Entretien
de Silvia Cattori avec Pierre-Yves Salingue, Novembre 2005.
Cet entretien comporte trois parties (1).
1 – Les Palestiniens pris au piège des accords d’Oslo
2 – La solidarité : les racines de l’impasse
3 – Les perspectives du combat pour la Palestine.
PREMIERE PARTIE.
Silvia
Cattori : Il y a des raisons d’être inquiets. Vous
avez écrit : «Jamais les palestiniens n’ont été plus éloignés
de ce pourquoi ils ont lutté ». Pouvez-vous faire une sorte d’état
des lieux de la situation ?
Pierre-Yves Salingue :
Il est assez difficile d’avoir une vision globale. Au sein des
territoires occupés de Cisjordanie et Gaza on a atteint un tel degré
de fragmentation territoriale, un tel degré de destruction de l’économie
et de paralysie de la vie sociale, qu’il est presque impossible de
faire une analyse cohérente et surtout de mesurer avec justesse les
dynamiques en cours. Il est également difficile d’apprécier les
similitudes et les écarts entre la situation en Cisjordanie et
celle dans la bande de Gaza. Insécurité et règlements de comptes
inter palestiniens sont venus s’ajouter aux contraintes
quotidiennes de l’occupation. Il semble qu’aujourd’hui plus
personne n’ait de stratégie cohérente à proposer et les
gens sont enfermés au quotidien dans la recherche de solutions immédiates
de survie.
S.C. - Les partis
politiques ne sont-ils d’aucun secours ?
Pierre-Yves Salingue :
Le Fatah est en pleine décomposition ; il est désormais divisé en
une multitude de groupes locaux qui échappent à tout contrôle
central et qui sont à l’origine de la plupart des accrochages et
des enlèvements. Tout cela participe davantage de règlements de
compte entre individus qui craignent de perdre des privilèges, que
de différends politiques. Ce sont des affrontements à caractère
maffieux ; ce qui n’empêche pas qu’il y ait aussi de
vraies divergences politiques au sein du Fatah, notamment
sur la nécessité de la poursuite de la résistance. La désignation
des candidats du Fatah aux élections du Conseil législatif de
janvier 2006 s’est transformée en une foire d’empoigne assez
indescriptible et les tentatives d’explications en termes
d’affrontements de générations n’épuisent pas le sujet.
Le mouvement du Hamas n’est pas épargné par la crise. Il est
certes plus apprécié - grâce au soutien matériel qu’il apporte
aux déshérités - et plus respecté que le Fatah, parce que non
impliqué dans la corruption, mais il semble, lui aussi, démuni
d’une stratégie de rechange. Il a incontestablement acquis une légitimité
populaire forte, mais sa direction, très affaiblie par les
assassinats de nombre de ses dirigeants, ne souhaite pas se
retrouver en situation de responsabilité politique face aux Israéliens
et aux Américains ; ni se retrouver en première ligne de la
confrontation politique, diplomatique et militaire. Il accepte
d’assumer des responsabilités au niveau local mais guère plus.
La faillite de l’Autorité et l’éclatement du Fatah lui posent
donc de sérieux problèmes.
Enfin, une évaluation de la situation en Palestine ne peut se
limiter aux « territoires occupés », car l’offensive
contre la nation palestinienne frappe également la population
arabo-palestinienne du Naqab et de Galilée, à l’intérieur d’Israël, ainsi
que les réfugiés entassés dans les camps dans divers pays arabes,
au Liban et en Syrie notamment.
S.C. - Jugez-vous cette
situation comme dramatique ?
Pierre-Yves
Salingue : Je pense que le Peuple palestinien est
aujourd’hui en grand danger et, en tout état de cause, à un
tournant majeur de l’histoire de sa lutte de libération
nationale. Ce n’est pas une simple page qui se tourne, comme en
1970 après Septembre Noir, ou en 1982 avec le départ de l’OLP du
Liban. C’est un chapitre qui s’achève par une nouvelle défaite
des Palestiniens à l’issue de la deuxième Intifada. Cet échec
est fortement intériorisé par la majeure partie de la population
palestinienne qui a vu ses conditions de vie quotidienne se dégrader
considérablement et ses espoirs d’indépendance s’éloigner.
Cependant, nombre de Palestiniens et d’amis sincères du peuple
palestinien n’arrivent pas à admettre ce nouvel échec. C’est
un très dur constat. Or, la seule façon de surmonter les défaites
est de les reconnaître et d’en tirer les leçons. Cet échec a été
largement favorisé par une partie des dirigeants palestiniens.
Parmi eux, certains ont soutenu les actions armées dans le seul but
de s’en servir pour leur projet politique : la reprise des négociations
pour pouvoir continuer par la suite de faire prospérer les affaires
commencées sous Oslo. Faire le bilan est indispensable au moment où
se pose la question de savoir comment soutenir la lutte des
Palestiniens.
S.C.
- Qu’entendez-vous par « un tournant majeur » et,
d’après-vous, que risque-t-il de se passer maintenant ?
Pierre-Yves Salingue :
J’ai parlé de tournant majeur parce que la perspective d’un état
palestinien indépendant sur une portion limitée de la Palestine
historique se ferme définitivement. Ce qui veut dire que la fiction
des négociations n’est plus nécessaire, que cela provoquera des
changements majeurs rapidement visibles dans le paysage auquel nous
sommes confrontés depuis quinze ans. Ce ne sera pas seulement une déception
cruelle et une défaite supplémentaire. Ce sera un bouleversement
total de la conception stratégique dominante acceptée
officiellement par l’OLP en 1988 à Alger (dans les faits depuis
le milieu des années 1970).
Gaza est maintenant hermétiquement close, sous contrôle
militaire israélien « de l’extérieur », sous
assistance humanitaire de l’ONU à l’intérieur, sous contrôle
policier supervisé par l’Europe. Quant à savoir si on laisse se
dérouler un processus de décomposition de type Somalie ou si on va
imposer une remise en ordre nécessairement très répressive, les
choses ne sont pas encore claires. La deuxième option n’a de sens
et ne sera possible que si elle débouche sur la mise en place
d’un « ordre » favorable à des activités économiques
prometteuses susceptibles d’intéresser les investisseurs extérieurs.
Il est question, en effet, de créer des zones industrielles
permettant d’utiliser une main d’œuvre palestinienne à bas
prix. Il y a des projets de privatisation d’activités. Le port de
Gaza, dont on évoque la construction, serait une composante décisive.
Les conditions de passage des Palestiniens de Gaza vers l’Egypte
et vers la Cisjordanie ont aussi une dimension économique masquée
par des considérations humanitaires. Dahlan, ancien chef de la sécurité
préventive à Gaza, qui vient de démissionner de son poste de
ministre des affaires civiles de l’Autorité pour se présenter
aux élections, dit-il, qui dirige de véritables escadrons de la
mort qui sèment la terreur, est le principal atout des Américains.
Dahlan inspire confiance aux investisseurs potentiels qui n’ont
aucun doute quant à sa détermination à écraser toute aspiration
des Palestiniens. Si le patronat israélien suit de près ces négociations,
ce n’est pas parce qu’il est soucieux du sort des familles
palestiniennes ! Cependant, cette mise au pas des Palestiniens
de Gaza ne se réalisera pas sans difficulté, car le Hamas ne se
laissera pas facilement écarter.
En Cisjordanie les choses paraissent plus claires. Début 2006,
il ne restera plus de la « Cisjordanie » palestinienne
que quelques gros cantons, complètement isolés les uns des autres,
reliés par quelques tunnels et ponts que l’Etat d’Israël
pourra ouvrir ou fermer selon son bon vouloir. Toute continuité
territoriale sera donc interdite par l’annexion à Israël des
blocs de colonies et les routes à usage exclusif des colons israéliens ;
annexions qui représentent au moins 50% de la Cisjordanie.
Quant à Jérusalem, son sort est aujourd’hui scellé : ce
sera la capitale d’Israël, point final. Gilo, qui jouxte
Bethlehem, est d’ores et déjà un quartier de Jérusalem et,
d’ici deux ans, la colonie de Maale Adumim en sera un faubourg.
Les «plans » de la Banque mondiale au sujet de la liaison
entre Gaza et la Cisjordanie, qui sont ironiquement présentés
comme une ouverture, serviront à organiser les passages de convois
de Palestiniens sous contrôle militaire israélien, passages qui
seront remis en cause chaque fois que la résistance palestinienne répondra
aux attaques de l’occupant.
Je pense que le plan est de fédérer les cantons de Cisjordanie
avec le royaume de Jordanie qui recevra une sorte de délégation de
protectorat. Le but étant de déresponsabiliser totalement Israël
de la prise en charge des services nécessaires à la population
palestinienne, mais aussi d’éviter toute dynamique de lutte unifiée
contre la ségrégation entre populations juives et arabes sur le
territoire israélien. Si ces Palestiniens, d’une manière ou
d’une autre, sont rattachés à la Jordanie, cela évitera à Israël
d’affronter la question de citoyenneté, de droits égaux des
citoyens d’un même état. Il y a là un défi majeur pour tous
les Palestiniens et aussi pour tout le mouvement de solidarité.
Sur le plan politique la conclusion est, qu’à moyen terme, il
n’y aura plus besoin d’Autorité palestinienne, et par conséquent,
plus besoin d’Abu Mazen non plus. Son échec est consommé et sa
disparition politique programmée. Peut-être pas seulement sa
disparition « politique » d’ailleurs ! Bush
n’a-t-il pas annoncé sa fin prochaine en disant qu’il n’était
pas certain qu’il verrait un Etat palestinien ? Dahlan, en
gouverneur secondé et contrôlé par la CIA à Gaza, et quelques
chefs de canton en Cisjordanie, devraient suffire. La déclaration
de Bush en annonce d’autres qui marqueront probablement, de façon
plus ou moins explicite, le décès de la feuille de route qui aura
rempli son rôle : répandre un rideau de fumée pour masquer
la poursuite des plans sionistes et impérialistes au motif de négociations
dans le cadre d’un énième plan de paix bidon, que les dirigeants
arabes et palestiniens auront légitimé jusqu’au bout de la
catastrophe !
S.C. - Le terme de cette
catastrophe est-il imminent ?
Pierre-Yves Salingue :
C’est une question de mois. Il y a un élément qui peut influer
sur les rythmes et, peut-être, donner un petit sursis à l’Autorité :
c’est l’évolution de la situation politique en Israël. Il y a
des élections prochainement et si le Parti travailliste israélien,
momentanément dirigé par Peretz, a la volonté et la capacité
d’avoir, pendant quelques temps un rôle indépendant de la stratégie
de Sharon, cela peut donner à l’Autorité palestinienne un peu de
répit, avec l’espoir dérisoire de retrouver un Rabin et de
refaire un Oslo bis. Du côté du mouvement pacifiste ce sera la même
chose. Avec l’arrivée d’Amir Peretz à la tête du parti
travailliste israélien, les espoirs de paix vont refleurir et les mêmes
désillusions suivront ! Mais ceci ne sera qu’une parenthèse.
L’Autorité palestinienne a épuisé sa mission ; je ne crois
même pas qu’il y aura des élections pour renouveler un Conseil législatif
unique, commun à Gaza et à la Cisjordanie. Ils vont les reporter
une nouvelle fois, en attendant de siffler la fin de la récréation
« démocratique » des élections sous occupation et
colonisation croissante.
S.C. - On ne parlera plus
de droit au retour des réfugiés palestiniens ?
Pierre-Yves Salingue :
La question des réfugiés est une affaire très compliquée à résoudre ;
elle me semble être la prochaine priorité des plans régionaux des
Etats-Unis et d’Israël. Elle demeure une grosse épine ; surtout
les réfugiés du Liban qui, de même que le Hezbollah, sont considérés
comme le vrai obstacle aux plans de normalisation avec Israël. Les
réfugiés sont sans aucun doute au cœur des prochaines attaques, même
l’UNRWA est dans le collimateur et ce n’est pas Peretz qui les
protègera !
S.C. - Pensez-vous que
l’on ne peu plus rien changer ?
Pierre-Yves Salingue :
Au contraire, tout change !
Nous sommes arrivés à la fin d’un cycle politique. L’Autorité
palestinienne, telle qu’issue d’Oslo, va bientôt disparaître,
après avoir rempli une partie des fonctions qui lui ont été
assignées, et avoir accompli la destruction de l’OLP avec la
complicité de dirigeants qu’Israël n’a pas eu besoin
d’assassiner. Particulièrement symbolique de cette liquidation
est l’issue du récent affrontement qui a opposé Kadoumi et
Dahlan à Gaza et dont Moussa Arafat a été une « victime
collatérale ». Courant août, Kadoumi - désigné président
du Comité central du Fatah après la mort d’Arafat et qui est le
chef du département politique de l’OLP - a voulu écarter les
membres des services de la sécurité préventive, dont beaucoup ont
été formés par les services américains et sont entièrement
soumis à Dahlan. Il a aussi appelé à constituer une milice
populaire chargée de «protéger la révolution palestinienne »,
ce qui en dit long sur l’origine de la menace. En tout cas Kadoumi
a perdu, tout comme dans le choix des nouveaux représentants
diplomatiques de la Palestine. Tout cela n’a d’intérêt que
pour illustrer la fin de ce cycle : des gens comme Kadoumi, à
l’instar d’Arafat d’ailleurs, sont liés à l’histoire du
mouvement de libération. D’une certaine manière, et malgré
leurs responsabilités dans les défaites et leurs erreurs, ils
pouvaient prétendre à incarner les espoirs constitutifs des débuts
de la lutte de libération nationale.
S.C. - Toute perspective
de libération nationale par l’OLP s’est-elle fermée ?
Pierre-Yves Salingue :
Les affairistes qui constituent la nouvelle élite palestinienne
n’ont que faire des espoirs de libération nationale. A l’ombre
de l’occupant israélien ils ont transformé le mouvement national
de libération, avec ses difficultés et ses limites, en un outil de
négociation au profit d’une petite élite qui occupe les hauts
postes dans l’Autorité palestinienne. Ils s’en sont servis pour
acquérir des privilèges économiques, d’abord au détriment des
classes populaires mais aussi au détriment de la bourgeoisie
palestinienne traditionnelle. Ce dont ils ont besoin, c’est d’un
environnement politique qui leur permette de trouver leur place, même
petite et subordonnée, dans le projet de Grand Moyen-Orient de
Bush. L’initiative de Genève, c’est d’abord ça. Du reste,
Erekat, l’inamovible « négociateur », apparaît
depuis un certain temps sur les télévisions israéliennes dans des
spots faisant la promotion de l’accord de Genève. On l’entend
dire aux téléspectateurs israéliens : « aidez nous à
vaincre les extrémistes palestiniens » ! Ce sont ces
personnages là qui veulent tourner la page de l’OLP. Les erreurs
d’Arafat ont préparé le terrain à sa marginalisation, et Abu
Mazen a été mis à sa place pour liquider ce qui reste de l’héritage
de ce mouvement national.
S.C. - Vous dites que l’Autorité
touche à sa fin. Mais qu’en adviendra-t-il de l’OLP ?
Pierre-Yves Salingue :
L’OLP demeure une référence historique ; c’est le symbole
de la cause nationale palestinienne, même si ce mouvement est
politiquement détruit. Je pense que l’OLP ne renaitra pas de ses
cendres mais je sais que de nombreux palestiniens, qui n’ont pas
abandonné la lutte de libération, défendent l’idée de « reconstruire »
l’OLP. C’est avec eux et contre les collaborateurs et
liquidateurs de la lutte de libération qu’un mouvement de soutien
à la résistance palestinienne doit se situer.
S.C. - Comment
on en est-on arrivé là ?
Pierre-Yves Salingue :
Répondre entièrement à cette question nécessiterait de reprendre
toute l’histoire du mouvement national palestinien et même
l’histoire de la lutte des peuples arabes de la région. Mais
contentons-nous de partir des accords d’Oslo qui, à mon avis, ont
un rôle absolument décisif dans la dégradation de la situation
des Palestiniens. Les gens pensent souvent, de bonne foi, que l’Autorité
palestinienne est « le représentant du Peuple palestinien ».
Ils l’associent à l’OLP pensant que c’est une seule et unique
chose. Or, ce n’est pas du tout le cas. L’Autorité
palestinienne ne peut aucunement prétendre « représenter le
Peuple palestinien ». Elle n’est qu’une création des
accords d’Oslo dont le texte fondateur, la « Déclaration de
principes », a été signé à Washington le 13 septembre
1993. C’est là
qu’il s’est décidé de créer une Autorité palestinienne
« intérimaire autonome » pour les Palestiniens de
Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Dite « intérimaire » car un règlement définitif
devait être signé dans un délai n’excédant pas cinq ans. Il
faut souligner, que contrairement aux illusions entretenues par les
dirigeants de l’Autorité Palestinienne, les accords d’Oslo n’étaient
pas un acquis de la première Intifada mais une réponse stratégique
d’Israël et des Etats-Unis à l’insurrection populaire. Si on
étudie cette période on note l’absence totale de la direction
extérieure de l’OLP dans le déclenchement de la première
Intifada en 1987 et aussi ses difficultés à contenir la
radicalisation des éléments issus de cette mobilisation
extraordinaire en Cisjordanie et à Gaza.
S.C. - Tout cela ne
faisait-il pas partie de la stratégie qui devait mener à la première
guerre du Golfe, guerre présentée alors, par Tel Aviv et
Washington, comme un pas conduisant à résoudre la question
palestinienne ?
Pierre-Yves
Salingue : Après la première guerre du Golfe, les
Etats-Unis ont choisi de négocier avec une direction de l’OLP
alors considérablement affaiblie par les échecs et les divisions,
dont la tête était isolée à Tunis depuis 20 ans et les forces
vives, vieillissantes, dispersées dans différents pays arabes. Les
accords d’Oslo ont donc permis à cette direction de rentrer dans
les territoires occupés par Israël en 1967, et forts de cette légitimité
de reprendre de l’ascendant sur des structures locales indépendantes
issues de l’Intifada. Ils ont aussi permis d’offrir à de
nombreux militants de l’intérieur, un cadre de reconversion dans
les activités de l’Autorité, dans des ONG que l’Autorité a très
vite cherché à contrôler et, surtout, dans les multiples services
de sécurité créés par Yasser Arafat. La mission principale confiée
à l’Autorité était d’assumer la sécurité d’Israël en
faisant faire la police aux Palestiniens et en maîtrisant la colère
populaire, en échange d’une promesse d’autonomie dans quelques
territoires restant à définir ultérieurement par des négociations
qui n’ont, en fait, jamais débouché ! L’accord était très
clair à ce sujet, et la direction palestinienne l’a signé !
S.C. - Avez-vous
un exemple montrant que ces accords étaient un piège ?
Pierre-Yves Salingue :
Dans la Déclaration on lit : « Afin de garantir
l’ordre public et la sécurité…le Conseil établira une
puissante force de police tandis qu’Israël conservera la
responsabilité de la défense contre les menaces de l’extérieur,
ainsi que la responsabilité de la sécurité globale des Israéliens
de manière à sauvegarder leur sécurité interne et l’ordre
public ». Et le premier accord intérimaire dit de Gaza - Jéricho
et signé en mai 1994, précise : « …la partie
palestinienne prendra toutes les mesures nécessaires pour empêcher
tout acte d’hostilité à l’encontre des implantations, des
infrastructures les desservant et de la zone d’installation
militaire… » C’est écrit noir sur blanc que
l’Autorité palestinienne devait protéger les colonies (les
« implantations » dans le jargon des accords acceptés
par les Palestiniens) et Yasser Arafat et Abou Mazen, ont signé ce
texte !
S.C. - Oslo n’a-t-il
donc servi qu’à mettre en place un système de répression policière ?
Pierre-Yves Salingue :
Non, bien sûr. Oslo pose les bases de la poursuite de la politique
sioniste de nettoyage ethnique de la Palestine et contient tous les
éléments qui vont permettre à Israël de mener une colonisation
à outrance. Ensuite les accords de Paris en 1994 ont organisé la
complète subordination de l’économie palestinienne à l’économie
israélienne : le contrôle absolu des exportations et des
importations, la dépendance monétaire, la régulation sécuritaire
des flux de main d’œuvre, le prélèvement et la redistribution
des taxes commerciales au bon vouloir des Israéliens. La division
des territoires palestiniens occupés en trois zones a été, elle,
le résultat d’autres négociations. La zone A, confiée à la
gestion de l’Autorité était censée représenter l’embryon de
l’état palestinien - qui pourrait exister - à l’issue des négociations
du statut définitif. Les zones B, sous gestion de l’Autorité
palestinienne, demeurait toutefois sous surveillance israélienne.
Les zones C restaient sous autorité israélienne exclusive. Donc,
placée sous la surveillance militaire permanente d’Israël, la
population a été concentrée dans des zones choisies par les Israéliens.
Les négociateurs palestiniens ont tout accepté, et présenté cela
en disant : « C’est la stratégie des petits pas ».
On a vu en effet l’efficacité des petits pas!
Ce qu’il faut comprendre c’est qu’entre la première
Intifada et la mise en place de l’Autorité il y a une rupture :
sa mise en place n’est pas le résultat de l’intifada. C’est
une mystification totale de faire passer ce qui n’est qu’un
semblant d’autonomie pour une conquête révolutionnaire. On ne
peut rien comprendre à ce qui s’est passé au cours des années
Oslo si on ne fait pas cette différence. Loin d’être le résultat
d’un moment donné de la lutte de libération, avec de possibles
compromis provisoires, la mise en place de l’Autorité
palestinienne était entièrement tournée vers la défense des
positions de l’occupant israélien, et conférait à la
colonisation un statut légal en institutionnalisant une forme
d’autonomie très partielle et sous contrôle.
S.C. - Si l’Etat d’Israël
devait parfaitement savoir ce qu’il escomptait d’Oslo, l’Autorité
palestinienne était-t-elle consciente que cela l’engageait dans
une voie sans retour ?
Pierre-Yves Salingue :
Pour l’Etat israélien c’était une tentative de répondre
notamment à une question lancinante : comment contrôler la
population arabe sur le plan militaire et économique sans
avoir à l’administrer au plan civil ; comment se défaire
des contraintes et des coûts de l’organisation de la vie
quotidienne de 3 millions de personnes ; comment poursuivre
l’annexion et la colonisation ? De leur côté, Yasser Arafat
et Abou Mazen, en signant les accords d’Oslo, ont entraîné le
mouvement national palestinien dans un piège sans issue. Ils ont
dit : « C’est un premier pas vers la libération
nationale ». Or, tout au contraire, c’était un pas de plus
vers l’abandon des fondements de la lutte historique du Peuple
palestinien et de son unité. L’histoire des dix dernières années
a montré que c’était un pas qui s’est avéré pour eux, et
malheureusement pour l’ensemble des Palestiniens, sans retour
possible.
S.C. - Comment se fait-il
que personne, au sein du mouvement national, ne se soit opposé à
cette logique de capitulation ?
Pierre-Yves
Salingue : Compte tenu de sa nature, et de sa mission, la
logique de la direction palestinienne était de se confronter à
tous ceux - qu’ils soient forces islamiques ou forces issues du
mouvement national traditionnel - qui s’opposeraient à la
poursuite de cette politique de capitulation. Au début, très peu
de dirigeants de l’OLP ont critiqué les accords d’Oslo. Ceux
qui par la suite ont pris des distances, ont été réprimés et
marginalisés.
Le Hamas et une partie de la gauche palestinienne ont
refusé d’entrer dans le dispositif d’Oslo, mais ils n’ont pas
fourni d’alternative ; donc, dans les faits, ils ont accepté
de composer avec cette nouvelle réalité. Le Hamas a été très
vite réprimé par l’Autorité. Il y a eu des remises en question
au sein du Fatah et chez des indépendants, cela s’est exprimé
notamment fin 1999 dans « l’Appel des 20 » qui dénonçait
l’orientation de l’Autorité palestinienne et ses compromis
incessants avec Israël, favorisant une bureaucratie oppressive et
totalitaire, qui éloignait les Palestiniens de leurs objectifs de
libération nationale.
Cet appel était une attaque ouverte contre Yasser
Arafat lui-même ; c’est pour cela que l’Autorité
palestinienne a réprimé vite et fort, et engagé des procédures
pour lever l’immunité des membres du Conseil législatif qui
avaient lancé cet Appel. Des signataires ont été tabassés par
des membres de la sécurité préventive ou arrêtés, comme
Abdelsattar Qassem, un professeur de l’université de Naplouse ;
Abdeljawad Saleh, ancien maire d’al-Bireh et ancien ministre de
l’agriculture de l’Autorité, Hussam Khader, du camp de Balata.
Leur Appel disait qu’il fallait mener de façon simultanée la
lutte contre l’occupant et contre la corruption de la direction
palestinienne et accusait l’Autorité d’avoir bradé la
Palestine en signant Oslo en contrepartie de quelques privilèges
personnels. Peu après s’est produite l’explosion qui a marqué
le début de la deuxième Intifada.
S.C. - Ce soulèvement
n’était-il pas d’abord dirigé contre la dureté de
l’occupation ?
Pierre-Yves
Salingue : La logique politique des accords signés s’est
très vite révélée impitoyable et désastreuse pour les
Palestiniens. La deuxième Intifada est d’abord la résultante de
l’intensification de l’occupation israélienne par la
construction des colonies, des routes qui les relient, et des bases
militaires israéliennes qui les protègent, au détriment des
terres palestiniennes.
Il faut rappeler qu’avant Oslo les gens pouvaient
circuler en Cisjordanie et aussi entre Gaza et la Cisjordanie.
Certes, ces déplacements s’effectuaient dans des « territoires
occupés », il n’y avait pas de liberté, mais les check
points et les « contrôles sécuritaires » israéliens
étaient dérisoires en comparaison de ce qu’ils sont devenus sous
l’emprise des accords intérimaires d’Oslo. Voilà pourquoi la
deuxième Intifada était aussi une réaction contre la situation créée
par la mise en place des zones A, B, C.
Seuls les Palestiniens qui vivaient dans les zones A -
la seule portion du territoire confiée à l’Autorité
d’autonomie palestinienne, soit 13 % de la Cisjordanie et de la
Bande de Gaza - pouvaient circuler dans des aires de quelques kilomètres
carrés sans voir de jeeps et des mitrailleuses israéliennes.
Evidemment, les réfugiés ont apprécié de ne plus avoir à
franchir un tourniquet pour sortir de leur camp, mais ils se sont
rapidement rendu compte que les barrages de l’armée israélienne
n’étaient pas loin, que leur liberté était « surveillée »
et que sortir d’une zone A pour aller dans une autre, c’était
courir le risque d’être arrêté.
Quant aux Palestiniens, vivant dans les zones B et C,
soit plus de 85% de la Cisjordanie et de Gaza, ils ont vu que ces
accords, pourtant vantés comme menant vers la paix et la libération
de la Palestine, se traduisaient par des contrôles policiers et
militaires croissants, pendant que les colonies israéliennes s’élargissaient
et que rien de positif n’avait été réalisé pour répondre à
leurs besoins les plus immédiats. Et je ne parle pas de la
situation créée par les accords d’Hébron où les négociateurs
palestiniens ont fait des concessions qui ont transformé le centre
de cette ville en un enfer permanent pour ses habitants
palestiniens.
C’est tout cela qui a totalement pourri la vie des
Palestiniens au lieu de l’améliorer comme le promettaient les
partisans des « accords de paix ». La deuxième Intifada
fut une tentative désespérée de sortir du piège d’Oslo ;
pour preuve, Marwan Barghouti et Hussam Khader, par exemple étaient,
au départ, favorables aux accords d’Oslo.
S.C. - En résumé,
ce qui était considéré de l’extérieur comme un « processus
de paix », ne fut pour les Palestiniens que désagréments et
brimades ?
Pierre-Yves
Salingue : Oui. C’est la dégradation de leur vie et la
dureté de la répression qui a suivi le processus d’Oslo qui a
conduit les Palestiniens au soulèvement. Cela a été aggravé par
le fait que les Palestiniens ordinaires ont vu se créer une couche
de privilégiés qui, grâce aux cartes VIP autorisées par Israël,
échappaient aux dures contraintes auxquelles, eux, étaient soumis.
Alors qu’ils se faisaient humilier à attendre des heures aux
check points, ils voyaient des Palestiniens privilégiés qui
passaient sur le côté sans attendre, et pouvaient circuler d’une
zone à l’autre sans se faire refouler. C’est cette dimension
sociale qui explique pourquoi il y a eu un fort élan de sympathie
avec le soulèvement en 2000, bien que sa militarisation rapide ait
empêché qu’il s’élargisse. C’est aussi pour cela que la
population ne s’est pas révoltée contre les actions de « martyrs »
qui pourtant étaient suivies par des punitions collectives très
dures de l’armée israélienne.
S.C. - Et la corruption ? On
en parle beaucoup mais n'est-ce pas finalement quelque chose
d’assez banal, voir d’inévitable dans ce type de situation ?
Pierre-Yves Salingue :
S’agissant de la corruption de l’Autorité palestinienne je
crois que, loin d'être quelque chose de banal et dont on pourrait
relativiser la portée, c'est une question tout à fait fondamentale
dès lors qu'elle démontre le lien que cette corruption entretient
avec les choix politiques. Hussam Khader a dit : « L’autorité
palestinienne est une maffia dirigée par des gens qui roulent pour
leurs buts et leurs fins personnelles … les gens obéissent
à Arafat non seulement parce qu’il est le symbole de la lutte
nationale mais parce qu’il détient toutes les sources du pouvoir :
l’argent, les salaires, tout…les dirigeants qui nous conduisent
depuis quarante ans ont même détruit nos rêves… » La
corruption dont Hussam Khader parle ici était directement issue des
accords politiques d’Oslo, du volet économique finalisé à Paris
en 1994. L’Autorité d'autonomie mise en place par ces accords était
structurellement liée à l'Etat d’Israël ; elle dépendait
donc du bon vouloir d’Israël pour tous les aspects qui auraient dû
relever de la décision souveraine d'une structure politiquement
responsable.
S.C. - Pouvez-vous
l’illustrer par un cas concret ?
Pierre-Yves Salingue :
Je prends l’exemple de la collecte des taxes sur les importations
de produits pétroliers dans les zones confiées à l'administration
palestinienne. A Paris il a été convenu qu'Israël, qui avait le
contrôle de ce qui entrait et sortait des « territoires »,
collecterait toutes les taxes et les reverserait à l'Autorité.
S'agissant des produits pétroliers et donc, au premier chef, du
carburant pour les véhicules palestiniens, il a été convenu entre
négociateurs israéliens et palestiniens que l'argent de ces taxes
serait versé sur un compte personnel dans une banque de Tel Aviv.
Je passe ici sur les détails de l’affaire pour ne retenir que ce
qui me paraît essentiel : nous avons là un exemple typique du lien
corruption -collaboration. Ce n’est pas "seulement" le
fait que des dirigeants politiques contrôlent l’argent pour
consolider leur pouvoir sur le mouvement qu'ils dirigent ou pour
s'enrichir personnellement, ce qui est en effet malheureusement
assez banal, mais bien plus grave, c'est le signe de la relation de
dépendance structurelle entre l'occupant et le représentant
politique du peuple occupé.
S.C. - Le peuple
palestinien a-t-il pris conscience de ce lien structurel noué entre
l'occupant israélien et les dirigeants de l’Autorité, qui
n’est autre qu’une collaboration ?
Pierre-Yves Salingue :
Les Palestiniens ont vu que les colonies et les routes qui les
reliaient ont été construites par des entreprises palestiniennes
liées à certains de leurs dirigeants ; par exemple par Jamel
Tarifi qui était ministre des affaires civiles de l’Autorité
pendant "les années Oslo". Ils ont vu des Palestiniens
munis de cartes VIP qui n’était pas harassés par les soldats
israéliens. Cette corruption-collaboration a sapé les bases
sociales et politiques de la mobilisation populaire ; et c'est
pour cette raison qu’il est impératif de la dénoncer et la
combattre si on prétend défendre la cause des Palestiniens. Et
c'est aussi pour cette raison qu'il ne doit y avoir aucune crainte,
en la dénonçant, d'être confondu avec ceux qui - suivant les
normes édictées par Bush - prétendent vouloir lutter contre la
corruption en "réformant" l’Autorité palestinienne. La
lutte contre la corruption doit être liée à la lutte contre la
colonisation et l'occupation sioniste de la Palestine.
Ceux qui agissent dans ce sens servent la lutte de libération et
se distancient de ceux qui soutiennent la colonisation, mais aussi
de ceux qui pensent que, pour résoudre le conflit, il faut avant
tout "négocier». La grande majorité des Palestiniens a
depuis longtemps compris que les "négociations" n'étaient
que le prétexte, pour l’Autorité palestinienne, de continuer à
s’enrichir et à asseoir son pouvoir.
S.C. - Qu'est-ce que vous
voulez dire ? Que ceux qui sont pour la cessation de la résistance
contre l’occupant sont d'abord motivés par des intérêts
personnels ?
Pierre-Yves Salingue :
Je veux dire qu’il y a, dans la direction palestinienne, des gens
qui ne sont pas pressés d’en finir avec les négociations avec
Israël. Parmi ces partisans inconditionnels des négociations
beaucoup sont issus de l’OLP, d'autres sont issus des ONG,
d'autres encore sont issus de la bourgeoisie traditionnelle
palestinienne. Ce qui les rassemble est, qu'avec Oslo, ils ont eu
l’opportunité de liquider le mouvement de libération en lui
substituant un pseudo appareil d’autonomie.
S.C. - En échange de quoi ?
Pierre Yves Salingue :
S’ils consentaient à mater les Palestiniens et à brader leurs
revendications principales, il leur a été promis qu’ils y
trouveraient leur intérêt personnel, en participant aux affaires.
La Palestine allait devenir "un nouveau Singapour"
aimaient-ils à répéter. L’explosion de la deuxième Intifada,
et surtout sa durée, les a particulièrement atteints, car la réaction
d’Israël a été tellement forte qu’elle a remis en cause tous
leurs « petits arrangements » et a abouti à arrêter le
processus qui leur permettait de s’enrichir, d’acquérir des
petits pouvoirs, d’envoyer leurs fistons faire des études en
Europe ou aux Etats-Unis, de se construire des maisons dans le Golfe
ou au bord de la plage à Gaza ou en Jordanie, de co-investir avec
leurs nouveaux amis israéliens. Pour des motifs « sécuritaires »,
brutalement, les cartes VIP ne servaient plus à rien ! C’est
pourquoi ces gens-là sont pressés de retrouver, par la voie des négociations
avec Israël, la situation d’avant l’Intifada.
S.C. - N’est-ce pas là
une politique à courte vue ?
Pierre Yves Salingue :
Bien sûr puisque, pendant qu’ils recevaient de petits avantages
en échange, les Israéliens en obtenaient de considérables,
construisaient les plus importantes colonies et posaient les bases
permettant de s’emparer de nouvelles terres, notamment en
Cisjordanie. Mais, même s’il s’agissait de petits avantages,
ils tiennent à les retrouver ; ils y ont pris goût !
C’est à eux que pensait Hussam Khader quand il disait « On
n’a pas fait l’Intifada pour rouvrir le casino de Jéricho. »
(1) Résumé des trois parties.
La première partie de cet entretien - précédée d’une rapide
appréciation de la situation actuelle de la lutte des Palestiniens
pour leurs droits - livre une analyse concernant la façon dont la
direction de l’OLP, en s’engageant dans les accords d’Oslo, a
été conduite à détruire le mouvement de libération nationale et
à y substituer un organe d’auto gouvernement totalement dépendant
des subsides internationaux, structurellement lié à l’Etat
sioniste et essentiellement chargé d’assurer la sécurité d’Israël
en contenant les aspirations palestiniennes exprimées par la 1ère
Intifada. A l’ombre de négociations interminables l’Autorité
palestinienne a favorisé le développement d’une élite pendant
que la colonisation s’intensifiait, détruisant
chaque jour davantage les conditions d’existence des
Palestiniens. La deuxième Intifada n’a pas suffi à enrayer cette
dérive. Pour Pierre-Yves Salingue le constat d’échec est
cinglant, l’hypothèse d’un état palestinien indépendant formé
sur une portion de la Palestine historique est définitivement
close.
La deuxième partie analyse comment le mouvement de solidarité
qui s’est construit depuis la deuxième Intifada a refusé d’être
un mouvement de soutien à la lutte de libération nationale des
Palestiniens. Encouragé par l’Autorité palestinienne il s’est
cantonné à n’être qu’un mouvement « pour la Paix »
par la négociation, réduisant la lutte des Palestiniens à la fin
de l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza. En acceptant, voire
en défendant, l’Etat sioniste d’Israël tel qu’il est, ce
mouvement ne pouvait qu’écarter le droit au retour des réfugiés
et devait ignorer l’existence des Palestiniens de 1948. La
disparition de l’illusion de l’Etat palestinien indépendant aux
côtés de l’Etat sioniste plonge ce mouvement dans une crise
d’orientation majeure.
La troisième partie confronte le lecteur à deux questions
difficiles mais essentielles pour qui veut agir pour soutenir le
combat des Palestiniens. En premier lieu, que peut-on faire
aujourd’hui dans la durée pour soutenir une lutte dont personne
ne peut croire qu’elle serait susceptible de s’achever
rapidement ? Pour Pierre-Yves Salingue l’appel lancé le 9
juillet par 171 organisations palestiniennes est une boussole pour
le mouvement de solidarité s’il veut sortir de l’impasse dans
laquelle il a été fourvoyé par les divers partisans des prétendues
initiatives de paix. Loin de s’en tenir à un traitement des symptômes
les plus récents de la colonisation sioniste cet appel identifie
les exigences d’une paix durable qu’on ne saurait réduire à la
fin d’une occupation qui concernerait à peine 20 % de la
Palestine. Cet appel inquiète ceux qui avaient accueilli avec
soulagement les renoncements des négociateurs de l’Autorité
palestinienne. Au sein même du mouvement de solidarité, on assiste
à une nouvelle tentative de réduire les exigences
palestiniennes à ce qui est jugé conforme au respect des « droits
de l’Etat d’Israël ». La fin de l’entretien traite des
perspectives d’évolution du combat palestinien compte tenu,
d’une part, du renforcement de l’occupation sioniste de la
Palestine et, d’autre part, de l’affirmation croissante du
projet impérialiste de contrôle de la région du Moyen Orient.
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