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Jamestown

Une attaque massive contre des paras français (en Afghanistan) signale une nouvelle tactique talibane
Andrew McGregor

in Terrorism Focus (2 septembre 2008)
on Jamestown.org, 2 septembre 2008
http://www.jamestown.org/news_details.php?news_id=346

Les récits contradictoires concernant une embuscade talibane contre une unité militaire d’élite française dans le district de Surubi, dans la province de Kaboul (Afghanistan), le 18 août, n’a fait que susciter de nouvelles inquiétudes quant au déploiement politiquement impopulaire de troupes françaises en Afghanistan.

Dix soldats français avaient été tués, et vingt-et-un blessés, au cours de ce qui fut l’une des plus importantes opérations talibanes depuis l’invasion usaméricaine de l’Afghanistan, en 2001.

Les troupes françaises concernées faisaient partie d’un renfort de 700 militaires envoyés par ordre du président français N. Sarkozy en renfort de plus de deux mille soldats français placés sous le commandement de l’ISAF (International Security Assistance Force). A leur arrivée, les forces françaises assurèrent la relève de deux bataillons américains dans la région de Kapisa, un district stratégiquement capital situé près de Kaboul [info de la téloche à Tata Christine, France 24, en date du 25 juillet].

Un officier français a qualifié les troupes françaises impliquées dans l’embuscade d’ « expérimentées » et « aptes au combat » [Figaro, 20 août]. Néanmoins, les Talibans ont lancé un véritable avertissement politique en ciblant les nouveaux renforts du contingent français au sein de l’ISAF. La proximité de Kaboul d’une opération militaire talibane majeure a alarmé beaucoup de gens dans la capitale afghane, qui font observer que de précédentes attaques s’étant produite à l’intérieur de la ceinture de sécurité de Kaboul avaient annoncé la chute finale de la cité aux mains des forces insurgées [Cheragh (Kaboul), 21 août].

Le 18 août, trente soldats du 8ème Régiment parachutiste d’infanterie de Marine (8ème RPIMa), et trente autres, du Régiment de Marche du Tchad (RMT) se sont vu donner la mission de reconnaître la route de la vallée d’Uzbin, reliant le district Tagab (de la province de Kapisa) et le district Surubi (de la province de Kaboul). Ils reçurent le renfort de deux sections d’infanterie afghane et d’une unité des Forces [très] Spéciales Américaines. La majorité des Français étaient transportés par des Véhicules de l’Avant Blindés (VAB), des véhicules blindés de transports de troupe construits par le GIAT.

Constitué en 1951 en vue de la répression en Indochine, le 8ème RPIMa avait été dissous après avoir été quasiment ratatiné à la bataille de Dien Bien Phu, en 1954. Mais il avait été ressuscité en 1956 en vue de la répression en Algérie. Depuis son repli d’Algérie dans la ville de garnison de Castres, en 1963, le 8ème RPIMa a été déployé, au bas mot, dans une quinzaine de pays, dans le cadre de diverses missions, dont de récents déploiements dans le cadre de la première Guerre du Golfe, au Cambodge, dans le Kurdistan irakien, au Congo, en Macédoine, en Bosnie et au Kosovo. C’est en juin et en juillet que 500 paras de ce régiment ont été envoyés en Afghanistan.

Ces unités de « marine », comme le 8ème RPIMa, ne sont pas comparables [encore heureux, ndt] aux Marines américains ou britanniques ; leur nom fait référence, de fait, au Ministère de la Marine, qui, au XIXème siècle, était responsable des forces armées françaises [envoyées exercer leurs ravages] outre-mer, par opposition à l’armée métropolitaine, qui était placée sous la tutelle du ministère de la Guerre. Les « troupes de marine » devinrent les « troupes coloniales », composante de l’Armée coloniale, en 1900, ce qui entraîna un changement des intitulés des unités concernées, mais le terme « marine » fut remis au goût du jour après l’effondrement de l’empire français, après la Seconde guerre mondiale, pour désigner des unités de volontaires vouées aux sévices (oups : au « service ») outre-mer. Les troupes de marine, entièrement composées de volontaires, comportent [ainsi, paradoxalement] des unités d’infanterie, de cavalerie légère, d’artillerie et des troupes d’infanterie aéroportées.

Le RMT est une unité mécanisée de troupes de marine. Basé aujourd’hui en France, il a été formé, en 1943, avec des soldats métropolitains servant au sein du Régiment des Tirailleurs Sénégalais du Tchad s’étant ralliés à la cause française durant la campagne du général Philippe Leclerc au Tchad. Ce sont 450 hommes du RMT qui furent envoyés en Afghanistan en mai ; 150 autres sont dans les forces de protection d’Israël (oups : de « la paix ») au Liban (Le Parisien, 20 octobre 2007). La force française (en Afghanistan) comporte par ailleurs un petit nombre d’hommes du 35ème Régiment d’Artillerie Parachutiste (35ème RAP).

La force multinationale progressait difficilement en terrain difficile et sous une chaleur accablante, en suivant une route de montagne difficultueuse et très tortueuse, dans une région réputée pour sa très forte activité talibane. Le chef d’état-major le général Jean-Louis Georgelin a qualifié l’embuscade de « piège bien imaginé », sur « un terrain extrêmement favorable, pour l’ennemi » [Le Monde, 21 août]. L’embuscade fut déclenchée à 15 h 30, après que les paras eurent quitté leurs APCs afin de procéder, à pied, à la reconnaissance d’un col. Comme l’a fait observer un survivant, ce col était situé à environ trois heures du point de départ de la colonne, et cela « laissait suffisamment de temps aux Talibans pour être avertis de notre arrivée par leurs complices » [Le Monde, 21 août]. Le général français Michel Stollsteiner, commandant de l’ISAF dans la région de Kaboul a, quant à lui, déclaré : « Durant les deux semaines écoulées, nous avions largement sécurisé la zone, mais il faut être franc : nous avons péché par excès de confiance. » [Reuters, 25 août].

Des interviews de rescapés de l’embuscade publiés dans la presse française font état d’un effondrement rapide du commandement et des communications, des snipers talibans descendant des soldats français à volonté. Parmi les premiers tués se trouvaient le vice-commandant de la section et le radio de l’unité avancée. L’officier assurant la couverture fut blessé à l’épaule. Peu après, les radiocommunications entre les paras et le RMT chutèrent. Largement dépassés par le nombre, les Français furent cloués au sol et soumis à un feu incessant, durant quatre heures, d’armes légères, de mitrailleuses et de RPJ, sans recevoir le moindre renfort. Les munitions de toutes leurs armes, mis à part leurs fusils d’assaut, vinrent à épuisement, car les soldats étaient dans l’incapacité d’atteindre les munitions encore à bord de leurs véhicules, même si un VAB transportant une section du 35ème RAP, en queue de colonne, fut en mesure de déployer la mitrailleuse du véhicule, ainsi que quatre mortiers de 120milli, en soutien [La Dépêche, 21 août].

Certains des blessés ont affirmé que leur unité a été frappée par des tirs (« amis ») de leurs alliés afghans et d’avions de l’Otan [Le Monde, 21 août ; AFP, 21 août]. Des tirs provenant d’un A-10 Thunderbolts étaient dirigés ainsi par les Forces Spéciales Américaines, tandis que deux avions d’attaque F-15 ne firent que passer, sans utiliser leurs armes, parce que les Français et les Talibans étaient trop étroitement imbriqués. Une première tentative d’évacuation des blessés par des hélicos américains avait échoué, en raison de l’intensité des tirs talibans. Des hélicos français EC725 Caracal arrivèrent afin d’apporter une puissance de feu en soutien – un de ces hélico apportait un médecin et dix commandos français de la force de réaction rapide basée à Kaboul. Une estafette d’un groupe de la force de réaction rapide, arrivé après avoir conduit durant une heure et demie en terrain très accidenté, a décrit ainsi la situation, à son arrivé : « Nous ne pouvions pas voir l’ « ennemi », et nous ne savions pas combien ils étaient. Nous avons commencé à grimper, mais, après vingt minutes, nous avons commencé à essuyer des tirs venus par-derrière. Nous étions faits, comme des rats… » [AFP, 1er septembre]. Des mortiers de 81 milli arrivèrent également, avec les renforts, mais ce n’est pas avant huit heures du soir que les hélicos furent à même d’évacuer les blessés. Six heures après le début de l’embuscade, des combattants talibans commencèrent à décrocher, bien que plusieurs fussent restés dans la zone, lançant une dernière offensive à neuf heures du matin, le lendemain [La Dépêche, 24 août ; le Quotidien, 21 août ; AFP, 21 août].

Contrairement à certaines assurances officielles selon lesquelles la quasi-totalité des pertes s’étaient produite durant les premières minutes de l’engagement, d’autres récits on suggéré que quatre soldats ont été capturés avant d’être exécutés par des combattants talibans [Telegraph, 19 août ; Independent, 20 août]. Un rapport d’enquête de l’hebdomadaire français Le Canard Enchaîné a affirmé que l’interprète de la colonne avait disparu, quelques heures seulement avant le début de l’opération, suggérant que les troupes françaises ont été trahies, soit par l’interprète, soit par des troupes afghanes intégrées à la colonne. L’article reprenait l’information selon laquelle quatre soldats français avaient été capturés, puis exécutés par les Talibans, peu après le début de l’embuscade [Le Canard Enchaîné, 27 août].

Au cours du sauvetage des blessés, un véhicule blindé du RMT se retourna, la route s’étant effondrée, et le véhicule tomba au fond d’un ravin, entraînant la mort d’un homme de troupe kanak, originaire de Nouvelle-Calédonie, quatre autres hommes étant blessés [Oceania Flash, 20 août]. Par ailleurs, un médecin du 2ème Régiment Etranger Parachutiste (Légion Etrangère) fut tué après avoir réussi plusieurs percées réussies afin de ramener des camarades blessés appartement au 8ème RPIMa.

Contrairement aux témoignages de première main publiés par la presse, le ministre français de la Défense Hervé Morin a insisté sur le fait que des renforts auraient été envoyés sous les vingt minutes et qu’il n’y avait aucune indication de tirs amis [RTL, 21 août]. Les porte-parole du Pentagone et de l’Otan ont démenti avoir eu des informations concernant ces incidents. Le ministère afghan de la Défense a déclaré que treize combattants talibans, dont un Pakistanais, avaient été tués durant la bataille [Cheragh (Kaboul), 21 août]. Certains officiers français ont affirmé qu’entre quarante et soixante-dix résistants avaient été tués chez les Talibans, mais ils ont reconnu n’avoir retrouvé qu’un seul corps… [AFP, 1er septembre]. Claude Guéant, le secrétaire général du président français Nicolas Sarkozy, a maintenu mordicus que « la majorité des attaquants n’étaient pas des Afghans »… [Reuters, 23 août].

Un communiqué des Talibans, intitulé « Information inédite et intéressante sur la manière dont des soldats français ont été tués et blessés à Surubi » affirmait que des centaines de combattants talibans, utilisant des armes lourdes et des armes légères, ont vaincu un bataillon d’infanterie français composé de cent hommes et équipé de dix-huit blindés (sont-ce les ACP ?), ainsi que d’autres véhicules militarisés. Le communiqué décrit des « centaines » de pertes infligées aux Français, ainsi que la destruction de cinq tanks et de huit autres véhicules militaires, avant que des habitants du coin ne viennent piller les armes abandonnées sur le terrain par les Français [Sawt-al-Jihad, 22 août]. La région où s’est produite l’embuscade est considérée comme un fief du mouvement Hezb-i Islami, de Gulbuddin Hekmatyar, qui a également publié une revendication de responsabilité concernant cette attaque [Afghan Islamic Press, 19 août].

A la suite de l’attaque, le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a déclaré : « Personne n’envisage de quitter l’Afghanistan ». Mais il a ajouté, quelques jours après : « Nous avons besoin de ce qu’il est convenu d’appeler l’ « afghanisation », c’est-à-dire de transférer les responsabilités, toutes les responsabilités, aussi rapidement que possible, aux Afghans » [AFP, 21 août ; Reuters, 25 août].

Cette embuscade, à l’instar des récents attentats-suicides contre des avant-postes américains, révèle une escalade dans la violence, ainsi que dans l’efficacité des attaques talibanes contre les forces occidentales présentes en Afghanistan. En plus du choc ressenti par les personnels de l’Otan, de l’ISAF et de l’armée américaine, ces nouvelles attaques visent à rappeler à l’Occident qu’en dépit de sept années de campagne militaire, les Talibans sont plus forts qu’ils ne l’ont jamais été. Depuis l’embuscade, le déploiement français en Afghanistan est en butte à de très fortes critiques de l’opinion publique, de la presse et des hommes politiques de l’opposition. L’opinion publique française n’a jamais éprouvé d’engouement pour un engagement en Afghanistan, et cela a été mis en évidence par un sondage d’opinion récent du quotidien Le Parisien, qui a montré que 55% des répondants pensent que la France devrait se retirer d’Afghanistan.

Le Premier ministre François Fillon ayant décidé d’un vote au parlement, courant septembre, sur le devenir de l’engagement militaire français en Afghanistan, les efforts déployés par le président Sarkozy pour renforcer le rôle de la France dans ce pays risque de lui coûter considérablement, sur le plan politique.

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

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Source et traduction : Marcel Charbonnier


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