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U RIBOMBU
Affaire Rouillan : Une vengeance d'Etat
Battì Lucciardi
Photo U Ribombu
Jean-Marc Rouillan est retourné en prison, suite à son interview
au journal l’Express. La justice reproche à l’ancien d’Action
Directe d’avoir bafoué l’une des conditions du régime de
semi-liberté, dont il bénéficiait depuis décembre 2007, qui
était de ne pas s’exprimer au sujet de son passé d’activiste.
Que dit Rouillan à l’Express ? A vrai dire pas grand chose.
Il est avant tout interrogé sur son désir d’engagement au sein
du futur NPA, Nouveau Parti Anticapitaliste, initié par la LCR
d’Olivier Besancenot. Sur son passé il rappelle qu’il reste
convaincu que la lutte armée est nécessaire à un moment du
processus révolutionnaire tout en précisant tout de même qu’en
France le processus de lutte armée tel qu’il est né dans l’après
68 (…) n’existe plus. Quant à la question s’il regrettait
les actes d’AD il répond je n’ai pas le droit de m’exprimer
là-dessus…mais le fait que je ne m’exprime pas est une réponse
(…) si je crachais sur tout ce qu’on avait fait je pourrais
m’exprimer. Par cette obligation de silence on empêche aussi
notre expérience de tirer son vrai bilan critique. Une façon
simple de rappeler qu’il est un militant politique qui assume
son engagement passé sans se renier. Les propos de Rouillan ne
sont, sur le fond, pas polémiques, et ce d’autant plus qu’AD est
dissoute et qu’il situe l’action armée dans un contexte
inexistant aujourd’hui. Dans cette affaire, relayée par des bien
pensants, l’Etat se montre froid. Comme à son habitude,
lorsqu’il se sent attaqué, il réagit de façon frontale et la
vengeance fait partie de son mode de fonctionnement. Ceux qui
s’opposent à lui sont des ennemis à châtier, à détruire.
Souvenons nous, en Corse, du caractère inique des condamnations
de Charles Santoni ou du commando Erignac. Elles visaient
l’effroi pour tout un peuple. Souvenons nous, au Pays Basque,
comment l’Etat envisageait de renvoyer en prison Filipe Bidart,
quelques heures après sa libération, pour avoir déclaré : Je
suis libre mais ma joie n’est pas complète parce que l’Etat
français ne reconnaît pas le Pays Basque, il faut que le Pays
Basque puisse vivre.
Dans l’affaire Rouillan, gageons néanmoins que la raison
l’emporte pour un homme qui a été lourdement condamné, tout
comme pour l’ensemble des prisonniers politiques, notamment
Corses, qui croupissent dans les prisons d’un Etat français qui
ne les reconnaît pas comme tels mais qui utilise contre eux les
moyens spéciaux d’une police et d’une justice au caractère
éminemment politique.
© U Ribombu
Internaziunale — 2008
Publié le 16 novembre 2008 avec l'aimable autorisation d'U Ribombu
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