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Corse
La langue corse à
l'Assemblée
Jean-Guy Talamoni
Jean-Guy Talamoni - Photo Alta Frequenza
Mercredi 22
juillet 2009
Intervention de Jean-Guy Talamoni pour le groupe indépendantiste
« Corsica Libera »
Débat à l’Assemblée territoriale sur l’officialisation de la
langue corse
Aiacciu, le 20.VII.07
Mes chers collègues,
Nous nous sommes, dans cette enceinte, souvent affrontés
politiquement ces derniers mois et il y a fort à parier que les
temps qui viennent ne seront pas marqués par une entente
cordiale entre les différents courants de notre Assemblée.
Je voudrais cependant, sur le sujet de la langue corse, de notre
langue à tous, appeler l’ensemble des membres de notre
institution à mettre de côté toute arrière pensée partisane - ce
que nous voulons, pour notre part, faire sincèrement aujourd’hui
- s’agissant d’un thème aussi fondamental.
Nous devons, ensemble, tenter d’avoir une réflexion orientée
vers l’action, une action profitable à tous, puisque visant à
préserver ce trésor que nous avons en partage et qui constitue
le sanctuaire de notre identité commune : a nostra lingua.
S’è no femu di manera à salvà - eppò à sviluppà - issu tesoru,
tandu i vincitori ùn seranu micca l’indipendentisti, nè i
naziunalisti, ma noi tutti, è tutti l’altri Corsi, perchè, s’è
no simu quì in disacordu nantu à quasi tuttu (è ci vole à
ricunosce la dinù !), ci hè una cosa chì ci pò avvicinà : l’amore
di ciò chì face u cimentu d’un populu chì esiste dipoi millai d’anni,
a nostra lingua, chì ghjè sicuramente un modu di cummunicà, ma
dinù a nostra manera di participà à u mondu.
Oghje, ùn hè micca u rispunsevule puliticu chì vi parla.
Ghjè un Corsu chì parla à d’altri Corsi d’un affare chì ùn ci pò
spiccà, chì ùn ci pò chè unisce.
Si j’ai tenu à introduire le sujet de cette façon peu
habituelle, c’est parce que je suis fermement convaincu que ce
que nous avons à faire aujourd’hui peut avoir une portée
dépassant largement le cadre d’une mandature.
Je voudrais donc rendre chacun d’entre vous attentif aux enjeux.
Je chercherai également à exclure de mon propos toute
considération d’ordre idéologique, pour analyser la situation de
la façon la plus objective possible.
Il n’est pas nécessaire de revenir sur l’importance de la langue
et la nécessité de la préserver, puisque c’est ce que nous avons
déjà dit tous ensemble, à l’unanimité, par notre délibération de
2005.
Nous avons à l’époque réaffirmé notre attachement à la langue et
créé « U Cunsigliu di a lingua è di a cultura ». Nous avons
également mandaté un comité d’experts (parmi lesquels des
membres de l’Université de Corse, mais également d’institutions
extérieures comme la Sorbonne), chargés d’étudier la situation
de la langue au sein de la société corse et de faire des
propositions d’orientations.
Ce comité a rendu son rapport, depuis un certain temps déjà.
Tout en exposant leurs préconisations dans différents domaines,
ses rédacteurs affirment qu’à défaut de donner un statut
d’officialité à la langue, il n’est pas envisageable d’en
arrêter le déclin. Appelé par la Commission de la culture de
notre Assemblée à préciser la pensée du comité de scientifiques,
son président, Jacques Thiers, confirme de façon parfaitement
claire que « Cette
longue et profonde observation de notre situation me conduit à
affirmer qu’un statut d’officialité est incontestablement l’une
des conditions nécessaires pour que nous puissions espérer pour
la langue corse un arrêt de l’érosion de sa pratique vivante,
une remontée dans les usages ainsi qu’un développement
harmonieux et utile pour son usage social. »
Je pourrais m’arrêter là :
Avemu dumandatu à uni pochi di scientifichi di dì ciò chì ci
vulia à fà par salvà a lingua corsa.
L’anu detta, chjaramente è bè.
Avà, ci tocca à fà, simpliciamente, di manera à ùn lascià more u
corsu.
Dumane, nimu ùn puderà dì chì ùn sapia micca cosa fà…
È d’esse naziunalistu o contru à i naziunalisti ùn hà nunda à
chì vede incù u prublema.
À issu prupositu, tengu à salutà u Mere di Galeria, chì ùn hè
mancu appena naziunalistu è chì hà fattu, da Corsu è da elettu,
ciò ch’ellu pudia fà per a so lingua.
Quelques mots également pour vous montrer que l’officialisation
du corse n’est aucunement une question idéologique, mais tout à
fait pratique.
Aujourd’hui, une entreprise n’a pas le droit de formuler une
offre d’emploi en mentionnant « langue corse souhaitée ». C’est
illégal. Une société de Porti Vechju en a fait l’expérience l’an
dernier. L’ANPE avait refusé d’enregistrer l’offre, son
directeur expliquant qu’il avait consulté le service juridique à
Paris et que s’il ne rejetait pas cette offre, il pouvait être
traduit devant le tribunal correctionnel pour discrimination !
Voici l’un des problèmes qui pourraient être réglés par
l’officialisation. Cette dernière contribuerait, de toute
évidence, à faire de la langue corse un vecteur de promotion
sociale.
Ainsi, les parents trouveraient un nouvel intérêt à placer leurs
enfants dans les sites bilingues, dont on sait qu’ils
rencontrent des difficultés dans de nombreuses régions de l’île.
Ceux qui placent aujourd’hui leurs enfants dans les sites
bilingues sont généralement des Corses qui le font plutôt pour
des raisons identitaires. Les parents qui ne sont pas d’origine
corse ne voient pas l’intérêt de faire apprendre à leurs enfants
une langue « inutile » en termes de promotion professionnelle et
sociale. Le résultat est que le libre choix et la filiarisation
conduisent à l’ethnicisation des rapports scolaires et sociaux.
Je prendrai simplement un exemple : à l’Isula Rossa, à la
rentrée 2008, on comptait 1% d’enfants d’origine maghrébine dans
la filière bilingue contre 25% dans la filière standard. Est-ce
une bonne chose ? Pour notre part nous prétendons que non.
L’officialisation du corse changerait nécessairement l’attitude
des parents d’origine étrangère et notre langue retrouverait sa
vocation à être un vecteur d’intégration, comme à une époque,
pas si lointaine, où les étrangers arrivés dans l’île
apprenaient le corse, naturellement, en travaillant…
Je m’adresse ici tout particulièrement aux membres de cette
Assemblée qui se revendiquent de l’idée républicaine française.
Ils n’en sont pas moins Corses.
Est-ce que votre conception de la république vous conduit à
accepter que l’on mette actuellement en place, de fait, des
filières sur la base de critères ethniques ?
Vous voyez qu’il n’est pas nécessaire, tant s’en faut, d’être
indépendantiste pour souscrire à notre proposition ! Je dirai
même que, paradoxalement, se dire républicain français devrait
conduire à la même conclusion !
Je pourrais également vous dire que les mesures votées par cette
Assemblée en faveur de notre langue, à défaut d’officialisation,
ne changeront pas fondamentalement les choses. Elles les
changeront d’autant moins que l’Administration française
continue à s’y opposer, se refusant même à appliquer les
conventions qu’elle a signées avec notre collectivité. Dois-je
rappeler qu’à la rentrée 2007, il a fallu deux occupations
successives de l’Inspection académique de la Haute-Corse par des
formations politiques et syndicales, pour obtenir l’ouverture de
sites bilingues pourtant prévue contractuellement !
La CTC elle-même, bien souvent, ne respecte pas ses propres
délibérations. Souvenez-vous qu’il y a deux ans, presque jour
pour jour, nous avons voté un « Plan stratégique d’aménagement
et de développement linguistique pour la langue corse ». Et
pendant ces deux ans, aucune des mesures pratiques prévues par
ce plan n’a été mise en œuvre !
Ma oghje, ùn simu micca quì per fà rimproveri, nè mancu per
apruntà i rimproveri di dumane.
Vuleriamu simpliciamente avanzà.
Perchè a lingua ùn hè micca solamente un cartulare, ghjè assai
di più.
Eccu ciò ch’o vulia dì.
Eri, pigliendu u caffè, aghju spiecatu à dui amichi ciò ch’o m’apruntava
à dì à a nostra Assemblea per circà à ottene u votu di issa
muzione.
U primu m’hà dettu : « Perdi u to tempu : ùn vale à fischjà
quandu u cavallu ùn vole beie ».
U secondu hà osservatu incù malizia : « Ind’è mè si dice : Ùn
vale à fischjà quandu u sumere ùn vole beie » !
Aghju rispostu chì ancu s’è un imperatore rumanu avia numinatu u
so cavallu senatore, ùn ci era, à l’Assemblea di Corsica, nè
cavalli, nè muli nè sumeri…
Vi dumandu di vutà per l’ufficialisazione di a lingua corsa.
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Résultat du vote:
Pour: 19 voix
Contre: 28 voix
Non partic., abst.: 4.
Dossier Corse
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