Revue de presse
PROCHE-ORIENT - Sans Ariel Sharon, le processus de paix risque d'être
en panne
La probable disparition du paysage politique du Premier ministre
israélien ouvre une ère d'incertitudes périlleuses, tant pour
Israël que pour le processus de paix avec les Palestiniens, estime
la presse internationale.
Le mur de séparation entre Israël et les Territoires palestiniens
près de Ramallah - AFP
"Il est difficile pour un dirigeant national de partir à un
moment idéal, mais la grave hémorragie cérébrale dont fut
victime Ariel Sharon la semaine dernière ne pouvait pas tomber à
un pire moment, pour Israël comme pour la région. Le soldat devenu
homme politique a suscité des
passions violentes, positives ou négatives, à l'égard de son
parcours mouvementé. Mais son absence risque de laisser un vide qui
s'avère encore plus dangereux qu'on ne le prédisait", note
The Independent.
Le journal londonien de gauche ne cache pas son scepticisme et
souligne la complexité de la situation actuelle dans la région.
"Au nord d'Israël, la sécurité s'est détériorée au Liban
et la position du président Bachar El-Assad en Syrie semble
bancale. Les Etats-Unis, lourdement engagés en Irak, sont dans
l'impasse avec la Syrie et l'Iran.
Et, à présent, celui dont le ralliement tardif au processus de
paix a semblé, contre toute attente, offrir l'espoir d'une paix définitive
au Proche-Orient n'est pas prêt de revenir sur la scène politique.
Il est tragique qu'il n'ait pas pu nous indiquer jusqu'où il était
prêt à aller pour obtenir un accord. Mais ce serait plus tragique
si son départ marquait la fin de la quête d'une paix dans la région."
Pour The Christian Science Monitor, "son absence imprévue du
centre de l'échiquier politique proche-oriental inaugure une
nouvelle ère dans laquelle les grandes personnalités volontaires,
soutenues par une base politique large, ne dominent plus la scène
israélo-palestinienne". Une ère ouverte, en 2004, par la mort
du président palestinien Yasser Arafat.
Reste qu'"un processus de paix entamé par une personne n'en
est pas vraiment un et, en conséquence, a peu de chances d'aboutir.
Cela nécessite la participation des deux parties – et, maintenant
plus que jamais, un engagement des Etats-Unis – en vue de négocier
un accord, quel que soit le prochain leader en Israël",
conclut le journal de Boston.
Pour Ha'Aretz, quotidien de gauche israélien, Sharon n'a pas légué
un héritage à partir duquel on peut construire de solides
fondations.
"Sharon laisse derrière lui non seulement un vide dans la
direction politique en Israël, mais aussi un vide idéologique et
stratégique." Cela s'explique par l'insaisissable trajectoire
politique d'un homme "dont le cerveau était le lieu le plus
curieux du monde". Les interrogations sont multiples.
"Personne ne sait vers où se dirigeait l'homme qui était censé
gouverner Israël à la tête d'un parti
représentant une nouvelle voie. Comment voyait-il la place d'Israël
dans la région et dans ses relations avec le monde arabe, pas dans
vingt, cinquante ou cent ans, mais dans les une à deux années à
venir ? Que voulait-il dire quand il parlait d'un 'Etat palestinien'
? Est-ce que ses propos sur l''occupation' traduisent un véritable
intérêt pour la détresse d'une autre nation ? Est-ce que le
retrait de la bande de Gaza signifiait le début d'un processus de
traçage de frontières ou seulement une ruse pour se débarrasser
d'un million et demi de Palestiniens à peu de frais ?"
L'Histoire se répète, constate The Economist. "Pour la
seconde fois dans l'histoire moderne d'Israël, un dirigeant dur et
populaire qui a pris conscience de la nécessité d'un compromis
avec les Palestiniens est fauché à mi-parcours", note
l'hebdomadaire britannique en référence à
l'assassinat de Yitzhak Rabin, en 1995. Avec la disparition de
Sharon, "l'ironie veut que le superfaucon de l'arche israélien
paraisse comme l'homme le mieux placé pour obtenir un compromis.
Mais cela n'en reste pas moins vrai. Sans Sharon, l'espoir
s'assombrira encore une fois."
Côté américain, "sans Sharon, le projet de Bush au
Moyen-Orient devient incertain", titre le Los Angeles Times. En
effet, le président américain, George W. Bush, s'était aligné
sur l'approche unilatérale adoptée par Sharon plutôt que de
soutenir, comme il le prétendait officiellement, la "feuille
de route" pour mettre sur les rails un processus de paix
parrainé par la communauté internationale. "Pour Bush, le départ
de Sharon de la scène politique est une perte personnelle."
Même The Wall Street Journal, qui attribue au président Bush un
certain succès dans sa politique proche-orientale, s'inquiète de
l'après-Sharon : "Alors que l'ordre régional au Moyen-Orient
est bouleversé à la suite des interventions et pressions américaines,
nul ne sait de quoi sera fait l'avenir. D'une ère un peu plus démocratique
ou d'une ère encore plus chaotique, exposée aux dangers que créent
les vides politiques."
Philippe Randrianarimanana
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