qu’il fait ainsi courir à sa famille.
Amibes, diarrhées, gastro-entérites, fièvre, insuffisance rénale,
infections et problèmes dermatologiques sont régulièrement traités
par les médecins de la région, explique l’un d’eux. Des hépatites
A ou des typhoïdes plus rarement.
À Attil, les habitants reliés au système hydraulique de la
municipalité reçoivent en outre une eau jaune contenant des particules marron :
les tuyaux sont rouillés, explique le maire. La municipalité n’a pas
les moyens de les remplacer. Les citernes servant à recueillir l’eau
de pluie ou les camions acheminant de l’eau supposée potable à
quelque 220 villages et bourgs palestiniens sont également porteurs de bactéries.
Elisabeth Sime, directrice de l’ONG internationale CARE pour la Cisjordanie et Gaza, indique qu’un « nombre élevé de nouveau-nés
meurent des suites d’infections dues à l’eau ».
Dans certains villages, ce sont des colonies israéliennes qui
rejettent ordures ménagères, agricoles et industrielles, contribuant à une
pollution rapide des rares ressources en eau. Abdel Rahman Tamimi, directeur de l’ONG Palestinian Hydrology Group, accuse certains
entrepreneurs et colons israéliens de rejeter des produits toxiques
dans le sous-sol palestinien. Il parle de « terrorisme environnemental
».
Selon cette ONG, plus de 55 % des enfants ont des problèmes de santé
liés à l’eau. À l’hôpital de Gaza, des Palestiniens aux
dents rongées par les bactéries viennent régulièrement se faire purifier le
sang par dialyse, victimes d’un lent empoisonnement.
Tout cela oblige les Palestiniens à acheter de l’eau pour
s’assurer de sa salubrité, quoique les résultats ne soient pas garantis. Les
besoins croissants de la population y sont aussi pour quelque chose. L’eau
ne suffit pas à tous.
Comme des centaines de milliers de Palestiniens, Khitam Abou al-Roub
doit acheter de l’eau acheminée par camion pour couvrir ses
besoins, ceux de son mari et de ses huit enfants. « Le réservoir collectant
l’eau de pluie n’est pas suffisant, nous devons acheter de l’eau, l’équivalent
de deux camions-citernes (4 m3) par mois l’hiver, quatre à cinq
pendant l’été, de juillet à octobre », explique cette mère de famille
des faubourgs de Jénine. Cette dépense pèse lourd sur les finances du
ménage.
C’est Jamal Abou Hatab, propriétaire d’un camion-citerne jaune
tiré par un tracteur rouge, qui approvisionne la famille. Lui-même achète
le m3 1,5 shekel au puits de Aref Abbouchi, situé dans le quartier est de
Jénine. « Plus il y a d’intermédiaires, plus le prix de l’eau
est élevé », explique M. Abbouchi, dont la famille possède une autorisation
d’exploiter ce puits antérieure à l’occupation israélienne de
1967. Dix à 15 conducteurs viennent s’approvisionner à ce puits, les
tracteurs chargés de pesticides également. « Nous sommes inquiets des
risques de contamination car les abords du puits ne sont pas bétonnés »,
explique Othman Abbas, représentant de l’ONG CARE International. Cette eau
est pourtant supposée être potable.
Plus de 220 communautés à travers la Cisjordanie ne sont pas
connectées à un réseau d’eau, soit environ 320 000 personnes.
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