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Un voyage à Gaza avec Ariel Sharon
Gideon Lévy


[parmi les innombrables articles consacrés à Ariel Sharon (toujours entre la vie et la mort), nous avons choisi de traduire celui-ci, parce que l¹auteur en est Gideon Levy, journaliste bien connu pour ses positions à la gauche de la gauche. L¹image qu¹il en restitue, avec toute la complexité de l¹homme, nous semblait intéressante, venant de lui]

http://www.haaretz.com/hasen/pages/LiArt.jhtml?contrassID=2&subContrassID=4&
sbSubContrassID=0

Ha¹aretz, 6 décembre 2006

Commentaires et traduction : Gérard pour La Paix Maintenant


Lily (épouse de Sharon, ndt) n¹arrêtait pas d¹appeler depuis le ranch : "tu es arrivé à le convaincre?". Nous étions tous les deux dans une Volvo, plus un chauffeur et un unique garde du corps. A l¹époque, Ariel Sharon était ministre de l¹Industrie et du Commerce. Ce vendredi-là, à son initiative, une visite privée avait été organisée pour tenter de me convaincre que nous ne devions pas quitter Gaza. "Tu peux écrire dans un bureau. Là, observe, regarde et enregistre", grognait-il à mon intention encore et encore, ému par ce qu¹il voyait dès qu¹il passait le long d¹une colonie.

Ce fut un voyage qui ressemblait à Sharon : des cartes, des paysages et des Juifs. Quand je me souviens aujourd¹hui de ce voyage de novembre 89, il me paraît un peu surréaliste. Et ce n¹est pas tant ce voyage en voiture avec Ariel Sharon entre Jabalya et Nusseirat, sans pratiquement aucune sécurité, mais surtout ce qu¹il disait à l¹époque, dans cette voiture officielle blanche qui fonçait sur les routes de Gaza.

En 1989, Sharon était un homme politique ostracisé et presque oublié, mais ce qu¹il disait reflétait ce que nous allions découvrir des années plus tard : les variations extrêmes dans son idéologie et dans son imaginaire, avec malgré tout des points d¹ancrage qui, eux, n¹ont jamais varié. "Si nous quittions Gaza, les agriculteurs juifs de la région ne pourraient plus cultiver leurs champs. Je parle de terrorisme par artillerie, d¹une simple Katioucha qui peut être transportée à dos d¹âne et utilisée pour bombarder les kibboutz et les moshavs, tous les jours, toutes les semaines. Que ferions-nous alors ? Des bombardements aériens sur les camps de réfugiés?
Cela serait plus mal perçu de par le monde que des soldats avec des matraques. Ce serait impossible."

En novembre 1989, il était heureux de s¹accrocher à ses souvenirs personnels de Gaza : comment, avec ses camarades, il se vengeait des "infiltrés" du temps des raids de représailles. Comment, un jour, ils se sont emparés d¹une jeep égyptienne, l¹ont repeinte aux couleurs de Tsahal puis annexée à leur unité après un échange intensif de correspondance avec l¹état-major. Comment il a été blessé à la cuisse, un peu plus loin sur cette route. Comment il a clôturé 6.000 hectares à Gaza. Et comment, pendant sept mois en 1971, il a fait régner l¹ordre par la force : 120 morts, 800 arrestations, et quelques dizaines de déportations. C¹étaient ses souvenirs formateurs. Représailles, blessures, clôtures, morts et déportations. Mais s¹il considérait qu¹un
retrait de Gaza constituerait une menace, ce n¹était pas seulement à cause des Katiouchas sur des ânes (les Qassams n¹avaient pas encore été inventées), mais à cause de cette maladie qui s¹étendrait de Gaza vers Israël si jamais nous devions nous retirer. "Cela pourrait provoquer la
destruction d¹Israël ", dit-il sincèrement. De même qu¹aujourd¹hui, il ne croyait pas hier en la possibilité d¹une paix avec les Arabes, car il était convaincu que leur seul objectif est de nous détruire. "Les Arabes font toujours ce qu¹ils annoncent, même s¹ils ne respectent pas forcément leur calendrier d¹origine", dit-il, en ne faisant allusion qu¹à ce qu¹ils disaient de notre destruction, sans rappeler ce qu¹ils disaient de la paix.

En cette paix, il ne croyait pas. A l¹époque, il suggérait un retour des Palestiniens. Un retour de petite échelle, mais un retour tout de même. Alors que nous roulions le long des quartiers paupérisés du camp de réfugiés de Bureij, je lui ai demandé ce qui arriverait à ses habitants, et il
répondit qu¹il avait un plan depuis 1971 : installation de 70.000 nouveaux réfugiés dans des quartiers neufs de Gaza, transfert vers la Cisjordanie de 100.000 réfugiés, et transfert de 30.000 réfugiés, écoutez bien : "qui n¹ont aucun lien avec le terrorisme" vers l¹Etat d¹Israël. "A Nazareth, à Akko, à Lod (1)", dit-il. "On ne peut pas laisser une plaie ouverte", dit l¹homme
qui en même temps expliquait la différence entre une colonie et une base militaire : une colonie, cela ne s¹évacue pas.

Ce fut un voyage étrange, entre différentes contradictions. Entre son charme personnel bien connu, qui atteignait des sommets quand on était en tête-à-tête avec lui, et des positions extrémistes ; entre son absence absolue de confiance dans les Arabes et dans la paix, et sa compréhension du fait que le problème des réfugiés devait être résolu ; entre une attitude violente à l¹égard des Arabes (par la force seule, toujours) et une absolue absence de haine envers eux.

Contrairement à d¹autres, Sharon ne haïssait pas les Arabes, il ne les croyait pas, voilà tout. Qui aurait cru que le même qui disait pendant notre voyage à Gaza, ému comme un enfant, alors que nous grimpions sur un bâtiment en construction dans la colonie de Rafiah¹ Yam : "regarde-les, regarde leurs femmes et leurs enfants. Ca ne te fait pas quelque chose?" deviendrait le premier homme d¹Etat à prendre son courage à deux mains et, 16 ans plus tard, à leur faire "quelque chose"?

(1) Toutes villes arabes ou mixtes judéo-arabes


 Source : La Paix Maintenant


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