BDS
Déclaration de la FIDH sur le droit de
participer et à appeler au Boycott -
Désinvestissement - Sanctions
© AFP
Samedi 23 juillet 2016
La
FIDH a tenu à formellement reconnaître
et réaffirmer [1]
le droit des personnes à participer
pacifiquement et à appeler à des mesures
de boycott-désinvestissement-sanctions
(BDS) pour protester contre les
politiques d’occupation et de
discrimination du gouvernement
israélien, et demande instamment aux
États de respecter et de défendre les
droits connexes de liberté d’expression,
d’opinion, d’association et d’assemblée.
En
2005, la société civile palestinienne a
appelé les personnes et les
organisations de la société civile à
appliquer des mesures BDS tant qu’Israël
ne se conformera pas à ses obligations
en vertu du droit international. Devant
le manque de volonté politique d’obliger
Israël à être comptable de ses
obligations internationales, les
militants palestiniens se sont tournés
vers les actions BDS prises pour mettre
fin à l’apartheid en Afrique du Sud et
s’en sont inspirés pour faire bouger les
choses. Le mouvement était donc, et est
encore, une réponse politique à un
manque d’action politique.
Liberté d’expression et d’opinion
Alors
que le mouvement BDS prend de l’ampleur,
il est de plus en plus attaqué et
accusé, afin de le discréditer, de
promouvoir la discrimination ou
l’antisémitisme. Les attaques de ce
genre ne font que s’intensifier [2].
En
réponse à ces mises en cause de la
légitimité du mouvement, le Rapporteur
spécial des Nations unies sur la liberté
d’opinion et d’expression, lorsqu’il
s’est rendu en Israël, après les avoir
analysés, a considéré que les boycotts
étaient des actions « pacifiques,
légitimes et acceptées sur la scène
internationale », et que ces actions
étaient protégées par la liberté
d’expression. En tant que telles, des
manifestations d’opinion critiquant le
gouvernement d’Israël pour ses
manquements ne relèvent pas des
exceptions, limitées, à la liberté
d’expression reconnues par l’article 19
du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques [3].
Une telle acceptation internationale de
boycotts est démontrée et confortée par
l’existence de boycotts tout au long de
l’histoire, dans le but de manifester
une opposition politique ou pour
promouvoir des changements politiques [4].
Aux
yeux du Bureau International, le
mouvement BDS vise les politiques
d’occupation illégale et de
discrimination à l’encontre des
Palestiniens menées depuis longtemps par
le gouvernement d’Israël, notamment en
soutenant l’occupation et en s’en
rendant complice. Dans ces conditions,
des personnes doivent avoir le droit de
participer pacifiquement et d’appeler à
des mesures BDS pour protester contre de
telles politiques. Ces droits sont tout
aussi légitimes, légaux et valides que
dans le cas des exemples historiques de
boycotts ; il convient donc de mettre en
garde contre des efforts ou des
initiatives visant à restreindre les
droits à la liberté d’expression,
d’opinion, d’association et d’assemblée,
notamment en criminalisant l’exercice de
ces droits pour des raisons
discriminatoires, portant notamment sur
des opinions, politiques ou autres.
Il est
clair que la logique des mesures BDS
repose sur l’opposition à l’occupation
militaire par Israël et ses politiques
mises en œuvre dans les territoires
palestiniens occupés. Dans ces
conditions, nous exprimons notre soutien
au droit de participer et à appeler à
des activités BDS dès lors qu’elles sont
conformes à l’interdiction du racisme et
de la discrimination sous toutes ses
formes, notamment pour des raisons de
race, couleur, origine nationale ou
sociale, langue, religion, opinion
politique, sexe, identité de genre,
orientation sexuelle ou handicap.
Une
pratique reconnue par les Nations unies
Les
sanctions économiques sont également
conformes à l’esprit et aux objectifs de
la Charte des Nations unies, et ont été
appliquées dans de nombreuses
situations, notamment par le Conseil de
Sécurité. Une telle pratique est admise
en droit international des droits
humains, à condition que les sanctions
‘exercent une pression politique et
économique sur l’élite dirigeante du
pays visé pour l’amener à se conformer
au droit international’, en ayant
conscience de ‘leurs effets indirects, à
savoir les souffrances infligées aux
groupes les plus vulnérables de ce
pays’, et le cas échéant en prenant des
mesures pour les atténuer, comme reconnu
par le Comité des droits économiques,
sociaux et culturels des Nations unies [5].
Le
Bureau International souligne le soutien
historique apporté dans d’autres
contextes par les Nations unies et la
communauté internationale aux mesures
BDS, et exprime sa grave préoccupation
devant la multiplication de mesures
législatives nationales visant à
criminaliser et à réduire au silence des
militants BDS. Les droits humains
universels, comme la liberté
d’expression, doivent être respectés en
toute impartialité ; une application
partiale et partielle des normes du
droit international ne fera que
perpétuer le statu quo, en Israël comme
en Palestine, et en d’autres zones de
conflit.
Les
Défenseurs des droits humains
En
2011 Israël a adopté une loi faisant de
tout appel à boycott à l’encontre
d’Israël un délit [6].
En réponse, le Rapporteur spécial des
Nations unies sur les Défenseurs des
droits humains, le Rapporteur spécial
sur le droit de réunion pacifique et
d’association, et le Rapporteur spécial
sur le droit à la liberté d’opinion et
d’expression, ont adressé une lettre
d’allégation conjointe déclarant que la
loi "viole le droit à la liberté
d’opinion et d’expression (…) et crée de
nouvelles incitations à l’autocensure, y
compris sur Internet, pour éviter des
poursuites" [7].
Le
Bureau international souligne que des
personnes qui, de façon pacifique,
appellent Israël à respecter le droit
international, en ayant recours à des
moyens pacifiques et en respectant les
droits d’autrui, sont des défenseurs des
droits humains. En tant que tels, ils
doivent être protégés. Le fait de les
menacer est symptomatique du
rétrécissement de l’espace dévolu à la
société civile, à l’échelle mondiale.
Dans le cadre de l’action de la FIDH à
travers l’Observatoire pour la
protection des défenseurs des droits de
l’Homme, nous insistons sur le fait que
les militants appelant, dans ces
conditions, au BDS, doivent être
protégés contre des lois répressives et
abusives ainsi que contre d’autres
pratiques étatiques.
Alors
que des lois semblables sont proposées
ou adoptées de par le monde, les ONG
internationales de défense des droits
humains doivent continuer à attirer
l’attention sur les incohérences dans la
politique des États à l’égard des
pratiques discriminatoires et de
l’occupation par Israël du territoire
palestinien, et sans équivoque défendre
le droit des personnes, des
organisations de la société civile et
des entreprises de soutenir
pacifiquement les mesures BDS ; elles
doivent en outre rappeler l’obligation
des États, des entreprises et des autres
organes de la société de s’abstenir de
soutenir l’occupation des territoires
palestiniens occupés, ainsi que les
pratiques discriminatoires mises en
œuvre, et de s’y opposer.
Notes
[1] à
l’occasion de son Bureau international
[2] Par
exemple, lors de la conférence anti-BDS
tenue récemment, le ministre du
Renseignement, Yisrael Katz, a déclaré
qu’Israël devrait procéder à des
« éliminations ciblées de BDS » http://972mag.com/in-israel-bds-is-winning/118198/
[3] Déclaration
du Rapporteur spécial des Nations unies
sur la promotion et la protection du
droit à la liberté d’opinion et
d’expression au terme de sa visite en
Israël et dans les Territoires
palestiniens occupés, le 18 décembre
2011, consultable sur :
https://unispal.un.org/DPA/DPR/unispal.nsf/0/67C53F54894114298525796C0
056DED2#sthash.lngaSXF5.dpuf
[4] Par
exemple le mouvement anticolonialiste
Swadeshi, le mouvement des droits civils
aux États-Unis et les actions
anti-apartheid en Afrique du Sud
[5] Observation
Générale 8, Relation entre les sanctions
économiques et le respect des droits
économiques, sociaux et culturels,
Comité des droits économiques, sociaux
et culturels, 12/12/97. E/C.12/1997/8,
paragraphe 4
[6] Décision
confirmée par la Cour Suprême dans sa
décision d’avril 2015 sur cette loi, par
laquelle elle n’a pas défendu la liberté
d’expression
[7] Rapport
du Rapporteur spécial des Nations unies
sur la promotion et la protection du
droit à la liberté d’opinion et
d’expression, 11 juin 2012, A/HRC/20/17/Add.2,
paras. 32-33, 34, consultable sur :
http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/RegularSession/Session20/
A-HRC-20-17-Add2_en.pdf
Le
dossier BDS
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