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Un prélude à la confrontation
avec l’Iran:
Les Etats-Unis arment la milice sunnite en Irak
James Cogan
5 décembre 2007
Un des facteurs que les planificateurs
militaires américains ont été forcés de prendre en considération,
au moment où l’administration Bush se prépare à une guerre
avec le régime chiite en Iran, c’est qu’ils seront confrontés
à l’opposition de la population chiite en Irak, ainsi que des
partis chiites qui dominent le gouvernement pro-occupation du
premier ministre Nouri al-Maliki.
En plus de protestations politiques venant de
Bagdad, de manifestations et d’une agitation publique, une
attaque sur l’Iran pourrait déclencher des attaques fréquentes
sur les forces américaines en Irak, non seulement de la part de
milices chiites tel l’Armée du Mahdi de Moqtada al-Sadr mais
aussi d’unités chiites de l’armée et de la police irakiennes
qui ont des sympathies politiques et religieuses avec Téhéran.
En plus de l’augmentation du nombre de soldats cette année, le
Pentagone est en train de prendre des mesures concernant cette éventualité.
D’après des chiffres cités par McClatchy
Newspapers le 28 novembre, l’armée en Irak a recruté 192
conseils tribaux sunnites et autres « groupes de citoyens
locaux » pour mettre plus de 77 500 miliciens sunnites
dans les rues d’un certain nombre de villes irakiennes, dont
certains quartiers de Bagdad. Les combattants, dont un bon nombre
faisaient précédemment partie de cellules de guérilla
anti-occupation, reçoivent un salaire de quelque 300 dollars américains
par mois. Des représentants américains ont dit à McClatchy
Newspapers le mois dernier qu’ils avaient l’intention
d’en enrôler au moins 100 000.
Ceux qui ont accueilli l’occupation américaine
à bras ouverts représentent une riche couche de dirigeants
tribaux sunnites, anciens représentants d’Etat et officiers de
l’armée qui étaient loyaux au parti baasiste de Saddam
Hussein. Ils sont hostiles à l’Iran, aux partis chiites et aux
mouvements fondamentalistes sunnites tel al-Qaïda en Irak qui ont
été créés après l’invasion américaine et qui ont défié
l’autorité des baasistes sur la population sunnite. Ils représentent
une couche non négligeable de l’élite sunnite qui est arrivée
à la conclusion que le meilleur moyen de restaurer son pouvoir et
ses privilèges consiste à collaborer avec cette même force étrangère
qui l’avait renversée.
Ces milices sunnites ont été entièrement rassemblées
en dehors de l’autorité ou du contrôle du gouvernement irakien
et de la nouvelle armée irakienne. Etant donné que le
gouvernement américain les paie, ils sont quasiment des
mercenaires américains.
Sous certains aspects, les Etats-Unis et l’élite
sunnite en sont revenus à la politique qui avait prévalu après
que la révolution iranienne de 1979 eut porté le clergé
chiite au pouvoir à Téhéran. Craignant que la révolution ne déclenche
des répercussions politiques en Irak et dans toute la région, le
régime baasiste avait envahi l’Iran en 1980. Saddam Hussein
avait joui, en agissant ainsi, du soutien non seulement des Etats
arabes conservateurs, mais aussi de plus en plus de celui de
Washington, qui lui avaient fourni une aide financière et
militaire directes.
Le général américain Rick Lynch a dit au New
York Times en début d’année que les nouveaux alliés de
l’armée américaine lui avaient dit : « Nous vous haïssons
parce que vous êtes une force d’occupation, mais nous haïssons
al-Qaïda davantage, et nous haïssons plus encore les Perses
[terme qui englobe l’Iran et les partis chiites en Irak]. »
Le recrutement américain de milices sunnites a
été mis en place malgré l’opposition déterminée de Maliki
et de son cabinet, ce qui, à nouveau, souligne l’absurdité des
prétentions de l’administration Bush que l’Irak occupé est
un Etat « souverain ».
Publiquement, les opposants chiites ont choisi
de lancer une mise en garde sur le danger d’une guerre civile au
cas où les Etats-Unis se retireraient d’Irak. Sami al-Askari,
par exemple, politicien proche de Maliki, a dit à McClatchy
Newspapers que « quand les Etats-Unis partiront, ce que
nous aurons c’est deux armées. Une armée loyale au
gouvernement et l’autre non. »
Mais la classe dirigeante américaine,
qu’elle soit représentée par une administration républicaine
ou démocrate après janvier 2009, a fait clairement comprendre
qu’elle n’avait nullement l’intention de se retirer d’Irak
et d’abandonner ainsi le contrôle de certaines des plus
grandes réserves de pétrole du monde. Les propos d’al-Askari
dissimulent aussi le fait que c’est l’invasion américaine qui
a fomenté la guerre civile déjà en cours entre factions rivales
chiites et sunnites au sein de l’élite irakienne.
Les partis chiites en sont tout à fait
conscients. Au début de l’occupation, ils avaient, tout comme
des partis nationalistes kurdes, bénéficié de la politique américaine
qui marginalisait l’ancienne couche baasiste au pouvoir. Sans le
dire ouvertement, le gouvernement Maliki craint que dans une
situation de préparatifs de guerre avec l’Iran, on ne revienne
clairement à un rapprochement avec l’élite sunnite.
Jusqu’ici, le changement opéré par les
sunnites, passant d’une politique de résistance à une
politique de collaboration, a en premier lieu aidé l’occupation
à établir une certaine stabilité dans plusieurs provinces à
population sunnite prédominante, de l’ouest et du centre de
l’Irak, et dans les quartiers sunnites de Bagdad. De nombreuses
milices sunnites, au lieu d’organiser des attaques contre les
soldats américains, ont apporté une aide vitale aux forces américaines
les aidant à détruire des cellules de guérilla islamique
fondamentaliste.
Seul un soldat américain a été tué le mois
dernier dans la province d’Anbar, par exemple, contre 30 en
novembre 2006. En tout, les victimes américaines de ces deux
derniers mois sont parmi les moins importantes de ces trois dernières
années.
Au même moment, au milieu des préparatifs américains
pour une attaque militaire sur l’Iran, de nombreuses indications
ont, dans le courant de l’année, donné à penser que
l’administration Bush veut remplacer le gouvernement Maliki par
un gouvernement dans lequel l’establishment baasiste
sunnite tiendrait un plus grand rôle, voire jouerait un rôle prédominant.
Mais les Etats-Unis se sont montrés incapables d’imposer leur
projet de gouvernement « d’unité nationale » dans
le parlement irakien, qui est profondément divisé selon des
lignes sectaires et ethniques.
Aucun groupe chiite important n’a été prêt
à s’aligner avec les partis sunnites qui siègent au parlement.
Les partis nationalistes kurdes, qui devraient avoir un rôle à
jouer dans toute action contre Maliki, ont maintenu leur alliance
avec les partis chiites. Ils considèrent le gouvernement actuel
comme le meilleur moyen de parvenir à leurs fins, à savoir
incorporer la ville de Kirkouk et les riches champs pétrolifères
qui l’entourent, dans le territoire de la région kurde autonome
existant au nord de l’Irak, une perspective à laquelle les
factions sunnites s’opposent.
Sans la couverture du parlement, il aurait
fallu utiliser des méthodes plus directes pour réarranger le
gouvernement fantoche de Bagdad. Quel que soit le cours exact des
évènements en Irak, au moment où les tensions entre les
Etats-Unis et l’Iran augmentent, la collaboration de l’establishment
sunnite avec l’occupation américaine, ainsi que les dizaines de
milliers de combattants sunnites payés par les Etats-Unis,
fournissent à Washington un contrepoids utile à ses
tractations avec le gouvernement Maliki et les partis chiites.
(Article original anglais paru le 5 décembre
2007)
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Publié le 6 décembre 2007 avec l'aimable autorisation du WSWS
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