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Liban
Le droit de la femme libanaise d'accorder sa nationalité à ses
enfants
Marie Nassif-Debs
Lundi 13 avril 2009
On entend souvent se répéter que le
Liban est un membre fondateur des nations Unies et, à ce titre,
il a participé à la rédaction de sa Charte (1945) et de la
Déclaration universelle des droits de l’Homme (1948).
Ceux qui ressassent de tels propos
visent, bien entendu, à imposer silence à ceux qui disent que la
démocratie ne peut exister au Liban pour le simple fait que
notre pays est divisé en mini Etats confessionnels, dont le
nombre se rapproche du chiffre vingt, et que, dans de telles
conditions, les femmes sont soumises à la discrimination de
lois, dont certaines datent du Sultanat ottoman tandis que
d’autres sont marquées par les années Vingt du siècle passé et
les lignes de démarcation tracées par le colonialisme français
(le Mandat) entre les différentes confessions religieuses du
pays.
Les conventions
internationales
Regardons de plus près les conventions internationales précitées
et comparons son contenu avec celui de la loi sur la
nationalité.
Commençons, d’abord, par la Charte des Nations Unies.
Le paragraphe (b) de l’article (13) stipule que l’assemblée
générale œuvrera dans le sens de « faciliter pour tous, sans
distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, la
jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales
». Quant au paragraphe (c) de l’article (76), il insiste sur la
nécessité d’«encourager le respect des droits de l’homme et des
libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de
sexe, de langue ou de religion ».
De même, la Déclaration universelle des droits de l’homme
insiste, dès la première phrase du préambule sur le fait que «
la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de
la famille humaines et de leurs droits égaux est la base de la
liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». De plus,
l’article premier proclame que « tous les êtres naissent libres
et égaux en dignité et en droits ». Enfin, l’article (15)
stipule, dans son second paragraphe, que « nul ne peut
être arbitrairement privé de sa nationalité ou du droit de
changer de nationalité ».
En plus de ce qui a été dit, il ne faut pas oublier de
mentionner que l’article (7) de la Constitution libanaise
proclame clairement l’égalité complète entre tous les citoyens
libanais et que le Liban avait signé, en 1997, la « Convention
internationale pour l’élimination de toutes formes de
discrimination contre la femme » dont, en particulier, l’article
premier, qui exige la mise en pratique du principe de l’égalité
dans la Constitution et les différentes autres législations, et
l’article deuxième, qui préconise de prendre toutes les mesures
nécessaires afin d’interdire toute discrimination contre le
femme.
Les lois discriminatoires
libanaises
Cependant, toutes ces signatures n’ont pas empêché le
gouvernement libanais, ni de poser des restrictions sur le
paragraphe (2) de l’article (9) qui donne à la femme le droit
d’octroyer sa nationalité à ses enfants, ni de refuser tout
amendement au décret sur la nationalité qui date de 1925 et qui
contient des aberrations certaines.
En effet, le décret de 1925 dit, dans son article premier : «
est considéré comme libanais tout enfant né de père libanais » ;
il ajoute, cependant, qu’une femme non libanaise mariée à un
libanais peut accorder sa nouvelle nationalité, obtenue
automatiquement un an après le mariage, à ses enfants nés d’un
précédent mariage avec un non libanais… De même, seul un «
bâtard », né de mère libanaise, peut obtenir la nationalité de
sa mère.
Cette loi de 1925, ajoutée aux restrictions posées sur des
articles de la Convention internationale (dont le paragraphe
concernant la nationalité, mais, surtout l’article sur les
statuts personnels), constitue une violation très claire des
droits de l’homme que le gouvernement libanais doit respecter,
en principe ; et cet état de fait exige des changements
radicaux, à commencer par l’article premier précité dont le
texte doit être : « est considéré comme libanais tout enfant né
de père libanais ou de mère libanaise », vu qu’il n’y a
pas de différence entre le père et la mère. Surtout que la
discrimination dans ce domaine touche plus de 18 000 femmes
libanaises, de tous les âges et de toutes les régions,
auxquelles s’ajoutent, en plus des maris, quelques 70 000
enfants exclus par les autorités libanaises.
Et, là, nous voudrions attirer l’attention sur trois problèmes
découlant de cette discrimination :
•Le premier est constitué par les répercussions
socio-économiques et psychologiques de cette discrimination,
tant sur les personnes que sur les familles, vu que ces « non
Libanais » sont obligés, tous les ans, de légaliser leur
présence et de payer de grandes sommes d’argent afin d’obtenir
les permis de travail et de séjour. Sans parler des conséquences
humiliantes et de la perte de temps que ces personnes subissent,
surtout si le père est palestinien.
•Le second est politique, vu que les responsables libanais
disent refuser le droit de nationalité aux enfants de la femme
libanaise pour imposer le droit au retour des Palestiniens
vivant au Liban. Ce prétexte est aberrant, vu que 4% seulement
des femmes libanaises sont mariées à des Palestiniens et que les
Palestiniennes mariées à des Libanais reçoivent la nationalité
libanaise.
•Le troisième est ma discrimination entre la femme libanaise et
l’étrangère mariée à un Libanais, surtout sur le fait, déjà
mentionné, du droit de la seconde d’accorder sa nouvelle
nationalité à ses enfants non libanais.
Le changement nécessaire
Pour toutes ces causes et prenant en considération les
changements opérés dans certains pays arabes, dont l’Egypte et
le Maroc obligés de lever toutes les restrictions sur les lois
concernant la nationalité, nous trouvons qu’il est du devoir du
gouvernement libanais de reconsidérer ses positions en
contradiction avec la Charte des Nations Unies, la Déclaration
universelle des droits de l’homme et aussi la Constitution…
Surtout qu’un grand groupe de députés libanais avait présenté un
projet de loi sur le droit des émigrants libanais et de leurs
familles –dont certaines ne savent même pas où se trouve le
Liban- de recouvrer leur nationalité.
Ces injustices nous poussent à lancer un cri d’alarme et à agir
pour changer cette situation anormale.
An Nidaa, le 11 avril 2009
La campagne pour le droit à
la nationalité
L’article précédent fait suite à
une décision de la « Rencontre nationale pour l’élimination de
la discrimination contre la femme » de profiter des élections
législatives pour reprendre la campagne pour le droit à la
nationalité des enfants de la femme libanaise lancée, en 2006,
sous le mot d’ordre « Ils sont mes enfants, ma nationalité est
leur droit ».
La phase nouvelle de la campagne comporte :
•Une conférence de presse, faite le mercredi premier avril.
•Un sit-in devant le parlement, fait le jeudi 9 avril. Un
millier de femmes libanaises mariées à des non Libanais, en plus
de quelques époux et enfants, se sont jointes à des dizaines de
représentants de la société civile libanaise. Un mémorandum fut
présenté au président du parlement libanais par une délégation
formée de Linda MATAR, Marie NASSIF-DEBS, et de deux femmes
mariées à des étrangers : Effat MALAS, Salwa HABLEH.
•Des délégations visiteront les chefs de groupes parlementaires
actuels sous le mot d’ordre : « Nous donnerons notre voix à
celles et ceux qui déclarerons nous donner la leur après les
élections ».
•Un nouveau sit-in se tiendra au début du mois de mai.
•Des articles et des rencontres avec les différents médias
seront organisés durant les deux mois qui précèdent les
élections législatives.
Beyrouth, le 12 avril 2009
© Lebanese Communist Party - 2006
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