Une délégation du Mouvement de la résistance islamique Hamas
arrive ce vendredi, 3 mars, à Moscou. Disons-le d'emblée, il ne
faut pas s'attendre à ce que cette visite soit marquée par une
sensation, par exemple la reconnaissance par le Hamas du droit
d'Israël d'exister ou encore son renoncement à la résistance.
D'ailleurs, ce n'est pas du tout ce que recherche la Russie. Les
prochains pourparlers ont pour but d'éclaircir la position du
mouvement qui en janvier 2006 a remporté les élections législatives
palestiniennes et été chargé de former un gouvernement. Au fond
les négociations de Moscou devraient permettre de savoir si la
communauté internationale peut mener avec les islamistes
palestiniens arrivés au pouvoir un dialogue constructif à même de
déboucher sur la conclusion d'accords de paix avec Israël. Il
semble que le Hamas soit prêt à ce dialogue qui néanmoins ne
s'annonce pas facile.
Aux pourparlers avec la délégation palestinienne la partie
russe s'en tiendra au point de vue du quartette des médiateurs
internationaux (Russie, Etats-Unis, Union européenne et ONU).
"La reconnaissance d'Israël, le renoncement à la violence, le
respect des ententes déjà intervenues sont des objectifs auxquels
tend la communauté mondiale", indique-t-on au ministère russe
des Affaires étrangères. Mais dans le même temps les diplomates
russes soulignent qu'ils n'exigeront rien du Hamas et que c'est au
mouvement de décider s'il doit ou non prêter l'oreille à
l'opinion de Moscou et du quartette dans son ensemble.
Cette approche est justifiée parce que le Hamas ne saurait
modifier sa position d'un coup de baguette magique, surtout si les
Israéliens n'entreprennent aucune démarche de leur côté.
"Pourquoi évoque-t-on uniquement la reconnaissance d'Israël
par le Hamas alors que rien n'est dit au sujet de la nécessité
qu'Israël respecte les droits du peuple palestinien?", a déclaré
le porte-parole du Hamas à Beyrouth, Osama Hamdan, interrogé par
RIA Novosti. Selon lui, aucun des accords palestino-israéliens
conclus jusqu'ici ne prévoit le respect des droits des Palestiniens
tandis que le règlement de toutes les questions vitales pour eux -
frontière, droits des réfugiés au retour, statut de Jérusalem -
est renvoyé aux calendes grecques. Le mouvement de la résistance
islamique ne respectera que les accords qui ne ressemblent pas à
une capitulation.
C'est probablement ici que se cache le problème numéro un des négociations
de Moscou et de l'avenir des rapports du Hamas avec la communauté
internationale. On fait remarquer place Smolenskaïa que si ce
mouvement ne respectait pas les ententes palestino-israéliennes
intervenues précédemment il est peu probable qu'il réussisse à
tenir ses promesses électorales, à savoir améliorer la vie du
peuple palestinien. C'est-à-dire que si les islamistes campent sur
leurs positions, on ne sortira pas de l'impasse proche-orientale et,
partant, les Palestiniens ne pourront pas régler leurs problèmes
sociaux et économiques intérieurs. Aussi est-il important pour les
diplomates russes de savoir où se situe la "ligne rouge"
pour le Hamas et quelles sont les concessions qu'il n'acceptera
jamais.
C'est que si l'on prête l'oreille aux répliques lancées par
les représentants de ce mouvement, on remarque que parmi toutes
leurs négations - "nous ne reconnaîtrons pas Israël",
"nous ne renoncerons pas à la résistance" - ont perçoit
tout de même une disposition au dialogue. Ainsi, dans une interview
accordée au quotidien russe Vremia novosteï le directeur du Bureau
politique du Hamas, Khaled Meschaal, a déclaré: "La Russie a
bien évidemment le droit d'avancer des propositions. Nous ne
portons pas d'oeillères. Nous sommes prêts à examiner toute idée.
Seulement nous avons aussi notre propre vision du problème et nous
l'exposerons à la partie russe". Cette réplique peut être
interprétée de diverses façons, mais il semble bien qu'elle
laisse la porte ouverte à la recherche de la voie qui permettrait
de sortir de l'impasse proche-orientale. Pratiquement tous les représentants
du Hamas évoquent le dialogue, bien que conscients qu'un dialogue
difficile les attende à Moscou et que la Russie n'abandonnera pas
ses positions concertées avec les autres membres du quartette. Quoi
qu'il en soit, le directeur adjoint du Bureau politique du Hamas,
Moussa Abou Marzouk, a fait remarquer que "le début du
dialogue concernant nos positions et intérêts et les leurs, nos
objectifs et sur ce qu'ils veulent de la région donnera forcément
des résultats". C'est là une approche de pragmatiques et non
pas de fanatiques.
Il faut se rendre à l'évidence que les islamistes palestiniens
recherchent le dialogue qui servira d'assise pour la conclusion de
nouveaux accords. Les diplomates - aussi bien russes qu'occidentaux
- auront certes du mal à se défaire de l'idée que les accords
palestino-israéliens antérieurs sont "morts" et que de
nouvelles démarches sont nécessaires. Cependant, d'un autre côté,
ces accords ont joué un rôle positif, ils ont poussé vers le règlement
du conflit palestino-israélien. Maintenant, quand la situation se
trouve de nouveau dans une impasse, ces accords doivent être remis
au goût du jour. C'est là un processus naturel.
Faisons remarquer que personne ne parle de dénonciation des
ententes signées. L'essentiel, c'est de confirmer que les deux
parties entendent tôt ou tard régler le conflit, et c'est sur ce
principe justement que reposent tous les accords précédents. C'est
cette confirmation par le Hamas que l'on voudrait entendre à
Moscou, même si elle apparaît en filigrane parmi la rhétorique
traditionnelle du mouvement.
C'est indéniable, la voie conduisant aux accords de paix sera très
longue et malaisée, parce que les positions du Hamas et d'Israël
sur le règlement semblent actuellement diamétralement opposées.
Aucune des parties ne veut reculer et, au premier abord, on ne voit
pas où elles le pourraient. Seulement la situation ne cesse d'évoluer
partout: en Israël, dans les territoires palestiniens, sur la scène
internationale. Ce qui a une répercussion sur l'évolution des
choses dans la zone du conflit palestino-israélien. Aussi la tâche
du jour pour la diplomatie internationale est tout simplement de
s'employer à ce que la porte donnant sur la paix ne se referme pas
et de faire en sorte que sur cette voie il y ait le moins de
victimes possible chez les Israéliens et les Palestiniens. C'est
dans cette optique que la visite du Hamas à Moscou doit être
envisagée.
© 2005 RIA
Novosti
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