Les élections législatives palestiniennes du 25 janvier 2006
s’annoncent comme un séisme politique : le Hamas pourrait
emporter la majorité des suffrages. Aussi la presse atlantiste
s’efforce par avance de diaboliser ce parti politique. Soucieux
d’apporter une information objective à ses lecteurs, le Réseau
Voltaire a réalisé un long entretien avec le porte-parole de ce
mouvement musulman. Répondant aux questions de Silvia Cattori,
Moshir al-Masri présente un groupe de résistance, confronté à
une occupation d’une extrême violence, bien éloigné du
fanatisme qu’on lui impute.
Silvia
Cattori : Après le meurtre du
Cheikh Yassine, leader spirituel du Hamas, en 2004, les autorités
israéliennes ont justifié sa liquidation en affirmant qu’il était
le Ben Laden palestinien. Ils ont répandu l’idée que le
mouvement islamique du Hamas était lié à Al Quaida. A l’extérieur,
quand les journalistes parlent du Hamas, c’est généralement
pour présenter ses membres comme des « terroristes »,
et non pas comme des résistants. On vous a reproché d’avoir
refusé le processus de paix d’Oslo, ce en quoi les faits vous
ont donné raison. L’idée est largement répandue que « le
Hamas n’accepte pas l’existence d’Israël…qu’aucun juif
ne pourra rester en Palestine… que tout juif est une cible et
doit être éliminé ». Que répondez-vous à ceux qui vous
accusent de vouloir « jeter les juifs à la mer » et
de refuser « le droit d’Israël à exister » ?
Pouvez-vous préciser votre position politique sur ces points ?
Moshir al-Masri, porte-parole du Hamas
Moshir
al-Masri : Tout d’abord, permettez-nous de
remercier tous les journalistes étrangers qui partagent les
souffrances et la tristesse du peuple palestinien, qui sont dotés
d’une conscience humaine, qui comprennent l’injustice qui pèse
sur notre peuple et le défendent. Merci à tout journaliste,
homme ou femme, qui accomplit sa mission professionnelle de manière
objective et fidèle, sans biais pro-israélien.
En ce qui concerne le rejet de
l’existence d’Israël et le refus du maintien des juifs en
Palestine, permettez-nous de faire une distinction entre les juifs
en tant que tels, c’est-à-dire en tant qu’adeptes d’une
religion, que nous respectons et avec lesquels nous avons en
partage une histoire honorable à travers l’histoire musulmane,
et une occupation présente sur notre territoire. Le problème
n’est donc pas un problème avec les juifs. Nous souhaitons la
bienvenue aux juifs qui veulent vivre avec nous ; c’est là
en l’occurrence une attitude permanente que nous constatons tout
au long de l’histoire de l’Islam, y compris déjà à l’époque
de notre Prophète, Muhammad. Non ; le problème, c’est
qu’il y a une occupation qui pèse sur notre terre. Notre problème
est donc avec cette occupation. Par conséquent, notre résistance
est légale, en vertu de toutes les lois et règlements
internationaux. D’ailleurs, la quasi-totalité des révolutions,
dans le monde, ont eu pour finalité de chasser une occupation de
leur territoire. Cela a été le cas au cœur de l’Europe et en
Amérique et, par conséquent, nous avons le droit de nous défendre
et de chasser l’occupant de notre sol. Des allégations sont
soulevées, autour du mouvement Hamas, selon lesquelles ce
mouvement chercherait à « jeter les juifs à la mer ».
Ce sont là des propos fallacieux, infondés. Nous respectons le
judaïsme en tant que religion et les juifs en tant qu’êtres
humains. En revanche, nous ne respectons pas une occupation qui
nous chasse de nos terres et exerce à notre encontre toutes les
formes d’agression, au moyen des armes les plus atroces, utilisées
contre notre peuple palestinien. Il en découle que la présence
de cette occupation, on ne saurait l’accepter. Permettez-moi de
vous donner un exemple, à ce sujet : si un homme possède
une maison et que quelqu’un vienne occuper cette maison, et si
ensuite le voleur accepte tout au plus de concéder une toute
petite pièce de cette maison à son légitime propriétaire, au
cours de ce qu’il appelle lui-même des « négociations »,
en lui disant : « tout le reste m’appartient »,
quelqu’un peut-il accepter une telle situation ? Est-il
acceptable d’être chassé de chez soi et ensuite de reconnaître
que sa maison appartient à celui qui l’a volée ? Et
d’aller, par-dessus le marché, négocier avec le voleur pour
tenter de récupérer une minuscule chambre, et supporter ses
atermoiements ? Alors même qu’en plus, le voleur tue vos
enfants, défonce vos cultures et détruit votre gagne-pain ?
Non. Aucune religion n’accepte cela. Ni aucune personne dotée
de raison.
S.C.
- Fin 2002, quand j’ai rencontré le Dr Rantissi
vous n’étiez pas encore forcés de vivre cachés. Depuis 2003,
les choses se sont considérablement durcies : le Hamas a été
inscrit sur la liste noire des organisations « terroristes » ;
il y a eu l’assassinat du Dr Rantissi et de centaines d’autres
cadres importants. Comment ressentez-vous le fait qu’aucune
instance, aucun Etat occidental ne prenne en compte la gravité
des violations de la légalité internationale par Israël, et
fasse de vous un ennemi ? Que dans le cas d’Israël qui
bafoue les principes de justice et la vie humaine, qui a violé
plus de 65 résolutions du Conseil de Sécurité, le droit
international ne s’applique pas ?
Moshir
al-Masri : En ce qui concerne la classification du
Hamas dans les mouvements « terroristes », je répondrai
qu’assurément cette qualification n’est ni fondée, ni
admissible : le Hamas exerce une résistance honorable et équilibrée.
Dire de lui qu’il s’agirait d’un mouvement « terroriste »
est inacceptable. Nous ne sommes pas des « terroristes »,
nous ne prônons pas l’assassinat, nous ne volons pas autrui et
nous ne sommes pas les occupants, que je sache, pour être ainsi
qualifiés ? ! ? Nous nous défendons face aux
incursions, face aux arrestations, face aux assassinats ciblés,
face à l’utilisation par Israël des armes les plus cruelles
pour frapper sans pitié et arbitrairement des civils. Nous avons
le droit de nous défendre. Mais il est évident que les
Etats-Unis sont ouvertement de parti pris en faveur d’Israël.
Et puis il y a aussi cette faiblesse de l’Europe face à la
position américaine. Nous ne pouvons que constater qu’il en découle
une connivence européenne avec Israël, fondée sur
l’alignement pro-israélien de l’administration américaine.
Nous appelons les citoyens du monde entier à réexaminer la
nature du conflit palestino-sioniste et à comprendre, devant la
trêve que nous avons observée et que les Israéliens ont violée,
que le problème n’est pas du côté du peuple palestinien, pas
du côté de sa résistance légitime, mais bien du côté de
l’agression dont notre peuple est victime.
S.C.
- Au moindre acte de résistance non violente ou
violente, Israël vous envoie ses bombardiers. Vous n’êtes pas
sans savoir qu’il vous harcèle pour vous pousser à la faute et
justifier ensuite aux yeux du monde l’usage de la force. Face à
la domination d’Israël, à qui les instances étatiques
internationales donnent carte blanche pour vous massacrer,
n’est-il pas suicidaire de vouloir riposter par les armes ?
Moshir
al-Masri : Au sujet de ce qu’on a coutume
d’appeler « l’équilibre des forces »,
permettez-nous d’insister sur le fait que tout pays occupé, dès
lors qu’il lutte contre une occupation militaire, ne bénéficie
certainement pas d’un rapport de force favorable. Sinon, si les
forces étaient équilibrées, l’armée d’occupation ne
pourrait pas maintenir une minute de plus son occupation du pays
en question et de son peuple… Bien entendu, les forces sont
totalement déséquilibrées, et nous sommes faibles. Mais
faibles, nous le sommes en raison de notre manque d’armes, et
certainement pas dans notre détermination et notre volonté de
tenir face aux armes israéliennes ultramodernes et sophistiquées.
Nous avons la volonté des montagnes. Nous avons pour nous le
droit, et nous sommes prêts à tout sacrifier, je dis bien tout,
pour recouvrer notre droit usurpé et violé. Par conséquent, cet
équilibre des forces, il est vraisemblable que nous parviendrons,
petit à petit, à le créer… De son début, jusqu’à son
terme, l’Intifada a changé de tactique militaire, passant
d’un mode d’action à un autre, jusqu’à être en mesure de
porter des coups à l’ennemi et à arrêter son agression
permanente contre notre peuple.
S.C.
- Quelle a été la politique de Yasser Arafat
vis-à-vis du Hamas ? Et quelle est aujourd’hui celle d’Abou
Mazen ?
Moshir
al-Masri : La politique vis-à-vis du mouvement
Hamas du président disparu Abu Ammar [Yasser Arafat] – que Dieu
l’accepte dans Sa miséricorde ! – était une politique
fluctuante, variant d’un instant à l’autre. Une chose est sûre :
en 1996, l’Autorité palestinienne a eu une politique faite
d’arrogance et d’arbitraire à l’encontre du Hamas ;
elle a jeté en prison ses militants et ses dirigeants, qu’elle
a pourchassés jusqu’à imposer l’assignation domiciliaire au
Shaïkh Ahmad Yassine. Nous avons patienté, nous avons surmonté
nos blessures. Non pas par faiblesse, mais par respect pour le
sang palestinien et afin de préserver l’union nationale. A
l’inverse, il y a eu des périodes où la relation entre le
Hamas et le président Abu Ammar était une relation solide :
il y avait alors interaction. Cette relation, on le voit, n’était
pas monocolore : au contraire, elle a pris de multiples
colorations, des plus variées… En ce qui concerne, cette fois,
nos relations avec le président Abu Mazen [Mahmud Abbas] :
jusqu’ici, le président Abu Mazen est un homme faible. Nous
sommes tombés d’accord avec lui sur beaucoup de points, mais
les décisions prises n’ont pas trouvé de traduction concrète
sur le terrain et, jusqu’à présent, il est impossible de procéder
à une véritable évaluation de sa politique. D’une part parce
que l’expérience n’est pas assez longue pour permettre cette
évaluation, mais surtout, d’autre part, parce qu’Abu Mazen
n’a mis en application réelle aucun projet politique sur l’arène
palestinienne, à l’aune duquel nous soyons en mesure de le
juger…
S.C. - Plus de 650
000 Palestiniens sont passés par les prisons israéliennes et
beaucoup ont été soumis à des tortures traumatisantes. Il y a
actuellement en Israël 9 200 prisonniers palestiniens. Comme vous
le savez, la police du Shabak se sert de techniques sophistiquées
pour les dégrader, les humilier, les transformer en
collaborateurs. On peut s’étonner que l’Autorité
palestinienne n’ait pas exigé avec plus d’insistance la libération
des prisonniers, comme préalable à toute négociation ! Des
centaines de militants du Hamas et du Jihad ont été arrêtés,
au cours des derniers mois, en Cisjordanie. Ces arrestations et
ces assassinats auraient-ils pu réussir de manière si massive,
sans la collaboration des services de sécurité palestiniens avec
le Shin Beth ?
Moshir
al-Masri : En ce qui concerne les arrestations et
les assassinats « ciblés », il faut savoir qu’ils
n’auraient jamais pu se produire sans la coopération des
services de sécurité palestiniens avec le Shin Bet. Nous
affirmons qu’il y a eu un pacte, par lequel l’Autorité
palestinienne s’est liée les poings face à l’ennemi israélien
et qu’aux termes de ce pacte, il y avait une coordination sécuritaire
qui a placé l’arène palestinienne dans une terrible impasse et
dans des dissensions intestines. Les arrestations, les chasses à
l’homme, les assignations domiciliaires n’ont pu être imposées
aux militants et aux dirigeants du Hamas qu’en raison de cette
coopération sécuritaire entre [responsables] palestiniens et
israéliens. En ce qui concerne les assassinats ciblés et les
arrestations, il est évident qu’il existe tout un réseau de
traîtres, qui vont et viennent librement en Palestine. Ce sont
eux qui jouent un rôle essentiel direct dans les opérations d’élimination
israéliennes. Il en va de même des incursions et des rafles.
Malheureusement, l’Autorité palestinienne n’a pas été à la
hauteur de ses responsabilités, dans ce domaine, et nous
n’avons pas voulu nous charger de cette tâche d’ordre public,
afin de ne pas créer des dissensions dans l’arène
palestinienne, et aussi afin qu’on ne puisse pas dire de nous
que nous aurions été un Etat dans l’Etat. Nous ne dirigeons
nos armes que contre ceux qui nous agressent et il incombe à la
justice palestinienne de prendre ses responsabilités et de régler
tout problème interne. Il est évident que l’Autorité
palestinienne s’est elle-même liée les mains, en signant des
accords qui nous interdisent de pourchasser les traîtres, qui
pratiquent l’assassinat de nos concitoyens en désignant aux
forces d’occupation les endroits où se cachent des Palestiniens
[résistants] pourchassés, qu’elles recherchent afin de les arrêter,
voire, plus fréquemment encore, de les assassiner.
S.C. – Il est
apparu que l’Autorité palestinienne, après avoir mis son
peuple dans une situation impossible - en l’appelant à la
cessation de la lutte armée avant même la libération nationale
– et après avoir signé avec Israël des traités « entre
deux parties », a fait disparaître le terme « ennemi
israélien » de son vocabulaire. Récemment le « droit
au retour », a également été évacué du vocabulaire des
dirigeants palestiniens qui parlent maintenant « d’une
solution au problème des réfugiés » mais pas de droit.
Pendant ce temps, l’argent se déverse à flot dans les caisses
d’Abou Mazen. Est-ce un hasard ? Cet argent n’est-il pas
destiné à acheter toute une élite politique et une classe
moyenne susceptibles de renoncer à la lutte nationale de libération ?
Quelle est aujourd’hui la position du Hamas vis-à-vis de l’Autorité
palestinienne ?
Moshir
al-Masri : En ce qui concerne la modification de la
terminologie et de l’utilisation, ou de l’interdiction, de
l’expression « ennemi israélien », l’Autorité
palestinienne a œuvré, de conserve avec l’ennemi israélien,
en vertu d’un accord sécuritaire conclu entre eux, à faire
disparaître beaucoup de concepts et à tenter de les effacer de
l’esprit des diverses générations de Palestiniens. Mais l’Intifada
bénie d’Al-Aqçâ a remis ces définitions et ces concepts à
l’ordre du jour, d’une manière encore plus forte
qu’auparavant et, cela, grâce surtout aux agissements de
l’occupant, faits de crimes et de massacres des plus horribles
perpétrés contre les enfants de notre peuple.
Oui, il y a une faiblesse insigne,
dans l’action de l’Autorité palestinienne, à bien des égards.
Et comme par hasard, ce sont ses responsables qui veulent changer
le vocabulaire. Mais les définitions du peuple ne sont pas celles
des représentants de l’autorité. Il en va de même en ce qui
concerne le droit au retour des réfugiés palestiniens. Quand un
responsable palestinien parle de « résoudre le « problème »
des réfugiés », on peut voir là une concession
exorbitante, provenant de ce côté-là… Nous parlons ici des
millions d’enfants de notre peuple (plus de cinq millions de
Palestiniens) qui sont exilés, chassés, éparpillés dans la
quasi totalité des pays du monde et qui ont le droit de revenir
chez eux, sur leurs terres, dans leur patrie dont on les a chassés
par la force. Ce sont là les termes qu’utilisent le peuple et
les combattants. Ce que disent certains responsables palestiniens
n’est pas représentatif de l’ensemble des palestiniens.
S.C. - Le Congrès
pour le « droit au retour » réuni à Nazareth en décembre
2005, a mis en garde ceux qui veulent vous imposer la
reconnaissance de l’Etat d’Israël en tant qu’Etat juif et
évacuer le droit au retour. Ce droit demeure-t-il pour vous la
pierre d’achoppement, « un droit inaliénable » sur
lequel nul ne peut revenir ?
Moshir
al-Masri : En ce qui concerne l’imposition d’une
reconnaissance arabe et palestinienne de l’Etat d’Israël en
tant qu’Etat juif et la reconnaissance du fait accompli, je
pense que cette reconnaissance de l’Etat d’Israël est extrêmement
dangereuse, car elle signifie l’abandon du droit palestinien, et
elle signifie que la politique du fait accompli s’est imposée définitivement
au monde arabo-musulman. Nous accueillons à bras ouverts les
juifs en tant que tels, mais nous n’accueillons pas à bras
ouverts une occupation qui écrase notre terre et notre peuple.
Comme je l’ai déjà dit, nous ne pouvons accepter d’être
chassés de chez nous, de nos maisons, de nos terres, après quoi
nous reviendrions prendre possession d’une portion congrue de
ces terres et nous reconnaîtrions au voleur la propriété de
tout le reste, en disant que cela lui revient de droit et en
consacrant ce droit devant le monde entier. C’est la raison pour
laquelle, nous, au Hamas, nous mettons en garde toutes les parties
prenantes contre les conséquences terribles qu’aurait le fait
de tomber dans le piège israélien consistant à consacrer la
politique israélienne des faits accomplis.
S.C. - L’autorité
palestinienne a tout misé sur la création d’un Etat
palestinien indépendant. Mais les Palestiniens étaient-ils prêts
à accepter un Etat sur 8 % des terres historiques pour tout règlement
des torts causés par Israël depuis 1948 ? Un Etat unique où
juifs et non juifs vivent avec des droits égaux ne serait-il pas
une solution plus équitable ?
Moshir
al-Masri : Je tiens à dire que le mouvement Hamas
croit aux solutions par étapes, mais pas aux solutions basées
sur des concessions. C’est ce qu’avait affirmé le Shaïkh
Yassine, fondateur et dirigeant du Hamas, il y a plus de quinze
ans. Il avait dit : « Nous pouvons accepter la création
d’un Etat en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et à Jérusalem
Est, avec le retour des réfugiés et la libération de tous les
prisonniers. C’est alors que nous pourrons signer une trêve sur
le long terme, pour dix ans s’il le faut, voire même plus ».
Mais il est évident que l’ennemi sioniste veut perpétuer son
occupation. La preuve en est que Sharon, après avoir vendu son
retrait de Gaza, en le présentant comme une « concession
douloureuse », revient à Gaza et y assassine, y bombarde, y
frappe, et revient au nord de la bande de Gaza pour y établir un
no man’s land. On le voit : il ne connaît que le langage
de l’occupation. Il ne sait pas ce que veut dire une trêve,
comme le montre sa violation de la trêve actuelle, et il ne connaît
pas le langage de la paix. Il ne connaît que le langage du crime
et de la terreur contre notre peuple. Par conséquent, nous
confirmons notre adhésion à des solutions par étapes, mais, en
contrepartie, nous ne saurions reconnaître l’occupation de
notre territoire. C’est pourquoi le reste du monde doit se
rassembler afin de se tenir aux côtés de notre peuple endeuillé
et meurtri, dont le territoire est occupé, dont les lieux saints
sont violés et dont les enfants sont les victimes de la pire
agression. Quant à la création d’un Etat qui réunirait les
juifs et les Palestiniens, nous n’avons cessé d’affirmer –
mais je veux bien le réaffirmer encore une fois – que nous
avons vécu avec les juifs tout au long de l’histoire islamique,
qu’en tant que Dhimmis, dans l’Etat musulman, ils bénéficiaient
des mêmes avantages et ils étaient soumis aux mêmes obligations
que nous ; ils faisaient partie de notre patrie. Encore une
fois : le problème n’est pas avec les juifs. Le seul problème
que nous ayons, c’est avec l’occupation israélienne.
S.C.
- Après le retrait des colons de Gaza, la
communauté internationale a considéré ce retrait comme une
avancée vers la paix. Or ; où est la paix ? Votre
mouvement a affirmé que Gaza était libérée. Or, ceux qui
l’ont visitée récemment ont rapporté que le million et demi
de Palestiniens qui l’habitent, demeurent sous le contrôle
absolu d’Israël ; surveillance et coercition qui vont
encore s’accroître par la construction par Israël de la triple
barrière munie de mitrailleuses télécommandées, de détecteurs
électroniques et optiques. Plutôt que de parler de libération,
pourquoi n’avoir pas dénoncé le fait que les habitants de Gaza
sont emmurés derrière des barrières, dans un camp de
concentration ?
Moshir
al-Masri : Oui. Il est clair que ce qu’a voulu
vendre Sharon, c’est un mensonge. En effet, le retrait de la
bande de Gaza n’est pas un véritable retrait, ni un retrait
total. Israël continue à occuper l’espace aérien de Gaza :
ses avions ne cessent de survoler Gaza, les bombardements
continuent et les simulacres d’attaques aussi, ainsi que les
assassinats ciblés depuis les airs, par drones et missiles. Il en
va de même de l’encerclement terrestre et maritime, y compris
du point de passage de Rafah, qui est l’unique issue laissée au
peuple palestinien vivant dans la bande de Gaza : il est
truffé de caméras, il y a des commissions sécuritaires mixtes,
qui interrogent toute personne qui entre dans la bande de Gaza ou
qui en sort, même s’il n’y a plus de présence militaire israélienne
effective. Il en résulte que nous vivons dans une immense prison,
dans la bande de Gaza, et que l’ennemi israélien n’a fait
aucune concession. Il ne s’est retiré de Gaza que sous les
coups de la résistance : il a lui-même reconnu ne plus
pouvoir supporter le fardeau sécuritaire qui pesait sur ses épaules
en raison de son occupation de la bande de Gaza, en particulier
dans les colonies, en butte aux frappes de la résistance
palestinienne, en dépit des moyens rudimentaires de celle-ci, qui
a néanmoins réussi à atteindre l’ennemi israélien en lui
infligeant une dure leçon et en lui apprenant que la terre
palestinienne ne saurait tolérer la perpétuation de son
occupation par Israël.
S.C.
- Contrairement à l’ANC en Afrique du Sud, ni
Arafat ni Abou Mazen n’ont jamais appelé au boycott
international, ni à la lutte civile, ni à des sanctions
punitives contre Israël. Le président de l’Université
palestinienne Al Quds s’est même élevé contre le boycott des
universités israéliennes lancé par des Britanniques. Comment
expliquez-vous une telle soumission à Israël, alors que les
Palestiniens attendent de leurs autorités qu’elles défendent
leur cause ?
Moshir
al-Masri : Il est clair que l’Autorité
palestinienne est en train de connaître une dérive dangereuse et
que certains de ses dirigeants s’accrochent à leur fauteuil.
Ils sont prêts à faire toutes les concessions possibles et
imaginables. C’est ce dont nous nous sommes rendu compte, avec
le genre d’accord qu’ils ont signés : il n’y avait pas
de position solide de l’Autorité palestinienne qui fût en
mesure de mettre un terme à l’agression sioniste contre le
peuple palestinien. Le discours dominant, c’était celui des
concessions : c’est cette langue des concessions qui
s’est imposée la plupart du temps, à un point tel que le président
d’une université palestinienne a osé protester, vous avez tout
à fait raison, contre le boycott des universités israéliennes,
comme si nous vivions avec Israël dans un même cadre, en
oubliant totalement notre sang versé, la confiscation de nos
terres et la mise sous occupation de toutes les possibilités du
peuple palestinien ! Oui, hélas, il y a une soumission, de
la part de l’Autorité, à l’administration israélienne, en
échange de non-concessions israéliennes vis-à-vis de
l’Autorité. Et cela, parce que celle-ci s’est liée les mains
avec des accords dont elle est incapable de s’extraire, au
moment même où Sharon et consorts nient les accords dont il est
question, en déclarant que les accords d’Oslo n’ont plus
d’existence pratique, sur le terrain.
S.C.
- Les parlementaires européens - gauche et droite
- ont voté en 2004, à une large majorité, une résolution dite
" Paix et Dignité au Proche-Orient" qui exige de l’Autorité
palestinienne de mener une lutte contre les actes de terrorisme.
Cette résolution :
« réitère
sa ferme condamnation ainsi que le rejet de tout acte de
terrorisme commis par des organisations terroristes palestiniennes
contre le peuple israélien, et exige que l’Autorité nationale
palestinienne mène une lutte sans merci contre ces actes de
terrorisme jusqu’au démantèlement total de ces organisations »
« déclare
expressément que le terrorisme palestinien, que ses victimes
soient civiles ou militaires, non seulement est responsable de
nombreuses victimes innocentes, ce qui le rend des plus
condamnables, mais en plus nuit gravement au processus de paix que
l’on veut reprendre ». _ Que dites-vous à
l’Europe ?
Moshir
al-Masri : En ce qui concerne les « terroristes »,
et l’affirmation selon laquelle la résistance non seulement
tuerait des innocents, mais ferait obstacle au processus de paix,
nous disons : « Observons attentivement et précisément
la scène palestinienne et les événements qui s’y sont
produits depuis la signature de l’accord de paix entre
Palestiniens et Israéliens. Qui a commencé à tuer ? Qui a
perpétré des massacres le premier ? Comment l’Intifada
d’Al-Aqçâ, que nous continuons à vivre aujourd’hui,
a-t-elle débuté ? Ne serait-ce pas, par hasard, avec la
visite provocatrice de Sharon à la Mosquée Al-Aqçâ, bénie et
sainte pour les musulmans et pour le peuple palestinien ? Les
fidèles [musulmans] ayant protesté, les forces de l’occupation
ont abattu des dizaines d’entre eux, en quelques instants.
C’est alors que les foules se sont levées, partout, afin de défendre
leurs lieux saints, comme c’était leur droit et leur devoir. La
première Intifada, quant à elle, n’avait-elle pas éclaté après
qu’un colon eut écrasé volontairement sept ouvriers
palestiniens à Jabalya ? Par conséquent, nous défendons
notre peuple, et ceux qui nous qualifient de « terroristes »
se trompent ; ils doivent reconsidérer leur appréciation.
Nous ne sommes pas des « terroristes ». Nous prônons
la vie, nous prônons un projet de libération, nous défendons la
dignité et la légitime fierté. Il faut que le monde européen
cesse d’être le complice de l’Amérique, dans son alignement
patent sur l’ennemi israélien. Si vous étudiez et examinez précisément
les problèmes en jeu sur l’arène palestinienne, vous
comprendrez que, dans la quasi totalité des cas, c’est
l’occupation qui provoque les problèmes.
S.C.
- Le récent succès électoral du Hamas a jeté
un vent de panique au sein de l’Autorité palestinienne.
Pensez-vous qu’après avoir régné durant douze ans en maître
absolu, s’être enlisée dans des négociations « de paix »
qui ne menaient qu’à plus de souffrances pour les Palestiniens,
sera-t-elle capable de renoncer aux privilèges acquis aux dépens
de son peuple et d’accepter le message que ce dernier lui envoie ?
Moshir
al-Masri : Nous pensons qu’un des principes de la
démocratie, c’est l’acceptation des résultats des élections.
La nation n’est le monopole de personne, elle appartient à tout
le monde. Le mouvement Hamas tient à rassurer tout le monde, l’Europe,
l’Amérique et le monde entier, ainsi que l’Autorité
palestinienne : nous n’avons nullement l’intention de
prendre la place de qui que ce soit dans ces élections, ni de
contester quiconque. Nous voulons consacrer une nouvelle étape,
celle de la participation politique, afin d’en finir avec
l’exclusive dans la prise de décision politique palestinienne.
Cette étape sera aussi celle de l’union nationale face aux défis
propres à cette étape : ce peuple qui a fait les plus
grands sacrifices pour contraindre l’occupant à se retirer
d’une partie de son territoire doit aujourd’hui pouvoir vivre
une vie tranquille et décente, loin des manifestations
d’anarchie et d’insécurité, provoquées la plupart du temps
par les services dits « de sécurité » eux-mêmes,
loin du système du piston et des pots-de-vin, loin de la perte
des repères, du vide devant l’inconnu, qui dominent
actuellement la scène palestinienne. C’est la raison pour
laquelle le Hamas a voulu participer sans plus tarder aux élections
législatives, afin de tenter de sauver la scène palestinienne de
cette situation délétère.
S.C. - C’est
pour le peuple palestinien une situation on ne peut plus déprimante.
Rien de ce que l’Autorité palestinienne avait promis n’a été
réalisé. Mais si les Palestiniens lui ont tourné le dos, cela
ne veut pas dire, pour autant, qu’ils adhèrent à votre
programme ?
Moshir
al-Masri : Il est clair qu’en raison de la
monopolisation du pouvoir par l’Autorité palestinienne, qui
prend seule toutes les décisions concernant l’avenir du peuple
palestinien depuis dix ans, et d’autre part du succès du
mouvement Hamas et de son programme en matière de résistance légitimement
reconnue par le droit international et du fait que ce mouvement a
été le porteur des préoccupations du peuple palestinien et de
la bannière du changement et de la réforme, on a assisté à un
rassemblement populaire autour du Hamas. De plus, le peuple
palestinien est un peuple musulman en majorité. Or, le Hamas est
un mouvement musulman, qui veut que notre peuple vive l’Islam
comme une réalité concrète autant que cela nous est possible.
Il est clair que l’Autorité palestinienne n’a pas tiré les
leçons de ses erreurs, et que sa situation est déplorable. Elle
est même incapable de tenir tête à ceux de ses membres qui
pratiquent des enlèvements d’étrangers, qui nuisent à
l’image honorable de notre peuple, ou qui pratiquent les
occupations de diverses institutions, le racket et
l’intimidation. Tout ceci fait que l’Autorité palestinienne
traverse une période de grande faiblesse et de décomposition.
C’est la raison pour laquelle nous avons tenu à participer aux
élections, afin que l’Autorité recouvre son prestige et que le
droit retrouve sa primauté. Nous voulons créer une Autorité
palestinienne respectable, afin que le peuple palestinien puisse
la respecter.
S.C.
- Sauf à Ramallah, durant l’année écoulée,
lors des élections locales, le Hamas a récolté plus de 50 % des
voix. Le FPLP, parti de gauche, a dans certaines villes fait
alliance avec vous. Cela tend-il à démontrer qu’il ne s’agit
pas de voter pour une religion mais pour des hommes et des femmes
intègres qui, contrairement aux cadres du Fatah, n’ont jamais
abandonné la lutte de libération ?
Moshir
al-Masri : Le fait que le Hamas conclut des
alliances avec le Front Populaire de Libération de la Palestine
ou d’autres organisations, confirme qu’il n’est pas un
mouvement sectaire, ni sclérosé, ni replié sur lui-même. Le
Hamas est un mouvement qui s’affirme comme une page ouverte à
tous, comme un mouvement prêt à s’allier avec tous les enfants
de notre peuple palestinien, afin de défendre les intérêts supérieurs
de notre peuple, dans le cadre d’un changement et d’une réforme
réels dans l’arène palestinienne. C’est de là que découle
le soutien apporté par le Hamas à une candidate de gauche à la
mairie de Ramallah, soutien qui n’est pas un cas unique, loin de
là. Nous disons à tous que nous ne voulons prendre la place de
personne, nous ne voulons évincer personne. Nous voulons vivre
une existence digne et tranquille, à l’abri de tous les phénomènes
que connaît la scène palestinienne depuis dix ans. Nous voulons
convenir d’une stratégie bien définie qui protège les droits
du peuple palestinien et préserve ses avancées, sans considération
sur les appartenances de ces alliés : il suffit qu’ils
soient Palestiniens et qu’ils veuillent servir la cause du
peuple palestinien.
S.C. - Pourquoi
avez-vous pris le parti de participer à ces élections alors que
le Jihad islamique, lui, s’est abstenu ? Des élections
sous occupation ne détournent-elles pas les Palestiniens de
l’essentiel ? La priorité n’est-elle pas de nouer le
dialogue inter-palestinien pour relancer la lutte nationale ?
Moshir
al-Masri : Quelles sont les priorités du Hamas,
dans la période actuelle ? Mettons les points sur les
« i » : le Hamas a trois priorités, dont aucune
n’est caduque, ni moins importante que les autres. La première
priorité, c’est le renforcement de l’unité interne, étant
donné que c’est cette unité qui est à même de protéger
l’arène palestinienne contre tout développement dangereux. La
seconde, c’est le renforcement de la participation politique,
qui représente une option susceptible de sauver la scène
palestinienne du marasme actuel. Le troisième point, c’est le
renforcement du programme de la résistance en tant que choix
stratégique de notre peuple, tant qu’une occupation continuera
à peser sur notre terre et tant que se poursuivra l’agression
continue contre notre peuple. Ce choix a été celui de toutes les
révolutions de par le monde, y compris en Europe et en Amérique.
Il s’agit d’un choix reconnu par le droit international.
S.C.
- La participation du Hamas aux élections législatives
palestiniennes, dans les territoires sous contrôle de l’Autorité
Palestinienne, a été mise en cause par Javier Solana. Celui-ci,
reprenant la menace des Etats-Unis, a fait pression sur les
Palestiniens en affirmant que si le Hamas remportait les élections,
l’aide financière de l’Europe serait suspendue. Ce qui
indique que l’Europe ne reconnaît pas aux Palestiniens le droit
de choisir leurs propres représentants ni celui de résister. Ce
chantage, qui menace les Palestiniens d’un étranglement
financier, donc de les rendre encore plus faibles face à
l’occupant, empêchera-t-il les Palestiniens de voter pour les
candidats du Hamas ou du FPLP ?
Moshir
al-Masri : En ce qui concerne la question de savoir
si les menaces européennes et les menaces américaines de couper
les aides sont susceptibles de dissuader notre peuple de soutenir
le Hamas, je répondrai que je pense que les déclarations tant
européennes qu’américaines à cet effet ont coïncidé avec la
quatrième étape des élections municipales palestiniennes, en
particulier dans les plus grandes villes. Or, quel en a été
l’effet ? Le Hamas a remporté les élections dans les plus
grandes villes palestiniennes, comme Naplouse, El-Biréh, Ramallah
ou Jénine. Par conséquent, notre peuple palestinien est un
peuple qui compte essentiellement sur Dieu – Qu’Il soit exalté !
– et qui connaît ce verset coranique « C’est dans le
ciel que se trouve la véritable vie qui vous a été promise ».
Le peuple sait très bien qu’il y a un complot international
ourdi contre lui. Par conséquent, il veut choisir ceux qui seront
capables de porter sa préoccupation et ceux dont il sait, de
confiance, qu’ils seront dignes de la mission qu’il leur aura
confiée, par la grâce de Dieu ! Nous, au Hamas, nous avons
fait nos preuves, au fil des années, dans de nombreuses
institutions, syndicats, coopératives, ou autres, et nous avons
donné un exemple à suivre. C’est en connaissance de cause que
le peuple palestinien nous a élus, c’est en raison de sa
confiance. Par conséquent, la provocation de l’administration
américaine qui, aux dires des responsables de l’Autorité
palestinienne, n’accorde au peuple palestinien que des miettes
qui ne représentent pratiquement rien dans le budget palestinien
et la position européenne, voire même les déclarations de
Javier Solana dont je ne pense pas qu’elles reflètent une
position européenne bien étudiée qui représente vraiment tous
les Etats membres de l’Union européenne, vous savez… Disons
que je ne considère pas que la dernière position adoptée par le
Quartette soit une position d’une grande fermeté. Il s’agit
plutôt de l’expression d’un recul : après avoir refusé
la participation du Hamas aux élections, certains partenaires
internationaux ont dépassé ce blocage, après avoir constaté la
détermination et la volonté des Palestiniens, ainsi que
l’unanimité sur la nécessité de la participation de tous à
ces élections. Les puissances étrangères opposées à notre
participation ont commencé à brandir la menace de la suspension
des aides économiques, puis elles ont cessé de le faire après
avoir constaté que cela ne dissuaderait en rien les Palestiniens
de voter pour le Hamas. Elles se sont alors contentées de
formuler des mises en garde contre la participation du Hamas à
tout gouvernement palestinien à venir. Je suis persuadé que les
partenaires internationaux se verront contraints de composer avec
une réalité nouvelle pour eux : le mouvement Hamas est une
composante authentique du peuple palestinien, il fait partie de
ceux qui déterminent la décision politique palestinienne.
S.C.
- La position du Quai d’Orsay, était plus nuancée
que celle de Solana : « Nous pensons qu’il est
important que le processus électoral qui a été engagé dans les
territoires palestiniens puisse se dérouler normalement…Le
Hamas demeure inscrit sur la liste « des organisations
terroristes de l’Union européenne, tant qu’il n’aura pas
renoncé à la violence et reconnu l’Etat d’Israël. Pour
notre part, nous suivons avec intérêt ce qui se passe et cette
évolution du Hamas sur le plan politique ». Vous paraît-il
possible de renoncer à la lutte armée et de reconnaître
l’existence de l’Etat juif d’Israël ?
Moshir
al-Masri : En ce qui concerne la reconnaissance de
l’Etat d’Israël et le renoncement à la lutte armée, je réponds :
comment le Liban s’est-il libéré ; comment beaucoup de
pays européens se sont-ils libérés, et comment l’Amérique du
Nord s’est-elle libérée ? N’est-ce pas en chassant les
puissances qui les occupaient ? Cela fait dix ans que nous
essayons de négocier : pour quel résultat ? Le résultat,
n’est-ce pas l’inconnu ? Le résultat, n’est-ce pas le
vide ? Qu’est-ce que l’Autorité palestinienne a récolté ?
Qu’est-ce que le peuple palestinien a récolté ? Rien,
sinon des malheurs, la destruction, le recul de la cause
palestinienne pour des lustres… On ne peut pas continuer à
faire ce genre d’expérience vouée à l’échec ni accepter
une occupation qui s’incruste, qui continue à tuer, à
massacrer, à perpétrer la terreur contre le peuple palestinien.
Nous disons que le Hamas est un mouvement ouvert, prêt au
dialogue avec qui le souhaite à la lumière des intérêts supérieurs
du peuple palestinien. Mais un dialogue avec l’occupation
sioniste, c’est un dialogue qui a échoué, bien qu’il ait été
tenté sur la base des plus grandes concessions de notre part, en
échange de rien du tout, du côté israélien.
S.C.
- De savoir que les dirigeants des pays démocratiques
ont systématiquement refusé de sanctionner Israël qui viole les
Conventions de Genève - démolitions de maisons, exécutions
sommaires, arrestations arbitraires, assassinats d’enfants - et
aussi de savoir que les associations en faveur de la Palestine ont
collaboré avec l’Autorité palestinienne qui était un système
corrompu et répressif, vous choque-t-il ? Ne pensez-vous pas
que votre meilleure arme est de mieux expliquer à l’opinion
internationale quel type de soutien les Palestiniens sous
occupation militaire attendent ?
Moshir
al-Masri : Oui, cela me choque. Effectivement, nous
avons besoin d’une vaste campagne médiatique. Mais il est évident
que les sionistes, leurs séides et leurs amis possèdent des
moyens d’information extrêmement puissants qui écrasent les nôtres.
Israël a violé la quasi totalité des résolutions du Conseil de
sécurité de l’Onu, ainsi que toutes les Conventions de Genève,
en perpétrant les pires crimes terroristes contre notre peuple :
destruction de maisons, de terres agricoles, assassinat délibéré
d’enfants innocents et, cela, sans qu’il ne juge le moindre
soldat responsable de ces assassinats, notamment d’enfants,
comme celui du jeune Muhammad Al-Durra, auquel le monde entier a
assisté : on l’a vu crier, supplier. En vain. Le résultat ?
Le soldat responsable d’avoir tué délibérément a été
emprisonné pendant un mois à peine. Cela équivalait purement et
simplement à se gausser du sang palestinien répandu. Oui ;
il nous faut dénoncer toutes ces exactions israéliennes, toutes
les violations israéliennes des résolutions du Conseil de sécurité,
et aussi celles des Conventions de Genève. Nous avons besoin des
efforts des journalistes européennes et européens, des juristes,
de toutes les personnes et instances porteuses du sens du mot
« humanité », qui comprennent ce que l’occupation
signifie et qui connaissent l’horreur du crime et du terrorisme
sionistes à l’encontre de notre peuple, afin qu’ils fassent
comprendre au monde, autant qu’il leur est possible, quelle est
la véritable situation. Nous savons qu’il existe une connivence
entre les régimes politiques européens et l’ennemi israélien,
mais nous savons aussi qu’il y a chez vous, en Europe, des gens
qui défendent les valeurs humaines, et nous leur serrons
fraternellement la main, en les priant de multiplier les contacts
avec nous.
S.C.
- Autrement dit, Israël aura le beau rôle aussi
longtemps que l’opinion n’aura pas compris que la racine de ce
conflit ce n’est pas la religion mais la lutte d’un peuple
pour garder sa terre, et aussi l’expulsion des trois quarts des
Palestiniens, en 1948, pour installer, à leur place, des gens de
confession juive venus de partout. Tant que ce déni de
l’histoire perdure il est facile à Israël de renverser les
responsabilités et d’accuser de terrorisme ceux qui relèvent
la tête. Si vous obtenez une majorité aux élections législatives,
êtes-vous prêts à rencontrer les responsables politiques européens
pour leur rappeler que le point central du conflit est
l’expropriation et l’épuration ethnique des Palestiniens par
Israël ? Et de façon plus générale, que pensez-vous faire ?
Moshir
al-Masri : Si nous remportons la majorité lors des
élections législatives, nous aviserons. Mais, sur le plan du
dialogue avec l’Europe et les États-Unis, le Hamas n’a
d’hostilité envers personne, et nous sommes prêts à dialoguer
avec qui voudra dialoguer avec nous. Nous avons dialogué avec
l’Europe, notamment avec des parlementaires européens, et nous
avons instauré un dialogue avec des universitaires américains,
à Beyrouth (mais il ne s’agit pas de personnes détentrices
d’un quelconque pouvoir exécutif aux États-Unis). Le Hamas est
un mouvement ouvert à tous, et certainement pas un mouvement
rigoriste, ni un mouvement complexé. Bien entendu, le Hamas est
un mouvement porteur d’un projet islamique, qui veut que tout le
monde vive en liberté et dans la dignité, et donc que notre
peuple vive libre et dans la dignité. Ce que nous demandons au
monde, c’est de ne pas s’aligner, de ne pas persister dans son
alignement patent, meurtrier et provocateur sur l’ennemi
sioniste, au prix des intérêts nationaux du peuple palestinien.
Nous sommes prêts à dialoguer avec tout partenaire, mis à part
Israël, qui perpétue l’occupation et l’agression contre
notre peuple palestinien, afin d’expliciter ce qui doit et peut
l’être et de mettre tout un chacun au courant de ce qui se
passe sur la scène palestinienne, et aussi afin de rappeler à
nos partenaires que le problème, c’est l’occupation et
l’agression, et en aucun cas notre peuple ni sa résistance légitime.
Le problème est du côté de ceux qui sont venus chasser notre
peuple de chez lui et en occuper les terres. Par conséquent, nous
sommes persuadés que le monde libre doit s’efforcer de faire en
sorte que le peuple palestinien vive libre, dignement, comme il
vit lui-même.
Nous vous remercions tous.
Traduit de l’arabe en français par Marcel Charbonnier et
Ahmed Manai, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour
la diversité linguistique. (transtlaxcala@yahoo.com). Cette
traduction est en Copyleft