Samira Salah est palestinienne, elle a 58 ans.
Elle est mariée et mère de 4 enfants. En 1948, elle a été
chassée de Tibériade avec ses parents et ses 10 frères et sœurs.
Toute sa famille s’est réfugiée en Syrie.
Toute une vie au service des
femmes et des réfugiés
En Palestine, la famille de sa mère possédait
une petite entreprise de bateaux de pêche sur le lac de Tibériade
et son père travaillait à Haifa pour une entreprise pétrolière
britannique. En Syrie, il a pu retrouver du travail au sein de
cette même entreprise et y poursuivre ses activités en tant que
responsable du mouvement syndical.
Sur les traces de son père, Samira Salah a débuté
son activité politique très jeune au sein de l’Union des
Etudiants Nationalistes Arabes. Toute sa famille était engagée
politiquement, mais son père et elle étaient les membres les
plus actifs de la famille. Elle est passée du mouvement étudiant
à des activités organisationnelles au sein du Parti Nationaliste
Arabe, puis a focalisé son action sur le mouvement des femmes.
Du Mouvement Nationaliste Arabe, elle a rejoint le
Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), car cela
correspondait à ses attentes. Au sein de ce parti politique, dont
elle a fait partie du Comité Central pendant 26 ans, elle était
responsable de l’action syndicale, notamment avec les femmes.
Elle a également eu des responsabilités au sein de l’Union des
Femmes Palestiniennes.
A moins de 30 ans, en 1973, elle est devenue
membre du Conseil National Palestinien de l’OLP. Elle en fait
toujours partie. Au sein de l’OLP, elle occupe le poste de
directrice du département des affaires des réfugiés
palestiniens depuis 1989.
Samira précise qu’elle a été la première
femme à occuper ce poste et que pour elle ça a été un grand
changement, un nouveau type de responsabilités. Auparavant son
action était principalement politique. Dans le cadre de ses
nouvelles fonctions, un travail de terrain l’attendait. Elle a réussi
à s’imposer auprès des comités populaires des camps et des
ingénieurs. L’expérience a été un succès. Samira ajoute
avec son grand sourire qu’elle a toujours eu beaucoup de plaisir
à travailler sur le terrain, avec les gens.
Mais depuis Oslo, l’activité du département a
beaucoup ralenti car les fonds ont été fortement réduits. Avant
Oslo, ce département comptait 30 personnes. Il n’en compte
aujourd’hui plus que 18 et le financement est juste suffisant
pour payer les salaires et le loyer de leurs bureaux. Avant le département
était actif dans tous les camps et les regroupements1, mais
aujourd’hui, en accord avec l’UNWRA, il concentre son activité
sur les regroupements car l’UNWRA s’occupe plus particulièrement
des camps.
Lorsqu’elle était en Syrie, Samira n’a jamais
ressenti de différences entre la population locale et les réfugiés
palestiniens. Dans ce pays, les réfugiés palestiniens ont dès
le début disposé des mêmes droits que les Syriens, mis à part
le droit de vote.
Aussi, en arrivant au Liban en 1970, elle a été
fortement choquée par les conditions dans lesquelles vivaient les
réfugiés palestiniens dans ce pays. Ce choc a été la base de
sa motivation pour travailler auprès des réfugiés dans les
camps, que ce soit au sein du FPLP, que de l’OLP. En 1970, les
conditions étaient déjà très dures et les guerres successives
ont empiré la situation.
Se battre pour les Droits
Civiques des réfugiés palestiniens au Liban
Les réfugiés palestiniens au Liban ne disposent
d’aucuns droits civiques : pas le droit de travailler, pas
le droit d’association, pas le droit à la propriété. Pour
Samira Salah, les propositions faites récemment par le Ministre
du Travail libanais pour l’autorisation de travail des réfugiés
ne changeront rien à la situation. En effet ces déclarations
n’ajoutent rien à des propositions faites en 1995 disant
qu’un Palestinien né au Liban a le droit de travailler à
condition qu’il dispose d’un permis de travail. Or ce permis
de travail est quasiment impossible à obtenir. Enfin la dernière
proposition du ministre n’inclut pas l’accès à la sécurité
sociale et aux assurances. Dans la constitution libanaise, il
n’y a pas de référence aux droits des étrangers, mais le
Liban est signataire de la Charte sur les droits des réfugiés.
D’après Samira Salah, il y a, dans la constitution libanaise,
beaucoup de lois contradictoires aux Conventions de Genève.
La campagne pour réclamer des droits civiques
dans l’attente du Droit au retour, que Samira Salah coordonne, a
été mise en place depuis début avril 2005 par un collectif
d’organisations, ceci afin de présenter un projet concret au
gouvernement libanais.
Ce collectif regroupe 25 associations
palestiniennes, le Conseil National Palestinien, le département
des affaires des réfugiés de l’OLP et des membres actifs de la
société civile palestinienne (hommes de loi, représentants
religieux etc...). Un comité de campagne regroupant 30 personnes
a été créé. Un premier atelier de travail a défini 3 axes
principaux de travail : la partie légale, la partie socio-économico-politique,
et la partie organisationnelle de la campagne.
Depuis le début de la campagne, le travail
accompli a consisté à organiser des ateliers de réflexion et
des formation au sein de la population palestinienne, puis à
sortir le matériel de campagne (brochures, affiches et
autocollants), à prendre contact avec la presse et à préparer
la lettre officielle qui a été présentée au gouvernement et
aux parlementaires libanais. Actuellement cette lettre est en
cours de traduction pour être envoyée aux ONGs internationales,
aux associations du mouvement de solidarité et aux parlementaires
européens. En parallèle, une pétition est en cours de
signatures dans les camps.
Au Liban, l’étape suivante est de travailler
auprès de la population libanaise pour lui expliquer la démarche
et gagner son soutien afin de créer un large mouvement de
pression politique. La campagne se poursuivra tant que le
gouvernement libanais n’aura pas apporté de réponse concrète.
Le titre de la Campagne est "Droits civiques
jusqu’au Droit au retour, ensemble avec les Libanais, nous résistons
à l’implantation et à la naturalisation des réfugiés".
Les 4 revendications principales de la campagne
sont : le droit au travail, le droit à la propriété, le
droit d’association et le droit à la sécurité, vers le Droit
au retour. Les autocollants disent " Non à l’implantation,
Non à la naturalisation".
Jusqu’à présent la campagne médiatique
fonctionne assez bien et 3 journaux libanais ont déjà publié la
lettre. L’objectif est de forcer d’autres portes, comme celles
des télévisions et des radios. Pour Samira Salah, il est nécessaire
de mettre l’accent sur la communication et les contacts pour
regrouper le maximum de forces. Un projet de film est en cours et
un site Internet sera bientôt mis en place. Elle compte aussi
beaucoup sur le soutien des organisations internationales pour
faire pression sur les autorités libanaises, via leurs
gouvernements respectifs et aussi pour soutenir financièrement la
campagne.
Du côté de la population palestinienne, cette
campagne recueille de nombreux échos positifs car il leur semble
qu’enfin quelque chose est fait pour essayer de changer leur
situation.
Une campagne dans un contexte
politique local et international particulier
Rien de très nouveau dans les revendications des
réfugiés palestiniens au Liban. En effet dès le début des années
90, des officiels palestiniens ont envoyé une lettre au
gouvernement libanais, réclamant des droits civiques pour les réfugiés.
Mais jamais aucune réponse n’a été reçue. En fait, dans le
contexte d’Oslo, les Libanais croyaient qu’ils seraient
prochainement débarrassés des Palestiniens !!!.
La campagne actuelle reprend les revendications
initiales, mais la méthode a changé. L’objectif est de
mobiliser largement la population pour faire pression sur les
politiques et soutenir les démarches officielles. La mise en
place de la campagne a profité de la situation politique au
Liban. Elle a été élaborée au cours du printemps. Dès la
première réunion du parlement et du gouvernement, les politiques
avaient reçu la lettre et ce dossier pourra être mis à
l’ordre du jour rapidement.
Les initiateurs de la campagne ne souhaitent pas
cette fois-ci se limiter au soutien de quelques partis politiques
précis, mais de taper à toutes les portes. Pour Samira Salah, la
situation politique actuelle est très favorable à la considération
de la question des droits civiques des réfugiés palestiniens. En
effet il semble que les Libanais aient enfin compris que le Liban
fait partie de l’enjeu politique régional. Tout le monde semble
prêt à écouter.
Le Droit au retour,
jusqu’au bout, jusqu’au retour.
Aujourd’hui il y a une pression internationale
et une volonté occidentale de régler à sa manière le problème
des réfugiés et le problème palestinien en général. La volonté
internationale est de trouver une solution basée sur un état à
Gaza pour les Palestiniens de l’intérieur et la naturalisation
des réfugiés là où ils se trouvent. Mais cette solution est
inacceptable pour les Palestiniens et les rend pessimistes.
Se battre pour ses droits civiques ne présume en
rien d’une volonté d’implantation définitive. Bien au
contraire, l’objectif est de retrouver sa dignité humaine pour
mieux poursuivre le combat pour la cause nationale palestinienne.
Que ce soit dans les mots de Samira Salah, ou dans
les paroles et les actes des jeunes Palestiniens réfugiés au
Liban rencontrés, on perçoit la même détermination :
NON A LA NATURALISATION. PEU IMPORTE QUAND, NOUS
RENTRERONS CHEZ NOUS, DANS NOS MAISONS, DANS NOS VILLAGES EN
PALESTINE.
Coordonnées de la campagne : Département des affaires des réfugiés
palestiniens Camp de Mar Elias - Beyrouth - Liban ccrprl@gmail.com
tel : 00 961 1 305 206 mobile : 00 961 3 512 593