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Irak

Irak : la résistance naqshbandi
Gilles Munier


Au centre : logo de l’Armée Naqshbandi

Vendredi 2 octobre 2009  

De l’avis du commandement américain, l’Armée des hommes de la Naqshbandiyya - Jaysh Rajal al-Tariqa al-Naqshbandiyya (JRTN) - est aujourd’hui l’organisation de la résistance irakienne qui menace le plus le régime de Bagdad. Officialisée le 30 décembre 2006, dans la nuit de l’exécution du président Saddam Hussein, elle fait partie du Commandement suprême pour le Jihad et la Libération, le front dirigé par Izzat Ibrahim al-Douri, chef du parti Baas clandestin, dont le tête est mise à prix 10 millions de dollars : mort ou vif !

Selon le général James Nixon, commandant des troupes d’occupation dans les régions de Diyala et de Kirkouk, la confrérie soufie Naqshbandiyya est entrée en résistance, dès 2003, sur les hauteurs surplombant le lac Hamrin, au nord-est de Bagdad. La guérilla y était dirigée, dit-il, par Abdurahman Naqshbandi, ancien officier de l’armée irakienne. En Irak, cela n’étonnera personne, cette famille étant connue pour son nationalisme et sa participation au renversement de la monarchie pro britannique en 1958. Le général note que la JRTN n’a rien à voir avec « Al-Qaïda en Mésopotamie », qu’elle est « bien organisée », et d’autant plus dangereuse qu’elle est « en contact avec des éléments de l’ancien régime », c'est-à-dire Izzat Ibrahim. Son logo représente d’ailleurs la carte de la Nation arabe, objectif ultime du baasisme.

Soufisme et résistance

Le soufisme a des racines profondes dans la société irakienne. Les deux principales confréries, la Qadiriyya et la Naqshbandiyya, y ont toujours été très actives. La Qadiriyya – à laquelle les ordres Rifaiyya et Caznazaniyya sont liés - tire son nom d’Abdelkader al-Gilani, théologien mort à Bagdad et enterré en 1166. Cette tariqa - voie soufie –, fut la première fondée dans le monde musulman. Elle demeure la plus importante. L’émir Abdelkader, qui s’opposa à la conquête de l’Algérie par les Français en 1830, était un de ses disciples. En Irak, le nom de Gilani est également lié au coup d’Etat anti-britannique de Rachid Ali al-Gilani et des officiers du Carré d’or, en 1941, dont l’exemple inspira le colonel Nasser et les mouvements anti-coloniaux au Maghreb. Après la prise de Bagdad en 2003, le cheikh Abdul Afif al-Gilani qui prônait l’attentisme, voire le dialogue avec les occupants, sous prétexte d’éviter que l’Irak ne sombre dans la guerre civile, s’enfuit à Kuala Lumpur pour échapper à la colère des qadiris. Un groupe d’auto-défense fut aussitôt créé pour protéger le sanctuaire d’al-Gilani des attaques des milices chiites pro-iraniennes et des salafistes d’Abou Mussab al-Zarqaoui qui traitent les soufis d’hérétiques. En avril 2006, un « Escadron Abdelkader al-Gilani » annonça sa constitution, mais on n’a guère entendu parler de lui depuis.

La Naqshbandiyya tire son nom de Baha’uddin Naqshband, théologien né en 1317 près de Boukhara. Elle se distingue des autres ordres soufis qui font remonter leur chaîne initiatique au Prophète Muhammad par Ali, son gendre et 4ème calife, en se prévalant d’enseignements secrets transmis préalablement par Abou Bakr, premier calife. La branche irakienne de la confrérie appartient à la Naqshbandiyya-Khalidiyya, du nom de son fondateur Cheikh Khalid - mort en 1857 -, originaire de Shahrazur, bourgade kurde de Mésopotamie. L’ordre qui s’implanta rapidement dans l’empire Ottoman, en Asie centrale et en Inde, s’opposa dès sa création aux déviations imposées en Perse à l’islam par la dynastie chiite safavide. Il demeure très influent dans le Caucase où l’imam naqshbandi Chamil, chef légendaire de la résistance anti-russe, fonda au 19ème siècle un Etat régi par la charia comprenant la Tchétchénie et le Daghestan.

Foi, ascétisme et guérilla

En Irak, la Naqshbandiyya s’est préparée à résister dès la fin 2002, mais n’a signé ses opérations, pour des raisons d’efficacité, que bien plus tard. C’est pourtant un commando naqshbandi qui créa la première grande panique dans la Zone verte, le 26 octobre 2003 à l’aube, en attaquant au lance- roquettes l’hôtel al-Rashid où dormait Paul Wolfowitz, n°2 du Pentagone, faisant plusieurs victimes dont un général américain. En 2004, ses moudjahidine participèrent à la bataille de Fallujah, puis à celle de Samarra. Aujourd’hui, selon les Américains, il y aurait de 2 à 3000 combattants naqshbandis, rien que dans la région de Kirkouk, qui harassent les bases américaines. Dans la conjoncture actuelle, la multiplicité des organisations de résistance apparaît à la JRTN comme une nécessité. Elle affirme qu’un commandement unique nuirait à leur capacité d’action sur le terrain, faciliterait le travail de sape des occupants. En interdisant clairement les attentats aveugles et l’exécution d’Irakiens - sauf s’il s’agit de collaborateurs - elle marque sa différence de méthode avec al-Qaïda. Mais ce qui fait la force de l’ « Armée Naqshbandi », c’est la foi religieuse, le mode de vie ascétique et le patriotisme de ses membres, son aptitude à transcender les clivages ethniques, et son encadrement composé de militaires de l’ancienne armée irakienne.

Publié le 2 octobre 2009 avec l'aimable autorisation de Gilles Munier



Source : Bulletin des Amitiés franco-irakiennes


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