16
août 2005
Être humain c’est être
présent à l’instant même où l’on sait que des humains, quels
qu’ils soient, sont sauvagement violentés par plus forts
qu’eux. Or tout le monde ne l’entend pas de cette oreille.
Il y a, dans toutes
sortes d’arènes médiatico-politiques - en France surtout - une
« intelligentsia » fondamentalement anti-arabe et
anti-musulmane, qui a toute latitude de monopoliser la parole et
dont les prises de positions imposent une lecture biaisée de
l’horrifiante réalité au Moyen-Orient et en Afghanistan. Son
influence - qui s’étend par cercles concentriques, parfois bien
au-delà de l’Hexagone - pèse d’un poids décisif dans
l’orientation de l’opinion et les décisions politiques.
Ainsi, quelques
propagandistes, sans problèmes de conscience ni considération
humaine, quand il s’agit de déformer les faits dans le sens de
leurs objectifs, peuvent - au détriment d’une réflexion équilibrée
- donner une vision tronquée et mensongère, dicter une manière de
voir et d’exclure à « l’israélienne », instruire
des procès contre ceux qui défendent des thèses opposées.
Ils sont bien connus du
public. En France, ils sont de toutes les tribunes culturelles et
politiques. Ils s’appellent, notamment, Alain Finkielkraut,
Alexandre Adler, Bernard-Henri Lévy, André Glucksmann. (1)
Ils ne sont, a priori, ni de droite ni de gauche. Ils sont centrés
sur leur cause : la défense d’Israël et l’éradication de
ceux qu’ils qualifient « d’antisémites ».
Ils s’émeuvent quand
il y a des victimes en Israël mais se refusent à toute
compassion quand les victimes sont arabes. (2) Et, lorsque leur
parti pris communautariste est mis en question, ils se prévalent du
poids de la Shoah, invoquent la « judéophobie»,
ce qui met automatiquement leurs contradicteurs dans la position de
coupables.
Or, il n’y a pas dans
nos sociétés, de « haine du juif » comme ils
l’affirment à cor et à cris. « Il
est plus que temps de le dire, à haute et intelligible voix :
de toute l’histoire juive (…) il n’y a jamais eu d’époque
aussi dénuée d’antisémitisme que la nôtre. Jamais les juifs
n’ont connu période plus favorable que la période actuelle. »
Ran Ha Cohen ne pouvait mieux dire !(3)
Par contre, ce qui est
palpable, réel et difficile à tolérer, c’est la haine et la méfiance
à l’égard des Arabes et des musulmans. Haine et méfiance qui
s’expriment à toute occasion. Comme lors de la visite à Paris du
Premier ministre Ariel Sharon, où celui-ci a pu déclarer
publiquement sans susciter de réaction : « Ma
mère m'a donné un conseil, qui fut un phare tout au long de ma
vie. Ma mère me disait (…) ne crois absolument pas les
Arabes". Effectivement, j'ai suivi ce conseil tout au long de
ma vie active. » (4) Propos raciste s’il en est,
de surcroit prononcé dans un pays qui proclame lutter contre le
racisme et les discriminations raciales. Imaginez quelle tempête
aurait provoqué un chef d’Etat arabe, et a fortiori européen,
qui se serait permis de déclarer que sa mère
« lui avait toujours conseillé de ne jamais croire les juifs» !
N’y a-t-il pas dans une
démocratie – du moins telle qu’on nous la chante - un code
moral, une éthique, des exigences de probité et d’intégrité
auxquels aucune situation politique, n’autorise à déroger ?
La guerre d’Israël
contre les Palestiniens dure depuis plus d’un demi-siècle. Si
Israël respectait la légalité, se retirait des territoires
qu’il colonise, se soumettait aux résolutions de l’ONU, il
serait possible d’instaurer la paix rapidement. Or, Israël veut
gagner du temps et du terrain, par la continuation de la guerre.
Dès 2000 – moment où
Israël a considérablement durci sa politique de coercition - il y
a eu une large prise de conscience de l’opinion sur le caractère
brutal de sa politique d’apartheid. Ici, nos propagandistes inféodés
à Israël ont immédiatement senti le danger et organisé la
contre-attaque.
Ne pouvant argumenter sur
le plan du droit, ils ont tout de suite cherché à sauver les
meubles, et à masquer des décennies de crimes et de tromperies
historiques et politiques, en pointant du doigt le port du voile,
l’Islam, le « fanatisme arabe », donnant ainsi corps
et vie à la théorie du prétendu « choc de civilisations »,
chère à Tel Aviv et Washington. Théorie, qui ne sert qu’à
justifier des guerres impitoyables dont l’Etat d’Israël est le
premier bénéficiaire.
Tandis que, lavés du
sang arabe qu’ils ont sur les mains, Barak, Peres, Sharon, ont été
successivement présentés comme « des hommes de paix »,
les jeunes Arabes qui brûlent le drapeau israélien pour protester
contre les tueries de Palestiniens et parce qu’ils croient au
droit de leurs peuples à décider de leur destin, sont eux, désignés
à la vindicte. Il n’est bien sûr pas question pour cette
intelligentsia d’établir un lien entre les actes de vengeance
d’humiliés - qu’elle appelle « terroristes »
- et la violence des armées étatiques qui les poussent aux extrêmes.
En novembre 1967, lors
d’une conférence de presse, le Général de Gaulle prenait acte
de l’occupation armée israélienne de territoires arabes et prévoyait
en substance : « Cette
occupation provoquera une réaction de résistance naturelle que les
forces d’occupation ne parviendront pas à juguler et qu’ils
qualifieront de terrorisme ». C’était il y a 38
ans.
Faut-il vraiment s’étonner
que des jeunes gens, jetés au désespoir par l’enfer et les
souffrances générées par ces guerres injustes, finissent par se
faire exploser ? N’est-ce pas ce que les propagandistes, payés
pour jeter de l’huile sur le feu, ont insidieusement cherché ?
Ce ne sont ni les
« antisémites » imaginaires, ni les « terroristes »
musulmans, qui « menacent
les juifs ». Ce sont les armées de Sharon, Bush,
Blair, qui terrorisent et ensanglantent la terre entière.
Le jour où, partout dans
le monde, les propagandistes inféodés à Israël cesseront de dénaturer
la vérité et de qualifier de « terrorisme » toute
forme de résistance à l’oppression coloniale, le jour où Israël
ne disposera plus ni du soutien de Washington, ni de la
bienveillance des états et des médias occidentaux, et qu’il aura
l’humilité de reconnaître ses torts vis-à-vis des Palestiniens,
ce jour là, il n’y aura plus de raisons pour les Arabes, les
musulmans, ni pour quiconque, de se révolter. Mais jusque là, hélas,
le monde va continuer de vivre dans la violence et la peine.
Jusqu’à quel point ces
jusqu’au-boutistes en parfait accord avec la politique sioniste
n’ont-ils pas contribué, par leurs thèses partisanes, à
manipuler l’opinion en faveur d’une idéologie contraire aux
lois internationales, et à favoriser des guerres illégales qui ont
conduit au cauchemar auquel nous sommes présentement confrontés ?
Pourtant, le fait qu’Israël
se soit défini comme « Etat
juif » ne devrait pas conduire automatiquement les
Français nés dans des familles juives, à se sentir solidaires de
sa politique. Pas plus que les Français nés dans des familles chrétiennes
ne se sont crus obligés de soutenir des dictateurs catholiques en
Argentine, au Chili, etc. « Juif » n’est pas une race,
n’est pas une ethnie, n’est pas une nationalité (en dehors d’Israël).
Cela se rapporte à une religion. A la sphère privée. Un citoyen
suisse ou français de confession juive n’est en rien différent,
aux yeux des non-juifs, d’un citoyen suisse ou français, de
confession catholique, protestante ou musulmane.
Qui a intérêt à
orchestrer des campagnes de mise au ban de la société de tel ou
tel contradicteur, sous prétexte « d’outrance
anti-juive », de « négationnisme »,
de « révisionnisme ?»
Mais d’abord, qui sont les négationnistes par excellence ?
Ceux qui défendent le droit des Palestiniens à exister sur leur
terre ou ceux qui leur nient un droit de retour, (5) qui nient la
politique meurtrière d’apartheid et d’épuration ethnique d’Israël,
et qui font l’impasse sur les persécutions et les assassinats qui
endeuillent chaque jour des familles en Palestine, en Afghanistan,
en Irak ?(6)
Ce n’est un secret pour
personne. L’épouvantail de « l’antisémitisme » et
le rappel incessant de l’Holocauste servent à jeter le voile sur
les crimes perpétrés par un Etat qui s’est construit sur des
biens volés et l’épuration ethnique des Palestiniens, commencée
en 1948, toujours en cours. Leur sort terrifiant nous touche en
permanence.
Innocenter un Etat qui
pratique la discrimination raciale, qui ne connaît que la force des
armes et la brutalité, qui contrevient à toutes les lois
humanitaires, qui refuse de se conformer aux principes fondamentaux
de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme, ce n’est pas une posture acceptable.
Les médias qui ont fait
le renom et les succès d’édition de ces soit disant « philosophes »
ont joué avec le feu. On est en droit de leur demander des comptes !
De quel magistère moral
peuvent bien se prévaloir les Alain Finkielkraut, Alexandre Adler,
Bernard-Henri Lévy, Bernard Kouchner, André Glucksmann, pour
décider de ce qui peut être dit et pas dit et, plus grave,
ostraciser tous ceux qui refusent de voir le monde à travers leurs
lunettes partisanes ? Quelle qualification ont-ils pour
s’attribuer le pouvoir de juger et de condamner ? La liberté
d’expression ne peut-elle donc s’exercer qu’en Israël ou
des intellectuels, tel Ilan Pappe, Gilad Atzmon et Israël Shamir, peuvent,
sans se brider, dénoncer sévèrement la politique inique de leur
pays?
Quand vous demandez à
ceux qui, ces vingt-cinq dernières années, ont été victimes de
cabales : « Qui était à l’origine des calomnies qui
vous ont détruit, mis au ban de la société ? », les
personnages constamment cités comme s’étant particulièrement
acharnés à les diffamer publiquement et à les détruire, sont :
André Glucksmann, Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut.
Comment lutter contre
leurs manipulations, rétablir un semblant de vérité ? Ceux
qui - comme l’humoriste Dieudonné ou l’intellectuel Tariq
Ramadan - ont osé le tenter, l’ont chèrement payé. (7)
Néanmoins, même si leur
emprise sur l’opinion a pu retarder une indispensable prise de
conscience, ils n’ont pas pu totalement empêcher les gens de s’émanciper,
de penser par eux-mêmes, ni de se tourner vers les médias
alternatifs. (8)
Le récent sondage, qui a
révélé qu’une majorité d’Européens
considéraient Israël et
les Etats-Unis comme les principaux dangers pour la paix du monde,
l’a bien montré. Le mythe de « l’unique démocratie du
Moyen-Orient » et du bon soldat de Tsahal, se noie
aujourd’hui dans le sang. C’est précisément, cette prise de
conscience qui inquiète les thuriféraires d’Israël et les
pousse à hausser encore le ton !
C’est pourquoi, il ne
faut pas avoir peur de dire que les sketches de l’humoriste
Dieudonné, les aphorismes décapants d’un Alain Soral,
l’argumentation d’intellectuels comme Tariq Ramadan, la pensée
complexe de sociologues comme Edgar Morin, l’information de
journalistes intègres comme Charles Enderlin (9) et Alain Ménargues,(10)
toutes ces voix que l’on veut faire taire, sont des voix irremplaçables !
Des voix qu’ils convient de protéger vigoureusement, car elles
peuvent contribuer à contrebalancer quelque peu le discours
partisan d’intellectuels au service d’une idéologie raciste et
à rétablir un certain équilibre des points de vues exprimés.
Nous devons avoir présent
à l’esprit que la bataille pour rendre justice aux opprimés en
Palestine et en Irak se joue d’abord ici, chez nous : sans
une forte pression de l’opinion internationale sur Israël et les
Etats-Unis, il n’y a pas d’espoir que ces peuples puissent
jamais obtenir réparation et reconnaissance de leurs droits.
Soutenir ces guerres
porteuses de malheurs revient à étouffer le cri de tous les
peuples qui en sont les victimes. Cela nous ne pouvons pas
humainement et moralement l’accepter.
Ceux qui sont engagés
dans ce combat, avec bonté, avec compassion, avec amour, doivent
savoir qu’ils ne sont pas nombreux. Et que, s’élever contre les
propagandistes qui brandissent l’anathème de « l’antisémitisme »
et du « négationnisme »,
pour prendre publiquement la défense de ceux qui sont injustement
vilipendés, est une urgence.
(1)
Désignés « nouveaux philosophes » par Laure
Adler : « Ce qui a permis de vendre des livres, qui était
le but de l’opération » avouait cyniquement Françoise
Verny ; qualifiés par la suite de « nouveaux chiens de
garde » (Serge Halimi), de « philosophes à la pensée
nulle » (Gilles Deleuze), de « nouveaux imposteurs »,
de « nouveaux réactionnaires », etc, ils n’en ont pas
moins abusé de la bonne foi de générations de lecteurs.
(2)
Ils ne se sont jamais exprimés quant au sort terrifiant
infligés aux Arabes et aux Musulmans victimes de sévices barbares,
à Abu Graib, à Guantanamo et en Israël.
(3)
Voir site : www.Antiwar.com
(4)
Ces propos ont été tenus le 28 juillet 20005 à Paris en présence
de la « communauté juive ».
(5)
La population de réfugiés palestiniens est la plus grande
du monde. En 2005, d’après les statistiques de l’UNRWA,
ils se répartissaient ainsi : 4, 2 millions. Dont 1,7 en Jordanie ;
861 645 dans la bande de Gaza ; 687 542 en Cisjordanie ;
424 650 en Syrie ; 400 582 au Liban.
(6)
Quand G.W.Bush menaçait d’intervenir en Afghanistan, on a
entendu sur Arte B-H. Lévy et A. Adler, proclamer leur entier
soutien à la guerre qui allait « libérer les femmes
musulmanes de la burka».
(7)
Voir sur Ramadan : http://www.politis.fr/article716.html
Voir sur Dieudonné http://www.oulala.net/Portail/article.php3?id_article=1828
(8)
Internet est devenu le canal d’information le plus prisé
des lecteurs qui veulent avoir accès à une information indépendante,
à l’abri de toute censure ou autocensure.
(9)
Charles Enderlin est depuis 2001 diffamé - notamment par
Alain Finkielkraut et le mensuel du judaïsme français « L’Arche »,
- pour avoir attribué à l’armée israélienne l’assassinat de
l’enfant Mohammed Al Dura.
(10)
Alain Ménargues a été injustement licencié de son poste
de vice-directeur de RFI peu après la publication de son livre :
Le mur de Sharon. Paris, Presse de la Renaissance,
2004.
**Silvia Cattori - de
nationalité Suisse et de langue maternelle italienne – a fait des
études de journalisme à l’Université de Fribourg, avant
s’expatrier et d’évoluer dans le monde des fonctionnaires
internationaux et de la diplomatie. Elle se consacrait depuis
quelques années à des activités littéraires quand, en 2002, lors
de l’effroyable opération israélienne « Boucliers de
protection », elle a décidé d’aller en Palestine. Choquée
par ce qu’elle y à découvert, elle se consacre depuis, à
attirer l’attention du monde sur la gravité des violations
commises par l’Etat d’Israël contre une population sans défense.
Nota bene. Cet article
est en Copyleft. Tout site, ou forum, qui entend le diffuser et le
mettre en ligne, doit d'abord en demander l'autorisation à son
auteur : silviacattori@yahoo.it
Et après autorisation,
mentionner la source et la date de diffusion originale.
|