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Du déjà vu ! *

Uri Avnery

 

 
"Si Ariel Sharon ne se trouvait pas en coma profond, la joie le ferait sauter de son lit. La victoire du Hamas comble ses désirs les plus ardents."

Depuis toute une année maintenant, il a fait tout son possible pour saborder Mahmoud Abbas. Sa logique était évidente : les Américains voulaient qu’il négocie avec Abbas. Or, de telles négociations l’auraient inévitablement conduit à une situation où il aurait été contraint de rendre presque toute la Cisjordanie. Et Sharon n’en avait pas l’intention : il voulait annexer environ la moitié du territoire. Donc, il devait se débarrasser d’Abbas et se donner une image de modéré.

Au cours de l’année écoulée, la situation des Palestiniens s’est empirée de jour en jour. Les opérations de l’occupation ont rendu la vie et le commerce impossibles. Les colonies de Cisjordanie se sont continuellement agrandies. Le mur qui accapare environ 10 % de la Cisjordanie était en voie d’achèvement. Aucun prisonnier important n’a été libéré. Le but était d’imprimer l’idée chez les Palestiniens qu’Abbas était un faible (« un poulet sans plumes » comme le voulait Sharon), qu’il était incapable de faire quoi que ce soit, que les propositions de paix et les cessez-le-feu ne conduisaient nulle part.

Le message aux Palestiniens était clair : « Israël ne comprend que le langage de la force ». Et maintenant, les Palestiniens ont mis au pouvoir un parti qui parle le même langage.

Pourquoi le Hamas a-t-il gagné ?

Les élections palestiniennes, comme en Allemagne, se composent de deux parties. Une moitié des parlementaires sont élus sur des listes présentées par les partis (comme en Israël), l’autre moitié des candidats se présentent à titre individuel dans leur circonscription.

Pour ce qui est des listes de partis, le Hamas n’a gagné qu’avec une faible majorité. Ceci laisse à penser qu’en ce qui concerne l’orientation politique générale, presque une majorité est proche des positions du Fatah : pour deux Etats, pour aller à la paix avec Israël.

Beaucoup de votes pour le Hamas n’avaient rien à voir avec les questions de la paix, de la religion et du fondamentalisme, mais étaient des votes de protestation. L’administration palestinienne, dominée presque exclusivement par le Fatah, était entachée par la corruption. L’ « homme de la rue » a senti que les dirigeants au sommet ne s’occupaient pas de lui. Il était aussi reproché au Fatah la situation épouvantable créée par l’occupation. Et il y a eu aussi la gloire des martyrs, l’invincible combat contre l’armée israélienne immensément supérieure, en plus de la popularité du Hamas.

Pour ce qui est des élections à titre personnel dans les circonscriptions, la situation du Hamas est bien meilleure. Le Hamas avait des candidats plus honorables, sains de toute corruption. L’appareil du parti était de loin supérieur, ses membres autrement disciplinés. Dans chaque circonscription, ils étaient plusieurs candidats du Fatah à se présenter contre un autre. Depuis le décès d’Arafat, aucun dirigeant n’a été assez fort pour imposer l’unité. Marwan Barghouti, qui en aurait été capable, est resté dans les prisons israéliennes - un autre grand cadeau fait au Hamas.

Les gens qui pensent à une conspiration peuvent affirmer que c’est toute une partie du plan israélien qui se trouve déjouée. Certains croient même que le Hamas est carrément une création israélienne depuis le début. Evidemment, il s’agit d’une grosse exagération. Pour autant, ce qui est vrai, c’est que dans les années qui ont précédé la première Intifada, l’organisation islamique était le seul groupe palestinien à pouvoir se déplacer librement dans les territoires occupés. Le raisonnement était le suivant : notre ennemi, c’est l’OLP. Les islamistes haïssent l’OLP laïque et Yasser Arafat. Aussi, nous pouvons les utiliser contre l’OLP.

De plus, comme toutes les institutions politiques étaient interdites - même les Palestiniens qui travaillaient pour la paix étaient arrêtés pour activité politique illégale - personne ne pouvait contrôler ce qui se passait dans les mosquées. « Tant qu’ils prient, ils ne tirent pas » pensait innocemment l’administration militaire israélienne.

Le déclanchement de la première Intifada fin 1987 a prouvé que c’était faux. Le Hamas était constitué, en partie afin de rivaliser avec les combattants du Jihad islamique. Très rapidement, le Hamas est devenu le cœur du soulèvement armé. Depuis presque un an, les services israéliens de Sécurité n’ont plus opéré contre lui. La politique avait changé et le sheik Ahmed Yassin, le guide spirituel, avait été arrêté.

Tous ceci est donc arrivé davantage par la stupidité plus que par un choix. Maintenant, le gouvernement israélien est confronté à une direction du Hamas, élue démocratiquement par le peuple.

Pourquoi maintenant ? on dirait vraiment du déjà vu*

Dans les années 70 et 80, le gouvernement israélien déclarait qu’il ne négocierait jamais avec l’OLP. Ce sont des terroristes. Leur charte appelle à la destruction d’Israël. Arafat est un monstre, un second Hitler. Donc, jamais, jamais, jamais,...

Finalement, après beaucoup d’effusions de sang, Israël et l’OLP se sont reconnues mutuellement et les accords d’Oslo ont été signés.

Maintenant, nous entendons le même son de cloche. Terroristes, assassins ; la charte du Hamas appelle à la destruction d’Israël ; jamais nous ne négocierons avec lui, jamais.

Tout cela est très bien reçu au parti Kadima de Sharon, qui appelle ouvertement à l’annexion unilatérale du territoire (« délimitant les frontières d’Israël unilatéralement ». Cela aidera aussi les faucons du Likoud et du Parti travailliste dont le leitmotiv est « Nous n’avons aucun partenaire pour faire la paix », c’est-à-dire, on en a fini avec la paix.

Mais progressivement, le ton devra changer. Les deux côtés, et les Américains aussi, descendront de leur arbre. Le Hamas déclarera qu’il est favorable aux négociations et trouvera un argument religieux pour le justifier. Le gouvernement israélien (probablement dirigé par Ehud Olmert) se pliera à la réalité et aux pressions américaines. L’Europe oubliera ses déclarations ridicules.

Finalement, chacun admettra qu’une paix, avec le Hamas, est mieux qu’une paix avec le seul Fatah.

Prions qu’il n’y ait pas beaucoup de sang à couler avant qu’on y parvienne.

* en français dans le texte.

Uri Avnery
28 janvier 2006 - diffusé par Gush Shalom
61033 p.o.b. 3322 Tel Aviv GUSH SHALOM
Pour le contacter : info@gush-shalom.org - http://www.gush.shalom-org
Traduction : JPP


 Source : CCIPPP
 http://www.protection-palestine.org/article.php3?id_article=2102


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