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U RIBOMBU
Main basse sur une île : l'alternative indépendantiste
Petru Antone Tomasi
Photo U Ribombu
Main basse sur une île, tel était déjà en 1971 le titre de
l’ouvrage du FRC (Front Régionaliste Corse). A cette époque
débutait la dénonciation des méfaits du colonialisme français.
Plus de trois décennies plus tard cette affirmation demeure
d’actualité avec le développement d’un processus relativement
récent, celui d’une mondialisation globalisante forcenée
broyeuse de peuples. C’est une véritable dépossession qui se
profile dans tous les secteurs de l’économie corse. Si cet état
de fait ne touche bien évidemment pas que notre pays et peut
sembler inéluctable à l’échelle de la planète, le mouvement
indépendantiste entend bien s’opposer fermement à toute mise en
coupe réglée de la terre de Corse au profit d’appétits
spéculatifs. Depuis plusieurs mois déjà le mouvement de
libération nationale a affirmé sa volonté de mettre en place un
système alternatif dans le cadre d’un projet d’indépendance. Par
le biais d’une communication en date du 11 juin dernier (cf.
Ribombu Intarnaziunale du mois de juillet) le FLNC Union des
Combattants mettait en accusation «les groupes et leurs
dirigeants qui s'engraissent dans des secteurs comme la grande
distribution, les transports et l'énergie ». Cette appropriation
par des puissances en situation de monopole participe à
l’appauvrissement programmé d’un pays aux potentialités
innombrables.
La Corse réserve d’Indiens ?
Il y a quelques temps circulait sur l’internet corse une image
tirée d’une campagne de l’Agence du Tourisme de la Corse qui
avait fait grand bruit en présentant l’île comme une «réserve
naturelle de vacances». Il ne s’agit pourtant en termes
accessibles au profane que de la vulgarisation de l’esprit du
PADDUC, document qui planifie clairement le processus de
dépossession de la terre de Corse et qui sera débattu à la
rentrée devant l’Assemblée de Corse. Pour s’en tenir à la
politique touristique ici concernée il apparaît clairement que
celle-ci ne profite en aucun cas au peuple corse en tant que
collectivité. Les retombées de la politique de transports
maritimes sont pour la Corse quasi inexistantes, tandis que les
concepts de tourisme et d’économie identitaire demeurent au
stade de la déclaration d’intention afin de répondre à une
demande de l’opinion publique corse. Il paraît pourtant évident
que le développement de ce secteur passe par la mise en place
d’un tourisme de qualité, non pas pour transformer la Corse en
Cavallu grandeur nature, en «bronze-cul» pour jet-setteur en mal
de sensations, mais bien pour d’une part faire payer au touriste
son séjour au juste prix avec les dégradations et les frais qui
en découlent (routes, environnement, qualité de l’eau, secours
en montagne…), et d’autre part pour pouvoir développer un
véritable tourisme social et culturel en le substituant au
«tourisme-poubelle» que nous connaissons actuellement.
«La micro-entreprise est l’entreprise de l’avenir». Philippe
Simonnot (Economiste).
Lors de la campagne municipale de mars 2008, Corsica Nazione
Indipendente dénonçait la situation de monopole de la grande
distribution et ses conséquences néfastes sur l’économie corse.
Ce document sans concessions avait semble-t-il fait preuve d’une
grande pertinence puisque dans une interview accordée au mensuel
Corsica, Charles Capia y apportait comme seule réponse
l’accusation d’un tract « haineux » sans remettre un instant en
cause son contenu. La position de CNI n’était autre que celle du
bon sens et l’économiste Philippe Simonnot l’a fort justement
rappelé dans son interview accordée à notre mensuel le mois
précédent : l’entreprise de l’avenir est la micro-entreprise ;
comme en matière de population la petitesse n’est pas handicap
mais au contraire un avantage. En mettant en oeuvre une
fiscalité adaptée c’est donc par le biais de ces petites
entreprises que passe le salut de l’économie corse et la mise en
place d’un système alternatif identitaire.
Photo U Ribombu
Veolia / Kyrnolia : de la libération sociale à la libération
nationale
Jean-Guy Talamoni dans son discours final à la tribune des
Ghjurnate Internaziunale a dénoncé avec justesse la «
gigantesque OPA lancée sur la Corse » par certaines
multinationales, avant d’établir avec exactitude la comparaison
avec la Banque de Saint- Georges à l’époque génoise. La
multinationale qui correspond sans doute le mieux à cette
description n’est autre que Veolia, dont la filiale corse en
charge de la gestion de l’eau dans de nombreuses communes,
Kyrnolia, se trouve depuis plusieurs semaines au coeur d’un
important conflit social. La légitime revendication des
personnels grévistes pour la défense des acquis sociaux relève
d’une partie de la problématique Veolia en Corse. Cependant la
mainmise de la multinationale sur des pans entiers de l’économie
corse n’est pas uniquement un problème social, il s’agit
également et peut-être même avant tout d’un problème sociétal.
La remise en cause des droits des travailleurs découle de
l’essence même de cette société, la rentabilité à tout prix et
dans tous les secteurs.
C’est ainsi que ce conflit abordé dans une optique globale prend
toute sa dimension. Il s’agit de l’exploitation par cette
multinationale d’un bien collectif du peuple corse, certainement
celui que nous avons de plus cher et qui est appelée à devenir
l’ «or bleu» de demain : l’eau. Comme l’a rappelé U Riacquistu
qui avait déjà développé ce thème lors de la campagne municipale
de Portivechju : ce sont «deux approches sociétales qui
s’affrontent. Pour notre part nous entendons défendre l’eau,
bien universel, comme un besoin commun et public.» Il s’agit
donc de populariser la notion d’ «eau bien public», en effet,
poursuit U Riacquistu «étant un besoin premier, tout bénéfice
privé qui en grève le prix, est inadmissible».
L’eau doit être un exemple parmi bien d’autres, il s’agit dans
chaque secteur de «nationaliser», c’est-à-dire non pas
nécessairement et automatiquement en plaçant chaque pan de
l’économie sous la tutelle publique mais c’est tout simplement
rendre au peuple corse la maîtrise de sa terre.
© U Ribombu
Internaziunale — 2008
Publié le 20 octobre 2008 avec l'aimable autorisation d'U Ribombu
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