GAZA
Israël mène une guerre de « nettoyage »
ethnique.
Un
palestinien résidant dans le camp de réfugiés de Beit Hanoun,
au nord de Gaza, témoigne.
Propos
recueillis par Silvia Cattori le 2 août 2006.
Silvia
Cattori : Alors que l’Etat d’Israël maintient
la fermeture complète de la bande de Gaza et poursuit, sur la
partie au nord, sa guerre, cyniquement baptisée « Pluie
d’été » - guerre qui a déjà tué près de 200
personnes et fait des milliers de blessés - pouvez-vous
confirmer, comme plusieurs témoignages le disent, que sous prétexte
de guerre contre « le terrorisme » ou de chercher le
caporal Shalit, Israël ne fait que de poursuivre son plan d’épuration
ethnique ?
Hassan :
C’est terrible. Ils sont en train de tout faire pour nous
chasser hors de la zone. Chacun ici sait que la terreur qu’ils
font régner, avec une plus grande sauvagerie ces dernières
semaines, fait partie d’un plan qui cherche à nous repousser
toujours plus loin. La première sommation laisse 24 heures aux
familles pour quitter leur maison. La seconde ne leur laisse plus
que 15 minutes. Je continue de penser que jamais ils ne réussiront
à nous déloger, sauf à nous tuer tous. Ici ce sont des camps de
réfugiés. Les gens ont reconstruit leur vie ici ; ils
attendent de retourner chez eux. Nous avons très présent à
l’esprit que ces dernières années (de 2000 à 2004, ndl)
l’armée israélienne a détruit, à Gaza, quelques 6000 maisons
et que 50’000 personnes sont restées à la rue. (1)
S.C.- Vous faites donc un parallèle avec ce
qui s’est passé au sud de Gaza ? Ce qui veut dire que la
guerre actuelle n’est pas destinée, comme Israël le prétend,
à « éradiquer les terroristes », mais à vider,
de la nouvelle zone qu’il convoite, sa population ?
Hassan :
Oui, le plan d’Israël est toujours le même. Au sud de Gaza, il
s’agissait pour Israël, de repousser les réfugiés toujours
plus loin pour agrandir la zone qu’il s’était déjà annexée
lors d’opérations précédentes. Depuis un certain temps le
nord de Gaza connait la même situation. L’armée propage des
fausses informations, du genre qu’il y a des tunnels ou des
maisons qui abritent des armes. Ce qui lui donne prétexte à tout
raser. C’est leur manière de dire « partez ou mourez ».
Au Liban, c’est terrible ; les Israéliens font la même
chose, mais de manière encore plus massive. Amir Peretz a parlé
de « nettoyer » le sud Liban. On voit les gens
s’enfuir en masse. Là où – comme à Cana – les gens
n’ont pas eu le temps de partir, c’est le massacre.
S.C.- Les gens qui ne s’enfuient pas sont
donc prêts à mourir ?
Hassan :
Non, les gens ne sont pas prêts à mourir, mais ils sont obligés
de mourir. Chaque maison peut être touchée.
S.C.- Les femmes n’ont-elles pas peur de
rester sur place avec les enfants ?
Hassan :
Les femmes sont plus fortes que les hommes. Si les femmes étaient
peureuses cela voudrait dire que la peur pénètrerait aussi dans
le cœur des hommes. Ce sont elles qui leur disent qu’il est
possible de combattre Israël malgré sa supériorité militaire.
Ce sont elles qui encouragent les hommes à résister. Ce sont
elles et leurs enfants que les hommes défendent.
S.C.- M. Abou Mazen s’entretient toujours
avec des officiels égyptiens pour apporter des garanties aux
ravisseurs et tenter de faire libérer le caporal. Sa libération
ne libérerait-elle pas Gaza de l’agression militaire actuelle ?
Hassan :
Israël nous a toujours agressés, même quand notre peuple ne
bougeait pas. Nous pensons que la guerre qu’il mène depuis juin
n’a rien à voir avec la capture de ce caporal. Nous pensons que
la guerre épouvantable que mène Israël actuellement à Gaza a,
comme finalité, de briser notre volonté de résister et de nous
déloger par la force. Quand Abou Mazen pense qu’il ne faut pas
conditionner la libération du soldat français à l’échange
des femmes et des jeunes prisonniers palestiniens, le peuple lui
pense qu’Israël n’a jamais respecté aucun engagement ;
qu’il n’est pas question de concéder quoi que ce soit avant
que les prisonniers Palestiniens ne soient libérés. Israël est
un moustique qui pourrait être facilement vaincu, s’il y avait,
de la part de tous les Etats arabes, la volonté de libérer leurs
peuples de sa domination.
(1) C’est à Rafah, au sud de Gaza que, le
16 mars 2003, Rachel Corrie, liée à l’International Solidarity
Movement (ISM), a été intentionnellement écrasée, par un
bulldozer militaire Caterpillar, alors qu’elle tentait de
s’opposer à la démolition d’une maison. C’est aussi à
Rafah que le photographe britannique Thomas Hurndall, lié à l’ISM,
a été gravement blessé en avril 2003 par le tir intentionnel
d’un soldat (il décèdera en février 2004). C’est encore à
Rafah que le journaliste James Miller a été intentionnellement
tué par les tirs des soldats israéliens en mai 2003. Par ces
assassinats Israël voulait faire fuir les témoins ; ne
laisser personne témoigner des crimes que son armée commettait
sur une grande échelle.
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