La victoire inattendue d’Amir Peretz, responsable actif de la
Fédération Syndicale Histadrute, à la tête du parti
travailliste israélien a apparemment secoué la politique israélienne.
Plus tôt, toutes les enquêtes d’opinion avaient prédit que le
rival de Peretz, le vieux politicien israélien et homme d’état
Shimon Péres devait l’emporter facilement.
Peretz a emporté 42,35% des votes des adhérents
enregistrés du parti travailliste, alors que Péres en gagnait près
de 40%. Benyamin Ben Elizer, ex-ministre de la défense et vieux
politicien du parti, gagnait quant à lui 17% du total des votes.
La victoire de Peretz semble avoir rehaussé
l’image du parti travailliste, au moins pour l’instant.
Selon une enquête d’opinion publiée ce
vendredi, une majorité d’israéliens estime que le parti
travailliste a maintenant de meilleures chances de regagner le
pouvoir en Israël.
L’enquête montre que si des élections étaient
organisées aujourd’hui, les travaillistes gagneraient 28 sièges,
soit 7 de plus que ses 21 sièges actuels.
Khalid Aymareh d’Al
Jazeera.net a réalisé une interview du journaliste et
commentateur Uri Avnery sur la signification
de la victoire de Peretz, sur les implications immédiates et à
long terme sur la politique israélienne et les efforts pour
amener à la paix avec les Palestiniens.
Aljazeera.net : Etes-vous
surpris de la victoire d’Amir Peretz et de la défaite de Shimon
Péres aux élections à l’intérieur du parti travailliste ?
Avnery : C’est
certainement une surprise. Tous les sondages donnaient à Péres
une confortable avance sur Peretz. Je n’avais pas prévu une
victoire de Peretz.
Mais c’est une surprise agréable.
Pour vous, cette victoire de
Peretz est-elle significative ?
Elle est très significative ; elle peut
avoir des implications profondes à court et à long terme dans la
politique israélienne et dans la recherche de la paix avec les
Palestiniens.
Nous pouvons comparer l’accès des Juifs
d’origine nord-africaine à la tête du parti travailliste à la
victoire du Likud en 1977 sous le leadership de Menachem Begin grâce
au support massif des Juifs issus de l’immigration en provenance
des pays Arabes et Islamiques.
C’était un moment de rupture dans la politique
israélienne. Peretz pourrait être une nouvelle rupture.
Qui a élu Peretz ?
Peretz a été élu par les villes et villages
peuplés principalement d’immigrants d’Afrique du Nord, les mêmes
personnes qui sont en train de provoquer des émeutes en France
actuellement.
Et je voudrai dire qu’ils ont élu Peretz pour
beaucoup pour les mêmes raisons que celles qui font que les
Musulmans Nord-Africains se soulèvent en France, précisément
l’aliénation sociale et la pauverté sur le plan économique.
A votre avis, pourquoi les adhérents
du parti travailliste ont-ils écarté Péres ?
Le parti travailliste était devenu le parti des
riches de l’élite Ashkenaze et s’était de lui-même éloigné
des pauvres et des gens sans privilèges, lesquels ont un
sentiment profond d’être discriminés par les groupes dominants
[establishment].
Ces personnes ont toujours voté pour la parti
travailliste et beaucoup d’entre eux votent aussi pour le Shas
[ultra-orthodoxe] sur la base d’une loyauté ethnique. Ce qui a
changé maintenant, c’est que les Juifs originaires des pays
Islamiques ont apparemment opté pour rejoindre les travaillistes
qui pourraient alors devenir le parti des Juifs orientaux.
Quelle est la position de Peretz
sur le processus de paix ?
Je pense que Peretz est loyal vis à vis de ce
processus. Je pense qu’il est plus sincère à ce sujet que les
autres politiciens [Peretz a fait savoir que s’il était élu,
il solliciterait la direction palestinienne pour entamer des négociations
afin d’aboutir à un accord définitif].
Peretz entrera-t-il dans une
coalition gouvernementale avec Ariel Sharon ?
Il n’y aura pas de coalition avec Sharon. Sharon
n’est pas réellement intéressé à obtenir un accord pour une
paix réelle avec les Palestiniens, et Peretz s’en rend tout à
fait compte.
Quelles seront les premières
priorités de Peretz ?
Je pense qu’il essaiera de se débarasser de la
vieille garde, qui comprend des personnes comme l’ancien premier
ministre Ehud Barak. Peretz va très probablement rencontrer
Sharon dans les prochains jours pour fixer une date pour les
prochaines élections qui, je pense, pourraient se tenir dans le
premier semestre de 2006.
Jusque là, nous allons assister à une série de
regroupements dans la politique israélienne.
Pensez-vous que Sharon pourrait
former une nouvelle coalition avec des partis très à droite
comme le Mifdal (le parti des colons), et le parti Shinui ?
Je ne le pense pas. Tout d’abord les colons et
leurs alliés à la Knesset ne votent pas pour soutenir le
gouvernement. Et ensuite Sharon ne voudra pas apparaître comme le
dirigeant d’extrémistes par crainte de ternir son image,
particulièrement aux Etats-Unis. La seule sortie par conséquent
de cette situation de blocage est de recourir aux élections générales.
Shimon Péres est-il mort
politiquement ?
Si je pouvais conseiller Amir Peretz, je lui dirai
de donner à Péres un poste honorifique dans le parti
travailliste.
Al Jazeera.net - Khalid Aymareh