L’histoire tranchera : on se rappellera de
lui comme l’homme de Qibya, de Sabra et Chatila, de Jénine, et
comme l’homme du Mur d’annexion. Il n’aura été ni un de
Gaulle ni un De Klerk, ni un Rabin. Il sera resté un militaire, féroce,
sans autre projet politique que d’établir à tous prix un Etat
juif sur le plan grand territoire possible avec le moins de
non-Juifs possible, en écrasant « l’ennemi ». Après
Sharon, la paix apparaît plus lointaine que jamais.
Mais il faut aller plus loin et fixer la démarche
stratégique mise en œuvre par Sharon. Elle se résume en un mot :
unilatéralisme. D’abord le retrait de 7.000 colons de Gaza
n’aura pas été, comme on a voulu le faire croire à l’intérieur,
et surtout à l’extérieur d’Israël, le début de la paix. La
façon dont il a été opéré et ce qu’il y avait derrière en
étaient à l’opposé : une manœuvre pour rendre éternelle
et irrémédiable l’occupation israélienne en Cisjordanie et à
Jérusalem-Est, pour garantir les 450.000 colons pour lesquels
Sharon a tant fait durant toute sa carrière et, en dernière
analyse, pour supprimer les conditions territoriales et politiques
de la création d’un Etat palestinien viable.
Le problème pour Sharon n’est pas d’arriver
à un quelconque accord avec « l’ennemi », car
celui-ci ne pourra jamais accepter son projet, mais de l’anéantir
et de le détruire sur le champ de bataille et de rendre ainsi
impossible toute sorte d’accord réel qui ne soit pas la
reddition sans condition des vaincus. C’est l’unilatéralisme.
Pour suivre cette démarche, Sharon a tout fait pour démontrer
qu’il n’y a pas à parmi les Palestiniens d’interlocuteur crédible.
Une analyse un peu précise qui a suivi le retrait
de Gaza montre une chose claire : le problème n’est pas
qu’il n’y a pas d’interlocuteur parmi les Palestiniens mais
que Sharon n’a jamais voulu discuter avec l’Autorité
palestinienne démocratiquement élue, représentée aujourd’hui
par Abou Mazen, hier par Yasser Arafat alors accusé d’être
responsable de l’état de guerre. En marginalisant ainsi
volontairement l’Autorité palestinienne parce qu’elle
n’acceptera jamais son plan d’éviction quasi totale des
Palestiniens de leur terre, Sharon, par sa politique de répression,
a enclenché la réaction des groupes armés palestiniens relançant
ainsi la spirale de violence. En effet, depuis le retrait, il ne
s’est pas passé un jour sans que les forces israéliennes
continuent de mener leur répression brutale des Palestiniens, ce
qui, en retour a poussé les groupes armés à réagir. Si Sharon
et l’impuissance ainsi « démontrée » d’Abou
Mazen rendent ainsi impossible le dialogue, la popularité des
opposants à l’Autorité ne pourra que croître. Sharon savait
très bien quelle était la meilleure façon d’éviter une négociation
politique. C’est le sens de sa ligne répressive. Avec la
spirale de violence qu’il relance ainsi, il entend montrer à
l’opinion publique, interne et internationale, qu’il n’y a
pas d’interlocuteur réal pour la paix chez les Palestiniens,
reportant ainsi sine die toute négociation réelle. Du même
coup, il se présente comme un modéré, un homme de paix,
quasiment un pacifiste. Et tout le monde, ou presque, tombe dans
le panneau. Continuer Sharon ce serait continuer cette politique,
c’est-à-dire la guerre aux Palestiniens avec son cortège sans
fin de ruine et de sang.