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U RIBOMBU
Prisonniers politiques corses : Otages de la raison d'Etat
Photo U Ribombu
Articulu di u numaru 38, Nuvembre di u 2008
La question des prisonniers politiques est, depuis 30 ans,
malheureusement indissociable de la lutte du Mouvement National.
En effet, des milliers de Corses, militants ou non, ont été
confrontés, un jour ou l'autre, à la répression française et
plusieurs centaines d'hommes et de femmes ont connu les affres
des prisons de l'hexagone. Elle est épineuse et douloureuse.
Epineuse, car elle témoigne incontestablement pour l'opinion
publique internationale d'un problème éminemment politique que
l'Etat français refuse de reconnaître et cherche uniquement à
régler sous l'angle répressif, en écartant toute véritable
solution porteuse de paix. Elle est aussi douloureuse, car elle
met en avant la peine des familles, à qui l'on arrache un père,
un mari, un fils, et les contraintes, les humiliations, les
duretés, subies en prison par des dizaines d'hommes dont le tord
à été de faire valoir les intérêts collectifs et politiques de
la terre de Corse. Leur pays.
Aujourd'hui encore, en 2008, plus de 60 prisonniers se trouvent
dans les geôles françaises. Ils sont les victimes idéales d'un
système où la raison d'Etat supplante en permanence les droits
et le Droit. Un système qui instruit à charge, dénigre les
droits de la défense, ignore la présomption d'innocence,
interconnecte les dossiers pour multiplier les accusations et
les procédures.
Les prisonniers politiques subissent, de plein fouet, les
mécanismes d'institutions politiques placées sous l'autorité
directe du gouvernement : la 14e section du Parquet de Paris
reliée directement au Ministère de la Justice, et la SDAT,
police créée par le Ministère de l'Intérieur. Les prisonniers
politiques sont, au nom de la sûreté de l'Etat, accusés de
terroristes et de malfaiteurs car il ne peut y avoir de
contestations au sein d'une République « généreuse, une et
indivisible » qui s'est forgée, au cours de son histoire, par le
fer et dans le sang, comme en 1769 à Ponte Novu. Non reconnus
par un statut politique, alors même qu'ils sont poursuivis, et
par la suite jugés, par des juridictions spéciales, les
prisonniers sont déshumanisés et relégués au rang d'un simple
numéro d'écrou. D'ailleurs, leur situation actuelle nous
rappelle en permanence que les prisonniers, nos prisonniers,
sont déportés, éparpillés dans plusieurs prisons parisiennes,
soumis à un sous régime carcéral de droit commun, aux vexations,
aux brimades, aux fouilles humiliantes, aux difficultés à se
soigner...Une situation qui n'est pas sans rappeler celle qui
était pratiquée dans les années 70, en Amérique du Sud, par des
régimes fascistes au main de colonels et autres généraux. Sauf
que là, çà se situe en Europe, en France, dans l'auto proclamée
patrie des droits de l'homme. Une France qui n'hésite pas non
plus à bafouer la loi, sa propre loi, dont l'exemple le plus
marquant, et d'actualité depuis quelques années, est la non
tenue des engagements en matière de rapprochement pour les
prisonniers condamnés. En effet, en juillet 2002 à Aiacciu, le
gouvernement français, en présence de 4 ministres, dont le 1er
d'entre eux, Jean-Pierre Raffarin, avait promis le rapprochement
des militants Corses incarcérés à Paris.
Or, 6 ans après, force est de constater que cela se fait au
compte goutte, et surtout pas de manière significative, car on
s'aperçoit que l'on transfère uniquement, pour quelques
semaines, à Borgu, des condamnés en fin de peine voire des
personnes déjà conditionnables ! Et pour augmenter les
statistiques, de ces prétendus transfèrements, on incorpore les
droits communs…
Ainsi le 30 octobre dernier, le Procureur Général de Bastia,
Paul Michel, communiquait sur le rapprochement des détenus
corses. Il affirmait que depuis le début de l'année 34 personnes
ont été rapprochées à Borgu et qu'actuellement les 28 places
prévues à cet effet à Borgu sont complêtes. Cela est
certainement vrai, mais certainement pas 34 militants
nationalistes. Cela n'a pas manqué de faire réagir les
organisations de défense des prisonniers, le CAR, Aiutu Paesanu,
Cuscenza Viva, qui, au cours d'une conférence de presse, le 3
novembre, ont justement souligné que « le Parquet communique
beaucoup depuis que l'opinion publique corse s'est clairement
exprimée en faveur du retour des prisonniers, notamment à
travers les Conseils municipaux qui en grande majorité ont
délibéré en ce sens. Ces communications du Parquet n'ont qu'un
but, celui de manipuler l'opinion publique et lui faire croire
que l'Etat français fait tout ce qu'il peut pour appliquer ces
propres lois et rapprocher les prisonniers, alors qu'on utilise
tout les systèmes possibles et imaginables pour ne pas faire
rentrer en Corse les prisonniers qui en ont le plus besoin, les
longues peines ou les prisonniers qui ont des problèmes de santé
(…) la réalité est simple. On nous annonce à chaque communiqué,
chiffre à l'appui que l'on a fait le maximum, mais que
maintenant, on ne peut plus rien faire car le Centre de
Détention de Borgu est plein. Les chiffres sont impressionnants.
Mais derrière ces chiffres se cache une triste réalité : les
seuls prisonniers politiques qui rentrent sont conditionnables
ou pratiquement, et dans tous les cas, on fait rentrer
systématiquement le prisonnier le plus proche de la fin de sa
peine. Nous avons même un prisonnier politique qui est rentré en
Corse après 8 années de détention en France, pour passer 3
semaines à Borgu ! Bien évidemment, ce prisonnier entre dans les
statistiques de l'Etat français sur le rapprochement. Et pendant
ce temps, on ne transfert jamais les longues peines, jamais les
« perpétuités », les « 28 ans » ou les « 25 ans », qui pourtant
sont ceux qui en ont le plus besoin. On remplit également le CD
en y mettant des détenus de droit commun qui n'ont qu'un
lointain rapport avec la Corse. Alors que le rapprochement
s'opère au titre de la proximité avec la famille, il y a
actuellement des détenus qui n'ont pas de parloir, tout
simplement parce que leur famille proche n'habite pas en Corse,
de même qu'eux n'habitaient pas sur l'île avant leur
incarcération.
Mais cela permet de remplir le CD et de dire qu'on ne peut plus
transférer nos prisonniers. Aujourd'hui, il y a actuellement 67
prisonniers politiques dont 22 sont condamnés définitivement et
45 sont en détention préventive. Sur ces 67 prisonniers,
seulement 7 sont incarcérés en Corse…Voilà la triste réalité. Il
est grand temps que ce scandale de la peine à l'exil cesse, et
que les prisonniers politiques corses cessent d'être les otages
et les victimes expiatoires de l'Etat français, car leur
problématique est la conséquence directe du problème national
corse.
La France aurait tout à gagner à chercher et à mettre en oeuvre
les voies et moyens d'une véritable solution politique, porteuse
de paix. Elle pourrait ainsi se montrer à la hauteur de l'image
positive qu'elle véhicule, par ses valeurs, dans le monde.
Sortir de la logique du glaive pour justifier l'injustifiable,
sortir de la logique de l'affrontement pour taire enfin les
violences, toutes les violences. Revenir aux causes premières du
problème, et l'aborder avec courage et sérénité, pour que demain
une relation de confiance se tisse d'une rive à l'autre de la
Méditerranée, pour que demain les enfants de Corse grandissent
aux côtés de leurs pères, pour que demain le mot prison soit
banni du vocabulaire d'une île et d'un peuple.
Publié le 11 décembre 2008 avec l'aimable autorisation d'U Ribombu
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