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DOSSIER 
L'eau en Palestine

 

 


L’eau, facteur de paix dans la région ?
Antoine AJOURY
 

L'ORIENT LE JOUR

Lundi 31 Octobre 2005 | 5:00 | Beyrouth

Palestiniens, Israéliens et Jordaniens collaborent face à la menace d’assèchement de la mer Morte

L’eau, qui constitue l’une des causes principales des conflits au Proche-Orient, peut jouer un rôle favorisant la collaboration régionale et devenir, de ce fait, un facteur de paix. Tel est le cas de la mer Morte, richesse commune que se partagent Israël, la Jordanie et les Palestiniens. Or l’éventualité de voir la mer Morte disparaître a fait naître chez chacune des parties une volonté supérieure de réconciliation dans l’intérêt commun.

Ainsi, entre les tirs de missiles et les attentats-suicide, les gouvernements oublient un moment leur rivalité et s’emploient à protéger différentes ressources naturelles transfrontalières essentielles à la vie de tous les habitants de la région. Un véritable espoir de paix peut, en conséquence, naître de la menace de voir disparaître cette ressource essentielle, à savoir l’eau, en raison de l’assèchement de la mer Morte.

Le tarissement de la mer Morte est essentiellement dû à la déviation des eaux du Jourdain et d’autres rivières secondaires pour l’irrigation agricole ou pour l’usage domestique, de la part d’Israël, de la Jordanie et de la Syrie. « L’eau du lac de Tibériade est également détournée par l’État hébreu qui puise annuellement 600 millions de mètres cubes pour irriguer les régions intérieures jusqu’aux villes côtières de Haïfa et Tel-Aviv », affirme Raed Daoud, spécialiste et consultant jordanien en eau. Du côté jordanien, « les autorités ont également puisé dans le Yarmouk, un des affluents du Jourdain, provoquant ainsi une forte diminution du débit de ce fleuve. Les Syriens ont, pour leur part, construit vingt-sept barrages sur le Yarmouk et ses affluents », ajoute-t-il.

Dans le temps, près de 1 200 millions de mètres cubes d’eau alimentaient la mer Morte. Alors qu’actuellement, s’alarme M. Daoud, seulement 200 millions de mètres cubes se déversent dans cette mer, soit une baisse de presque 80 %. Ce à quoi il faut ajouter le phénomène d’évaporation de l’eau. Ainsi, le niveau de la surface est descendu de plus de 25 mètres au cours des quatre dernières décennies et il continue de baisser d’environ un mètre par an. Si aucune solution n’est trouvée, d’ici à 50 ans la mer Morte sera complètement asséchée. Il s’agira non seulement d’une catastrophe écologique, mais également de la perte d’un patrimoine mondial inestimable et irremplaçable. Pour ne pas parler des préjudices majeurs qui affecteront l’économie et surtout le tourisme dans cette région.

Selon M. Daoud, on a commencé à prendre conscience du danger de l’assèchement de la mer Morte au début des années 70. Deux solutions ont été étudiées pour ravitailler la mer Morte en eau : un transfert soit des eaux de la Méditerranée, soit de la mer Rouge. Toutefois, le projet n’a pris réellement forme que dans la seconde moitié des années 90, après les accords d’Oslo et la signature du traité de paix entre Israël et la Jordanie. Ainsi, des négociations tripartites pour un développement économique commun et, en particulier, pour le partage des accès à l’eau ont débuté en 1993. Elles ont abouti, il y a deux ans, à l’adoption d’un projet visant à drainer l’eau de la mer Rouge vers la mer Morte. Malgré la situation alarmante, d’âpres et longues négociations ont eu lieu entre l’État hébreu, le royaume hachémite et l’Autorité palestinienne pour déterminer la répartition de l’eau. D’autres obstacles ont également dû être franchis, affirme le spécialiste jordanien, l’un des plus importants étant le statut de l’Autorité palestinienne. Israël voulait d’abord considérer cette dernière uniquement comme une partie bénéficiaire du projet, et non pas comme une partie à part entière. Une position plus constructive semble toutefois se dessiner actuellement, notamment grâce à l’intervention de la Banque mondiale qui a proposé des directives apparemment acceptées par les trois parties.

Le projet consiste donc à drainer l’eau de la mer Rouge jusqu’à la mer Morte à travers un pipeline sur la majeure partie du trajet, puis un canal (non navigable) sur le reste du parcours. Selon M. Daoud, cette installation sera également utilisée pour dessaler l’eau puis irriguer les terres de part et d’autre de la frontière. L’inclinaison de près de 400 mètres entre les deux mers (la mer Morte se trouve à 400 m sous le niveau de la mer) permettra en outre de produire de l’électricité.

Il reste néanmoins un problème majeur à résoudre, souligne l’expert : le coût élevé de l’eau ainsi traitée et de l’énergie produite par ce projet. Les complications autour de ce projet ne sont pas uniquement d’ordre politique, affirme M. Daoud. Le budget prévu pour réaliser uniquement le drainage de l’eau s’élève à environ un milliard de dollars. Ce à quoi il faudra ajouter le coût des installations de traitement de l’eau et les usines de production d’électricité. Et bien que cette entreprise doive être largement financée par d’autres pays et organisations internationales, le coût du projet n’en demeure pas mois exorbitant. Le facteur temps joue également contre la réussite de ce projet : l’étude prendra au moins deux ans, et la réalisation des travaux plusieurs années.

Sans compter quelques détracteurs qui critiquent ardemment ce projet. Toutefois, note le spécialiste jordanien, rares sont ceux qui s’y opposent pour des raisons politiques. Les reproches les plus sérieux sont d’ordre écologique. En effet, certains prônent d’autres solutions, estimant que l’eau de la mer Rouge pourrait altérer l’équilibre écologique et les caractéristiques de l’eau de la mer Morte. En fin de compte, Israël, l’Autorité palestinienne et la Jordanie doivent coordonner ensemble la gestion de cette ressource et travailler ensemble pour sauvegarder ce bien précieux non seulement pour leurs intérêts respectifs, mais pour le bien de l’humanité entière. Étant donné l’immobilisme qui caractérise le processus politique israélo-palestinien, on peut espérer que le sauvetage par les trois parties de la mer Morte puisse servir de modèle de coopération pacifique applicable, éventuellement, à la « feuille de route ».


Source : Liste Palestine vivra
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