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Les soldats américains terrorisent Bagdad
avec l’opération « Respect de la loi »
Kate Randall
Des milliers de soldats américains
sont allés de maison en maison dans des quartiers principalement
chiites du nord-est de Bagdad le 13 février au cours de la première
phase de l’opération « Respect de la loi », le plan
d’intensification des combats annoncé par l’administration
Bush le 10 janvier.
Ce plan prévoit le déploiement
de troupes de combat supplémentaires, soit 21 500 soldats,
pour la plus grande partie dans la capitale irakienne. Il faudra
encore un nombre comparable de soldats américains pour assurer le
soutien de l’opération.
Un supplément de soldats
kurdes et irakiens fut aussi envoyé en renfort depuis d’autres
régions du pays. Au moins 3000 soldats américains et 2000
soldats irakiens sont déjà arrivés dans la capitale. Toutes les
troupes supplémentaires devraient être arrivées à Bagdad
d’ici le mois de mai.
Le but de l’opération
« Respect de la loi » est de pénétrer partout à
Bagdad dans les bastions de la résistance, d’arrêter ou de
tuer les insurgés et d’occuper des quartiers entiers de la
capitale.
Cette intensification fait
partie d’un effort plus général de la part de l’impérialisme
américain pour étendre sa domination à tout le Moyen-Orient.
Les Etats-Unis ont déjà deux porte-avions qui ont chacun leur
flotte de soutien, stationnés dans le golfe Persique, la plus
importante présence militaire américaine depuis 2003. Des
missiles Patriot ont déjà été positionnés dans d’autres
Etats du Golfe alors que les Etats-Unis intensifient leurs préparatifs
pour une attaque militaire de l’Iran.
Lundi dernier, trois véhicules
piégés ont explosé au cours d’un attentat-suicide près
d’un poste de police irakien servant de caserne américaine à
Tarminya, 40 kilomètres au nord de Bagdad, tuant deux soldats américains
et huit policiers irakiens. L’armée américaine a également
confirmé que dix-sept soldats américains avaient été blessés
dans ce qu’elle appela une « attaque coordonnée ».
On peut s’attendre à ce
que les attaques de camps vulnérables en réponse à l’opération
de contre-insurrection américaine aillent en augmentant, entraînant
la mort de plus de soldats américains. A ce jour, 3144 soldats américains
sont morts en Irak depuis le début de la guerre.
La vaste majorité des
Irakiens voient l’armée américaine comme un ennemi et un
occupant. Des sondages récents montrent que la majorité des
Irakiens croient que tuer des soldats américains est justifié.
Malgré ces faits bien
connus, le gouvernement Bush et les médias américains
complaisants présentent l’opération comme une tentative désintéressée
de protéger le peuple irakien de ceux qu’ils qualifient souvent
de « forces anti-irakiennes ». La prémisse absurde de
cette affirmation est que l’armée américaine, qui est en fin
de compte responsable de la mort de centaine de milliers d’Irakiens,
est « pro-iraquienne » alors que les Irakiens résistant
à la conquête coloniale de leur pays et s’opposant au
gouvernement fantoche soutenu par les Etats-Unis sont eux, par définition,
des criminels et des terroristes.
Alors qu’au cours de
cette opération de contre-insurrection des milliers de soldats
prennent d’assaut des quartiers entiers de Bagdad avec l’appui
des avions de chasse, on peut entendre dans toute la capitale des
explosions assourdissantes. Les forces américaines ont installé
de petits camps au milieu des quartiers occupés et elles y
restent stationnées plutôt que de retourner dans leurs casernes
fortifiées de la « zone verte » ou d’ailleurs.
De nouveaux points de
contrôle ont été établis dans toute la ville; on y fouille les
gens fusil pointé sur eux. Les voitures et les motos y sont passées
au peigne fin. L’armée américaine a annoncé au deuxième jour
de l’opération qu’elle avait dégagé plusieurs secteurs de
la capitale grâce à des « perquisitions visant à obtenir
des renseignements ».
Dans le sud de l’Irak,
les forces britanniques et américaines ont fermé deux routes
menant en Iran, bloquant le passage de la frontière avec de
grands containers. Ils ont augmenté le nombre de patrouilles le
long des côtes pour surveiller le trafic maritime vers le sud de
l’Irak. Bassorah, la deuxième ville d’Irak, a été encerclée
et des points de contrôle érigés au cours d’une opération
dont les Britanniques ont dit qu’elle durerait 72 heures.
Les forces de sécurité
ont bloqué Sadr City se préparant à un assaut majeur de ce
quartier chiite densément peuplé de Bagdad qui est un centre de
soutien à l’Armée du Madhi de l’imam antiaméricain Moqtada
al-Sadr.
Haidar Karam, un habitant
de Bagdad, a décrit au Los Angeles Times comment environ
50 soldats sont soudainement apparus et ont encerclé son
quartier, à Shaab, au nord-est de la ville. Environ un
quart d’heure plus tard, une demi-douzaine de « Humvees »
sont arrivés et les tireurs d'élite américains ont pris
position sur les toits. Des soldats ont empêché les voitures de
bouger. L’armée américaine aurait capturé seize suspectes et
saisi trois fusils kalachnikovs dans ce quartier à prédominance
chiite.
Le quartier de Dora,
majoritairement sunnite, a également été frappé parmi les
premiers, les troupes américaines prenant pour cible Abou
Dissheer, une enclave chiite. Avec des Humvees et des véhicules
blindés protégés par l’aviation, les soldats américains ont
lancé des grenades à « effet spécial » avant de défoncer
les portes et de fouiller les maisons à la recherche d’insurgés.
Le Los Angeles Times a rapporté
qu’à Sadiya, un quartier sunnite avoisinant, un soldat irakien
a fouillé une maison à la recherche d’armes, et harcelant une
septuagénaire dit à celle-ci : « Allez, grand-mère,
où sont tes grenades autopropulsées ou tes engins explosifs ? »
Des colonnes de véhicules SUV banalisés
remplis d’agents de sécurité masqués ont circulé dans le
district de Yarmouk au centre-ville, pointant des fusils
d’assaut sur les automobilistes. Des camionnettes de la police,
sur lesquelles on avait ajouté des plaques blindées
rudimentaires, patrouillaient dans les rues.
Les responsables américains n’ont pas
fait connaître d’estimation du nombre total d’arrestations et
de décès dans cette opération.
Samedi, la secrétaire d’État américaine
Condoleezza Rice a fait une visite surprise d’une demi-journée
à Bagdad pour souligner la détermination de l’administration
Bush à mener à terme l’opération contre l’opposition
populaire aux Etats-Unis et en dépit d’une résolution non exécutoire
votée le jour précédent par la Chambre des représentants et
s’opposant à l’intensification des combats. Sa visite avait
aussi pour but de faire pression sur le gouvernement irakien du
premier ministre Nouri al-Maliki. « Ce qui est vraiment
important, c’est de savoir comment les Irakiens vont profiter de
la marge de manoeuvre que cette opération pourrait leur donner »,
a-t-elle affirmé lors d’un discours de dix minutes prononcé
depuis la « zone verte » hautement fortifiée.
Parmi ceux qui ont assisté au bref discours
de Rice se trouvaient Maliki, un chiite, le président Jalal
Talabani, un Kurde, et le vice-président Tariq Hashimi, un
sunnite. Les Etats-Unis exigent depuis longtemps de Maliki qu’il
s’oppose à l’Armée du Mahdi et à Al-Sadr, même si le
pouvoir chancelant du premier ministre dépend du soutien de
ceux-ci.
Rice a répété les avertissements de
l’administration selon lesquels l’« intensification des
combats » allait faire augmenter le carnage. « De mauvais
jours attendent le plan de sécurité de Bagdad quand la violence
non pas diminuera, mais augmentera », a-t-elle déclarée
Même si lors des premiers jours de l’opération
la violence sectaire et les décès semblaient avoir diminué, dès
dimanche, le nombre de morts s’était à nouveau rapproché de
la centaine journalière auxquels les habitants de Bagdad ont dû
s’habituer. Ce jour-là, trois voitures piégées ont explosé
dans des zones à majorité chiite de la ville, tuant au moins 67
personnes et en blessant plus de 120 autres.
L’augmentation de la violence avait été
précédée d’une vidéoconférence avec le président Bush,
vendredi dernier, au cours de laquelle le premier ministre Maliki
a qualifié les premiers jours de l’opération de « brillant
succès ».
Depuis l’invasion américaine, environ 2
millions d’Irakiens ont quitté le pays et 1,7 million de
personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays. L’Organisation
internationale pour la migration a rapporté vendredi dernier que
l’on pouvait s’attendre à ce qu’un million d’Irakiens de
plus quitte le pays d’ici la fin de 2007 en raison de la
violence incessante et de la catastrophe économique et sociale
causée par l’occupation américaine.
Les médias américains n’ont pratiquement
pas publié d’informations sur les actions de l’armée américaine
au cours de l’opération « Respect de la loi ». Les
grands médias et l’administration Bush sont complices dans la
dissimulation au peuple américain de la véritable nature de
cette opération.
Néanmoins, des sections de l’élite
dirigeante américaine s’inquiètent fortement de la politique
de l’administration Bush. Plus tôt ce mois-ci, le Conseil des
relations étrangères a publié un dossier politique intitulé :
« Après l’intensification : pour un désengagement
de l’armée américaine de l’Irak ». Ce dossier faisait
remarquer que l’intervention des Etats-Unis en Irak avait
« provoqué l’effondrement de l’Etat irakien, plongé le
pays dans une guerre civile qui a causé la mort de dizaines de
milliers de civils irakiens, détruit les infrastructures déjà déficientes
du pays, et a incité les violences sectaires qui menacent de s’étendre
à l’ensemble du Moyen-Orient. »
Les auteurs ajoutaient : « La
crise échappe déjà au contrôle de Washington. Les résultats
des élections législatives démontrent que le soutien du public
pour la présente stratégie n’est plus le même. Les Etats-Unis
n’ont ni les ressources militaires, ni l’appui politique dans
le pays et internationalement pour maîtriser la situation. »
Le principal facteur permettant à la cabale
guerrière qui entoure Bush de poursuivre sa politique
irresponsable et incendiaire est la lâcheté et la complicité du
Parti démocrate. Les démocrates les plus en vue, même
lorsqu’ils critiquent « l’intensification » de
Bush d’un point de vue tactique, déclarent régulièrement leur
« soutien pour les troupes » et leur opposition à un
arrêt du financement de la guerre.
(Article original paru le
20 février 2007)
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