3
avril 2006.
S.C.- :
Qu’est-ce qui vous fait le plus souffrir en ce moment à Gaza ?
Ce dont l’on
souffre le plus est le bruit des tirs de canons et des bombes
assourdissantes qui explosent toute la nuit et aussi toute la journée
dans cette partie qu’Israël appelle »No go zone »,
située au nord de Betlaya, à l’Est de Gaza.
S.C.-
Les nouvelles autorités font-elles appel à l’Europe, chaque fois
que vous subissez des agressions, pour exiger d’Israël qu’il
cesse de vous meurtrir ?
Nos autorités ont
déjà fait des milliers d’appels à la communauté
internationale, aux Etats-Unis, à l’Europe ; en vain. Et
maintenant que l’on est qualifié comme peuple « terroriste »
pour avoir voté en faveur du Hamas, personne ne voudra plus même
parler avec nous. Nous voilà punis parce que nous avons choisi d’élire,
démocratiquement, un gouvernement qu’ils qualifient « de
terroriste ».
S.C.-
Comment la population vit-elle cette punition ? Finira-t-elle,
à la longue, par se retourner contre ces autorités que le monde
veut isoler ?
Non je ne crois
pas. Jamais. Jamais.
S.C.-
Que s’est-il passé exactement vendredi 31 mars à Gaza ?
Une voiture piégée
a explosé au moment où le véhicule d’Abou Youssef Al Qouqa, le
chef des brigades Salah Ed Deen, passait. Son assassinat a été
suivi de graves incidents.
S.C.-
Ce n’était donc pas une attaque aérienne israélienne ?
Cet assassinat
s’est déroulé de la même façon que l’assassinat d’un chef
du Djihad, il y a deux mois.
S.C.-
S’agit-il alors d’un assassinat combiné entre services israéliens
et services palestiniens ? Si oui, les militants désignés par Israël,
sont-ils maintenant doublement menacés ?
Exactement !
Nous, comme peuple, nous ne sommes pas directement visés par ces
assassinats. Mais les leaders du Hamas ou du Djihad recherchés par
Israël, eux, sont vraiment plus que jamais menacés.
S.C.-
Menacés de l’intérieur ?
Menacés par Israël,
mais malheureusement avec la collaboration de Palestiniens?
S.C.-
Ces collaborateurs
ont-ils un nom ?
Après
l’assassinat de leur leader, Abu Abeer, le porte-parole des
brigades Salah Ed Deen, a accusé Mohammed Dalhan et Rachida Bouskaf,
le chef de la sécurité préventive, ainsi que Mash’ Harawi, un
membre du Fatah, et Tareq AbouRajap, un membre des services secrets.
A mon avis, Abou Abeer a fait une grave erreur de les désigner par
leurs noms.
S.C.-
Une erreur pour lui-même ?
Pour lui-même et
pour le peuple. Il n’aurait jamais fallu citer les noms de ces
personnes. Il sera sans doute assassiné lui aussi. Tout de suite
après, ils ont tiré sur lui et l’ont raté. Cette déclaration a
mis le feu aux poudres. Durant l’enterrement d’Abu Youssef Al
Queqa, il y a eu une bataille de rue entre les gens d’Abu Abeer et
des gardes du corps de Nabil Tammous, qui appartient aux escadrons
de la mort créés, à l’origine, par Mohammed Dalhan. Trois
personnes ont été tuées, vingt ont été blessées. Les gens du
Hamas sont intervenus pour les séparer et ont réussi à faire
cesser l’accrochage.
S.C.-
Que va faire le gouvernement du
Hamas pour éviter d’autres incidents ?
Il a annoncé
qu’il n’est plus possible de porter des armes dans la rue sans
autorisation.
S.C.-
Alors, les hommes de Mohammed
Dahlan devront s’aligner ?
Oui. Ils ne seront
plus au dessus de la loi. Nous espérons tous ici que ces gens là
seront jugés le plus tôt possible.
S.C.-
Le dossier des trahisons va-t-il s’ouvrir bientôt ?
Je l’espère.
Tout comme le dossier des collaborateurs.
S.C.-
Croyez-vous que les personnes visées vont se laisser arrêter et
juger sans coup férir ?
Vous savez, le
peuple en a assez de tous ces traitres, de tous ces collaborateurs,
et de « ces escadrons de la mort ». Ces gens là
continuent de jouer avec les vies du peuple. Ils ont empoisonnée la
vie des honnêtes palestiniens durant des années. Tout le monde espère
que le présent gouvernement réussira à les punir selon la loi.
S.C.-
Voulez-vous dire que les gens
sont prêts à dénoncer les collaborateurs nommément ?
Il y a des
collaborateurs qui sont connus - l’un avait même le statut
de général - mais ils étaient jusqu’ici protégés par des gens
de l’ex-Autorité palestinienne. Des collaborateurs très connus
que, malheureusement, les accords israélo-palestiniens protégeaient.
S.C.-
Jusqu’à ce jour ?
Maintenant que le
gouvernement est en place, nous sommes sûrs que les nouvelles
autorités ne vont plus continuer à les protéger. Je pense que, si
ce dossier s’ouvre, ils vont s’enfuir en Israël ou ailleurs à
l’étranger.
S.C.-
Ce que vous dites est très
grave. Au dehors, les représentants de l’ancienne autorité
continuent de parler de la nécessité de respecter les accords d’Oslo
!
Les représentants
de l’ancienne autorité ne vivent pas sous la menace permanente
d’Israël, mais dans des résidences luxueuses ; leur train
de vie absorbe des millions de dollars qui nous manquent ici. Ils
sont très éloignés de la souffrance réelle de notre peuple qui
vit sous la terreur. Israël veut négocier par le dictat et nous
devrions obéir, reconnaître son existence pendant qu’il nie la nôtre
? J’espère qu’un jour viendra où ces gens qui ont composé
avec l’occupant, se rendront compte de ce que cela veut dire vivre
au nord de Gaza, à Jenin, à Hébron, à Naplouse, constamment sous
attaques israéliennes.
J’espère que le
jour viendra où tous ces gens, qui ont collaboré d’une façon ou
d’une autre, seront jugés et emprisonnés ; et que Dieu aide
notre gouvernement à protéger les Palestiniens du mieux qu’il
peut.
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