18
mai 2006.
La
population palestinienne vit des heures très sombres. La voix que
vous entendez ici est celle d'un jeune boulanger palestinien qui a
voté pour le Hamas, lors des récentes élections, en espérant que
celui-ci parvienne à alléger la souffrance de son peuple. Nous
pensons que ce témoignage reflète de manière sincère ce que
ressent une large partie de la population de Gaza. Ce qu'il dit doit
être dur à entendre pour tous ceux qui, en Occident, ont toujours
refusé de collaborer avec le mouvement de résistance incarné par
le Hamas et le Djihad, et ont choisi d'apporter leur soutien
politique et financier à l'Autorité palestinienne dirigée pas les
membres du Fatah, qui ont, durant des années, il faut bien le dire,
collaboré avec l'occupant. Mais il y a des moments tragiques où il
faut avoir le courage de reconnaître ses erreurs.
SC
Silvia
Cattori : Mahmoud Abbas a qualifié le récent déploiement d'une
force de sécurité dans les rues de Gaza par le Hamas,
d'anticonstitutionnel. N'est-ce pas là un périlleux face à face ?
Hicham :
La situation est très mauvaise. Tous les habitants de Gaza sont très
inquiets. Ils ont peur qu'une guerre civile généralisée ne les
jette les uns contre les autres. Le gouvernement du Hamas se devait
de se doter d'un service de sécurité qui soit sous son contrôle.
Il ne pouvait continuer de rester passif face au refus de Mahmoud
Abbas de coopérer avec son gouvernement. Dans quel pays démocratique
prive-t-on le gouvernement de se doter d'un service de sécurité et
laisse-t-on le parti qui a perdu les élections tirer sur les
autorités que le peuple vient d'élire ? La mise en place d'une
force de sécurité sous la direction du nouveau gouvernement a été
bien ressentie par la population. Mais l'inquiétude grandit. Car,
on s'attend à ce que les forces de sécurité qui sont sous les
ordres du Fatah continuent de créer des troubles pour déstabiliser
la situation et provoquer une guerre civile que le Hamas a,
jusqu'ici, tout fait pour éviter. Face à toutes les provocations
physiques et verbales du Fatah, il s'est montré très patient, très
discipliné, très responsable. Il faut comprendre que ces
provocations font partie d'un plan soutenu financièrement par les
Etats-Unis. Souvenez-vous qu'en 2005 ils ont versé 50 millions de
dollars pour former et armer cette force de sécurité qui
aujourd'hui combat les membres du Hamas. Ils saississent toute
occasion pour créer des incidents. La tension c'est accrue depuis
que le gouvernement Hamas a déployé dans les rues de Gaza une
force de sécurité composée de 2600 hommes appartenant au Hamas et
400 hommes appartenant à diverses autres composantes.
S.C.-
Quel est le nombre des forces de sécurité qui sont toujours sous
la direction de Mahmoud Abbas ?
Hicham :
5000 hommes environs bien armés, fraichement entrainés par la CIA
; ils dépendent du Ministre Rachida Bouskaf, un personnage corrompu
et détesté, tout comme Mohamed Dahlan.
S.C.-
N'est-ce pas une stratégie suicidaire la leur ?
Hicham :
Leur but est de créer un état de chaos. Ils sont prêts à tout
pour ne pas perdre leurs privilèges et s'activent pour tenter de
tirer le Hamas vers une guerre civile. C'est sur eux que Mahmoud
Abbas pense compter pour ensuite pouvoir dire au monde : « Voilà où
nous a mené le Hamas depuis qu'il est arrivé au pouvoir ». Tout
cela est clair pour nous. Nous espérons que le monde comprenne
cette fois où sont les vrais fauteurs de troubles. Au lieu de nous
aider à combattre Israël et à contrer sa propagande, le Fatah
nous fragilise. Je considère qu'il est directement responsable du
sang qui coule en ce moment. Il a tout fait pour délégitimer le
Hamas nouvellement élu. Imaginez ce que serait une guerre civile,
ici dans la bande de Gaza, sur ce bout de terre minuscule et
surpeuplé, long d'à peine 40 kilomètres d'une largeur de 5 à 12
kilomètres, au maximum, au sud. S'activer pour faire éclater une
guerre civile ici, dans le but de retourner le peuple contre le
Hamas, est une faute criminelle de la part du Fatah.
S.C.-
Mahmoud Abbas contribue-t-il donc à mettre de l'huile sur le feu
par son comportement méprisant vis-à-vis du choix électoral qu'à
fait son peuple ?
Hicham :
Il se conduit comme un chef de gang. Honte à lui et à ses amis du
Fatah qui en ce moment collaborent ouvertement avec nos ennemis,
Israël et les Etats-Unis, pour saboter le gouvernement du Hamas et
l'empêcher de réussir. Je vous donne un exemple qui démontre que
le Hamas ne pouvait plus laisser les choses en l'état. Chaque fois
que le Ministre de l'Intérieur Saïd Siyam demandait au service de
sécurité dirigés par Mahmoud Abbas, d'envoyer une patrouille libérer
des kidnappés à tel endroit, il s'entendait répondre qu'ils ne
pouvaient rien faire, qu'ils n'avaient pas d'essence. Or, on se
moquait de lui. Ils étaient toujours en train de circuler dans les
rues comme ça, de manière agressive ; mais quand le gouvernement
du Hamas leur demandait d'aller secourir des gens, ils refusaient.
Le gouvernement du Hamas ne pouvait pas continuer de subir ce genre
de provocations et rester démuni de toute défense et autorité.
S.C.-
Comment les Palestiniens supportent-ils de se voir
pareillement maltraités ?
Hicham :
Les gens qui sont derrière tous ces blocages sont connus de nous
tous. Mais malheureusement, je pense que le gouvernement du Hamas ne
peut pas les arrêter car il veut éviter de rendre la situation
encore plus explosive. Les gens du Hamas se tiennent à des
principes. Ils sont soucieux de ne pas prêter le flanc à des
incidents inter-palestiniens. Ils considèrent que le sang
palestinien est sacré, et aussi qu'il ne faut pas condamner les
saboteurs, en dehors de la loi. Ces saboteurs sont hors la loi. Mais
si le Hamas devait les toucher, il y aurait une explosion. C'est
justement ce qu'ils attendent. Le Hamas fait tout ce qu'il peut pour
empêcher une guerre civile. Il sait très bien que s'il devait les
désigner pour ce qu'ils sont, des traitres, la situation ne peut
que s'aggraver. Donc il attend que les choses finissent par
s'arranger, par le dialogue, autour d'une table.
S.C.-
Mahmoud Abbas dans sa tournée en Europe a réaffirmé qu'il est
l'unique représentant légitime du peuple palestinien ; il a insisté
pour que les Etats ne donnent pas d'argent au Hamas. Qu'espère-t-il
?
Hicham :
Vous savez, le but de Mahmoud Abbas est clair pour nous. Si sa
campagne de déstabilisation contre le Hamas, devait parvenir à le
faire tomber, je suis persuadé qu'il n'y aurait jamais plus un
autre gouvernement. Le Hamas a été porté au pouvoir par le
peuple. Si le Fatah continue d'empêcher le Hamas de gouverner, il y
aura, soit une guerre entre nous, soit une guerre contre Israël.
C'est cette dernière que je préfère, car ce sont eux qui occupent
notre terre, ce sont eux qui nous ont jetés dans ce gâchis.
S.C. -
Allez-vous pouvoir rester en bonne santé mentale et physique avec
tout ce que vous subissez d'horreurs ?
Hicham :
La situation financière est très mauvaise. Si vous allez au marché,
qui en d'autres temps était noir de monde, il n'y a personne ! Vous
pourriez croire que nous sommes sous couvre-feu. Il y a des gens qui
ne peuvent plus aller travailler car ils n'ont pas d'argent pour
payer les moyens de transport. Les pays arabes cherchent eux aussi
à nous déstabiliser. Ils disent on va donner, on va envoyer de
l'argent. Or ils n'osent pas verser l'argent qu'ils ont promis car
ils n'osent pas défier les Etats-Unis.
S.C.-
Comment la population réagit-elle face à tous ceux qui refusent
d'accepter la victoire du Hamas ? S'est-elle radicalisée ? Ou
flotte-t-elle sans cerner les enjeux ?
Hicham :
Une partie de la population est en train de flotter. Il y a environs
25 % de gens qui soutiennent le Fatah ; une minorité de gens peu éduqués
qui sont eux confus, donc facilement manipulables par ceux qui répandent
des fausses informations. C'est par la désinformation que le Fatah
espère gagner l'opinion. Toutefois, les gens qui comprennent ce qui
se trame et soutiennent le Hamas sont la grande majorité.
S.C.-
Peut-on gouverner un peuple qui est encore sous occupation ? Le
Hamas ne devrait-il pas dissoudre cette Autorité voulue par Arafat
et qui en l'état parait être une absurdité ?
Hicham :
Cette autorité n'était pas le choix du Hamas. C'est une autorité
issue des accords d'Oslo qui ont amené le Fatah à sa perte et à
des conséquences catastrophiques pour nous. Les gens du Hamas ne
voulaient pas le pouvoir. Ils pensaient être plus efficaces dans
l'opposition. Ils ont gagné les élections malgré eux. Le peuple
les a plébiscités. Depuis, ils appellent le Fatah et toutes les
forces à s'unir en un front commun. C'est un grand défi pour les
dirigeants du Hamas. J'espère qu'ils arriveront à surmonter les
obstacles et à unifier toutes les forces loyales.
S.C.- Que
dites-vous aux représentations de l'OLP dehors, qui depuis quatre
mois continuent de se présenter comme vos portes paroles légitimes
?
Hicham :
Je leur dis qu'ils doivent avoir honte de se répandre en mensonges,
honte de continuer de lutter contre notre volonté, pendant que leur
peuple souffre atrocement. Je leur dis que l'OLP ne représente plus
qu'une infime minorité du peuple, même pas un quart, et qu'ils
n'ont aucune légitimité à parler en notre nom. Les membres du
Hamas et du Djihad n'appartiennent pas à l'OLP. Or, il faut savoir
que leurs forces sur le terrain représentent les trois quarts des
Palestiniens : 65 % pour le Hamas et 10 % pour le Djihad. Ce qui
veut dire que 75 % des Palestiniens sont en dehors de l'OLP. Je leur
dis qu'ils doivent avoir la décence de se mettre autour d'une
table, comme le gouvernement Hamas les y invite, pour réformer
cette structure de l'OLP qui n'a plus de légitimité en l'état
actuel. Ne pas vouloir réorganiser l'OLP est une erreur
impardonnable de leur part. L'OLP n'a plus de réelle représentativité.
Elle incarnait jusqu'ici uniquement l'Autorité issue d'Oslo que le
peuple a refusé en sa majorité. L'OLP ne représente donc que le
Fatah, le FPLP et quelques autres petites forces. Déjà avant
l'arrivée du Hamas, l'Autorité palestinienne se confondait avec
l'OLP. C'était une Autorité mise en place par les Etats-Unis et
non pas issue de la volonté du peuple. Il n'y avait pour nous plus
aucune différence entre l'OLP et l'Autorité palestinienne. C'est
pour cela que je ne n'aurai jamais de mots assez durs envers ceux
qui se revendiquent de l'OLP pour parler en notre nom. J'accuse les
représentants de l'OLP, d'avoir participé avec le Fatah à
compliquer notre cause et à trahir le mouvement national.
S.C.-
Alors eut-il fallu qu'il n'y ait jamais d'Autorité du tout, mais un
front de résistance uni qui se battrait jusqu'a ce que l'occupant
ne se retire ? Le Hamas n‘est-il pas arrivé, par ces élections,
à occuper lui aussi, une position intenable ?
Hicham :
Jamais le Hamas ne se laissera plier et pousser à des
compromissions. Jamais ses dirigeants n'accepteront de négocier
avec Israël, si celui-ci ne reconnait pas les droits du peuple
palestinien à exister et à revenir sur ses terres. C'est ce qui
différencie le Hamas du Fatah. Ce parti a cédé à tous les
chantages d'Israël et de l'Occident ! Il est même allé jusqu'à
changer la Charte de l'OLP.
S.C. - Si
vous deviez faire un pronostic aujourd'hui, le Hamas, malgré les
difficultés, pourra-t-il répondre aux attentes de son peuple ?
Hicham :
Vous savez, ici la population a une grande confiance dans les
membres du Hamas. Ils sont courageux. Ils ont la force et la volonté
dès gens qui ont la foi. Nous les avons vus toutes ces années œuvrer
pour aider le peuple que l'Autorité précédente, qui avait
l'argent mais le détournait, laissait à l'abandon. Même si une
partie du peuple palestinien ne comprend pas ce qui se passe et peut
se laisser berner par leurs mensonges, moi j'ai confiance en eux.
S.C.-
Dans l'immédiat, les forces de sécurité fidèles au Fatah, sont
bien là, décidées, semble-t-il, à ne pas laisser le Hamas
gouverner. Comment pouvez-vous continuer de survivre sous la menace
? Déjà les morts et les blessés, provoqués par les incidents
inter-palestiniens, ne se comptent plus.
Hicham :
Leur menace ne date pas d'aujourd'hui. Elle n'est rien de nouveau
pour nous. Ces forces dites de « sécurité préventive » nous les
avons subies, dès leur création par Arafat en 1994. Le peuple
palestinien ne les a jamais considérées comme une protection, ni
comme une défense face aux attaques israéliennes. Elles arrêtaient
les membres du Hamas, du Djihad. Elles torturaient les prisonniers
palestiniens. Donc nous les subissons depuis longtemps.
S.C.-
Pourquoi n'avez-vous jamais dénoncé les abus de l'Autorité
palestinienne haut et fort, auparavant ?
Hicham :
Parce que nous dévions nous concentrer sur notre ennemi : Israël.
Nous sommes entourés d'espions qui travaillent pour les services
secrets d'Israël et d'espions qui travaillent pour les services
secrets de Mohamed Dahlan. Nous vivons ici. Nous devons cacher nos
opinions, ne rien risquer. Le contexte est pénible. Nous devons
faire attention à ne pas ajouter d'autres difficultés à notre
quotidien. Ce qui a changé actuellement est que les menaces que
font peser les forces de sécurité manipulées par le Fatah, sont
devenues plus lourdes que les menaces déjà imposées par Israël.
Car, si Israéliens nous attaquent ils visent des objectifs précis.
Mais si les forces du Fatah nous attaquent, ce sont nos frères qui
peuvent tirer à tout moment sur chacun de nous. Et cela est
terrible à supporter. Cela peut arriver dans une heure, tout de
suite. On doit se méfier de chacun. C'est une tension qui est là
et que l'on redoute, on ne sait plus sur qui cela peut tomber. On a
peur de sortir de chez soi. Ils sont là dans nos murs, ils sont là
dans nos rues ; ils circulent avec des jeeps pleines de soldats armés.
Ils kidnappent des gens. C'est ce tout qui a forcé le Hamas à se
munir de sa propre sécurité pour tenter de nous protéger.
S.C.- Ne
croyez-vous pas, comme Mahmoud Abbas l'a pronostiqué, que le Hamas,
finira par tomber ?
Hicham :
Ces gens du Fatah qui ont pillé le peuple palestinien, croient
maintenant qu'ils peuvent réussir à pousser les autorités du
Hamas à démissionner. Jamais ils ne réussiront. Cela fait des
mois que les membres du Fatah provoquent les gens du Hamas. Le but
de ces saboteurs à la solde de la CIA, est de nous pousser à la
guerre entre frères et de nous faire oublier que notre véritable
ennemi est Israël. Ils devront répondre de leurs actes tôt ou
tard. Ils ne réussiront pas à nous faire croire que c'est le Hamas
qui jette de l'huile sur le feu.
Copyright
Silvia Cattori@yahoo.it
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