[l'histoire du kibboutz Shomriya,déclaré en faillite puis remis à
des colons évacués de Gaza, est celle de nombreux villages d'Israël
"de l'intérieur", défavorisés au profit des colonies. "Israël
(et Shomriya) auront payé deux fois l'addition : une fois pour s'introduire par
effraction dans les territoires, et une deuxième pour en
sortir"]
http://www.haaretz.com/hasen/spages/700819.html
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Dans le dernier numéro de la revue du mouvement kibboutzique Artzi
(2), "Daf Yarok" ("La Feuille Verte"), Amos Oz prédit
aux kibboutz un avenir radieux. Selon lui, plusieurs chapitres de l'Histoire leur
restent à écrire. Je fais partie ceux qui partagent cette vision optimiste et
qui souhaitent beaucoup de bien au kibboutz.
Un avenir radieux, peut-être, mais pas forcément un présent très
brillant. Le grand mouvement kibboutzique dans son ensemble n'a pas été
capable de sauver un petit kibboutz de rien du tout, Shomriya, au pied des
montagnes de Hebron, à l'intérieur de la ligne Verte. Il y a 15 jours, les
13 dernières familles ont quitté leur kibboutz et remis les clés aux
évacués d'Atzmona, dans le Goush Katif (bande de Gaza). Avec leurs indemnités,
les évacués de Shomriya, eux, se sont installés dans des kibboutz
voisins. En apparence, ils ont été évacués volontairement : personne ne les
a chassés.
En fait, ils n'avaient pas le choix. ??Shomriya est le dernier
kibboutz fondé par le mouvement Artzi. Pendant plus de vingt ans, il s'est
accroché à sa terre et fait des efforts désespérés pour survivre. Ainsi,
le mouvement Artzi a perdu l'enfant de ses vieux jours. Donnera-t-il
naissance à un nouvel enfant? Espérons-le.
La faillite de Shomriya est encore à la recherche de son sens. Et pourtant, ce sens est clair : à partir du moment où il a été créé
à l'intérieur de la ligne Verte et non au-delà, il était condamné.
C'est vrai, Shomriya était un village de défense. Mais il n'était pas
une colonie, et il a donc été négligé puis abandonné.
Lors de la cérémonie officielle, quand les membres du kibboutz ont
remis les clés aux colons, le secrétaire du kibboutz, Ygal Aflalo, a dit
: "Aujourd'hui, c'est la fin d'une époque de notre vie, et dans
quelques semaines, nous serons partis. Nous sommes ruinés. Cet endroit ne
nous appartient plus, et c'est une situation que nous avons du mal à
accepter."
Gad Sadeh, l'un des fondateurs du kibboutz : "Nous avons
attendu 15 ans qu'on construise une route d'accès et un réfectoire. Tout cela est
arrivé trop tard. Nous avons compris qu'on ne voulait pas qu'on vive, mais
seulement nous maintenir sous respiration artificielle."??Yoram
Mamon, autre fondateur : "Si l'Etat avait investi ne serait-ce que le
dixième de ce qu'il investit aujourd'hui pour les évacués d'Atzmona, nous
serions aujourd'hui un kibboutz dynamique, et nous n'aurions pas à déménager
et à être locataires dans un autre kibboutz."
Dommage que le Contrôleur de l'Etat n'ait pas entendu parler des
affres des évacués de Shomriya avant d'écrire son rapport sur les
souffrances des évacués du Goush Katif : comment les kibboutzniks n'avaient pas
l'armée pour les protéger, et comment ils montaient donc eux-mêmes la
garde, la nuit, et allaient travailler le matin en dehors du kibboutz ;
comment personne ne leur a bâti une crèche ou une école ; et comment ils
se sont battus pour obtenir l'autorisation de construire un nouveau
quartier, qui ne voit le jour que maintenant, comme si une baguette magique ne
l'avait créé que pour ceux qui héritent de leur kibboutz ; comment chaque
requête pour un agrandissement, une route, un égout, une absorption de
nouveaux immigrants, se débattait dans les mailles de la bureaucratie.
Si le Contrôleur de l'Etat avait connu l'histoire des habitants de
Shomriya, et pas seulement la leur, il aurait dû admettre que les
colons d'Atzmona ont bénéficié d'un traitement privilégié qui leur a
permis d'améliorer leur sort.
L'histoire de Shomriya c'est celle de nombreux villages, partout
dans le pays, en particulier dans le Néguev et en Galilée, qui, tous,
vivent l'enfer, et auxquels personne ne prête attention. ??Depuis 38 ans,
c'est comme si tout ce qui s'est passé ici, à l'intérieur de la ligne
Verte,
s'était passé dans des montagnes sauvages. Il n'y en avait que
pour les Territoires, le reste était ailleurs. "Si l'Etat avait investi
ne serait-ce que le dixième de ce qu'il investit aujourd'hui",
dit l'un des fondateurs. Lui non plus (personne, d'ailleurs) n'a pas la
moindre idée des sommes investies pour créer et conserver le Goush
Katif, ni de
celles qui ont été dépensées pour son évacuation. Et à qui va
l'argent quand il n'en reste plus? A tout le reste. A Shomriya, par exemple.
Pendant près de 40 ans, nous avons gaspillé l'argent public dans
des colonies qui ont déjà été évacuées. Pendant la prochaine législature,
comme promis, Israël va continuer à évacuer des colonies et à
gaspiller de l'argent. Au début, nos ressources s'épuisaient pour nous
permettre de
nous installer sur des terres volées. Maintenant, il n'y aura pas
plus de ressources non plus, puisqu'elles vont servir à les évacuer. Israël
(et Shomriya) auront donc payé deux fois l'addition : une fois pour
s'introduire par effraction dans les territoires, et une deuxième
pour en sortir.
(1) Yossi Sarid : ancien ministre, ancien secrétaire général du
Meretz.
(2) le mouvement Artzi regroupe les kibboutz fondés par le
mouvement de jeunesse de gauche Hachomer Hatzaïr.
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