Haaretz, 2 avril 2006
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Version
anglaise : www.haaretz.com/hasen/spages/701215.html
Le seul gouvernement au monde à diriger ses
affaires par liaisons vidéo ne se trouve pas au Japon ni en Corée,
ni dans l’un des pays du tiers-monde à fabriquer ce genre de matériel.
Non, le miracle a lieu ici, sous nos yeux. C’est le gouvernement
palestinien, dont les ministres ne peuvent se rencontrer en vis-à-vis,
pour discuter, débattre, mener des conversations de couloirs,
recevoir ensemble le public ou simplement potiner. Certains
ministres du gouvernement palestinien vivent à Gaza, les autres en
Cisjordanie. Dans le cadre de l’interdiction décrétée par Israël,
ces ministres peuvent se rendre en Jordanie, en Egypte ou en Arabie
Saoudite ; les déplacements leur sont seulement interdits
entre Gaza et la Cisjordanie.
La
décision israélienne de ne pas négocier avec ce qu’on appelle
le « gouvernement Hamas »,
avec l’appui que Condoleezza Rice a apporté à cette décision en
déclarant qu’il lui était difficile « d’envisager
de négocier avec le Hamas », fait partie des sanctions
imposées à l’Autorité Palestinienne à côté du gel de
l’aide économique.
Laissons
de côté la logique douteuse qui considère qu’il n’y a pas à
discuter d’une solution politique avec un gouvernement qui ne
reconnaît pas Israël. Quel rapport avec les besoins courants de la
population palestinienne : passage de marchandises, ouverture
des passages de frontières, soins médicaux, encaissement
d’argent ? Même si tout cela ne nécessitait pas une
coordination avec Israël, cela exigerait évidemment une action
coordonnée du gouvernement palestinien, à moins qu’Israël ne
cherche à entrer dans les chaussures de ce gouvernement-là.
Celui
qui se sent encouragé par les propos de Condoleezza Rice et qui
estime avoir trouvé une partenaire responsable pour une position
illogique, ferait bien de voir ce que fait Washington lui-même
quand il est dans une telle situation où « il
n’y a pas de partenaire ». On constate que lorsqu’il
est question de l’Irak, il est permis de mener des négociations
avec les Iraniens. Lorsqu’il est question du gouvernement irakien,
il est possible de discuter avec ce qui est défini comme
organisation terroriste – shiite ou sunnite. De même, mener des négociations
avec le gouvernement libanais, qui compte des représentants du
Hezbollah, n’est ni étrange ni impur aux yeux de Washington.
Sur
l’échelle américaine des principes, une distinction apparaît
entre vertu et intérêts. Il n’est pas surprenant et il est même
justifié que les intérêts priment. Même le Hamas comprend cela.
Il l’a démontré en déclarant le premier cessez-le-feu, la houdna,
et lorsqu’il en a changé le nom en tahadiya,
accalmie. C’est le cas encore aujourd’hui lorsque ses dirigeants
commencent à adopter un « nouveau
langage » dans son attitude à l’égard d’Israël. Même
le chef d’état-major, Dan Halutz, ne peut se dissimuler la
« douceur des paroles »
et il demande maintenant à voir des actes. Cette formule a
parfaitement rempli son office dans le système des relations avec
le précédent gouvernement palestinien qui était, lui, « approprié »
aux yeux d’Israël.
Celui
qui veut voir des actes doit en permettre l’exécution. En
particulier lorsque se dessine que ce sont précisément des
organisations affiliées au Fatah – qui reconnaît Israël – qui
reprennent les actions terroristes. Aucune atteinte à la sécurité
d’Israël ni aucun préjudice politique ne viendront de ce que les
ministres palestiniens pourront se rencontrer n’importe où, sans
devoir en passer par la vidéo. Le plan
de convergence unilatéral ne perdra pas un cheveu si les
nouveaux ministres israéliens commençaient à rencontrer leurs
homologues palestiniens. Non pas – Dieu nous préserve – pour
discuter du plan de
convergence, ni pour façonner ensemble une solution politique,
mais simplement pour vraiment régler des questions administratives.
Le
Hamas ne sortirait pas renforcé de telles rencontres, car il est de
toute façon le gouvernement élu. Et même s’il devait sortir
renforcé de contacts avec Israël, ce serait la discrète démonstration
qu’il reconnaît Israël. Autre point latent : Condoleezza
Rice a rappelé que Washington avait soutenu le désengagement de
Gaza, entre autre parce que, commencé comme une démarche unilatérale,
il a « finalement été
coordonné avec les Palestiniens ». Allusion non négligeable
pour qui croit encore à un retrait unilatéral ou qui pense que le
précédent retrait était vraiment unilatéral. Si telle doit être
une condition américaine encore à l’avenir, mieux vaut commencer
à reconnaître les nouveaux « non
partenaires ».
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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