Site d'information sur le conflit israélo-palestinien

 

Palestine - Solidarité

 

Retour :  Sommaire Benvenisti Accueil Analyses  - Ressources  -  Mises à jour



Interdiction de faire aveu de racisme
Meron Benvenisti



Haaretz, 19 mai 2006

www.haaretz.co.il/hasite/pages/ShArtPE.jhtml?itemNo=717784

Version anglaise : www.haaretz.com/hasen/spages/717611.html

 

Il y a obligation à marquer du respect pour les décisions de la Cour Suprême et à voir dans les attendus des juges l’expression d’une réflexion dénuée d’emportement et éloignée des formules superficielles. Mais s’il convient de s’incliner devant la grandeur du tribunal, il est bon aussi que ceux qui siègent si haut aient du respect pour la capacité de discernement qu’il y a dans le public.

Il n’y a en fait pas lieu d’accorder une énorme importance aux motifs et aux arguments que les juges de la Cour Suprême ont avancés pour décider, à une très faible majorité, que priver des Arabes du droit d’épouser l’élu(e) de leur cœur n’était pas en contradiction avec des valeurs fondamentales d’une société éclairée. Ceux qui sont visés par cette décision, aucun laïus ne parviendra jamais à les convaincre et les centaines de pages de l’arrêt de justice ne sont pas à même de se débarrasser de la malignité du décret. Toute personne civilisée a besoin d’explications qui la satisfassent devant ce qui apparaît comme de la cruauté dans le fait d’arracher une mère à ses enfants, la moitié d’un couple à l’autre moitié, si leur lot est d’être Palestiniens.

On peut vraiment douter que les arguments du juge Mishael Cheshin – auxquels se sont associés les juges majoritaires – soient en mesure de porter le lourd fardeau de légitimer une discrimination frisant le racisme. Et il ne s’agit pas de questions juridiques-constitutionnelles, mais de discernement politique et de compréhension de la réalité, pour lesquels le juge suprême n’est jamais qu’un citoyen lambda, sous l’influence de l’ambiance générale. Il est dès lors tenu de redoubler de précaution.

Les arguments de Mishael Cheshin reposent sur deux piliers : « le droit » des requérants à vivre avec leur conjoint et le fait qu’ils sont des « citoyens ennemis » en temps de guerre. Il ne fait pas de doute que les habitants de la région – c’est-à-dire ceux qui habitent dans les Territoires occupés et que l’on prive de la possibilité de vivre avec les membres de leur famille – ne sont pas des citoyens israéliens ; mais les désigner comme « étrangers » et les comparer à des immigrants étrangers tentant de s’infiltrer dans les états de l’Union européenne, relève au mieux d’une feinte naïveté, et au pire, d’une volonté délibérée de tromper.

Les Palestiniens sont-ils des « étrangers » pour les Arabes d’Israël ? La différence de statut juridique entre les habitants du Barta’a « israélien » et ceux du Barta’a « palestinien » en fait-elle des étrangers les uns pour les autres ? Quand cela nous convient, on fait de l’Arabe d’Israël un citoyen israélien dont il faut sauvegarder la dignité humaine, alors même qu’on lui interdit « de revenir avec un conjoint étranger », ce qui « modifierait le statu quo existant dans les relations entre citoyens et résidents », comme dit le juge Mishael Cheshin.

Le processus d’éclatement du peuple palestinien en fragments de communautés – les Arabes de 1948, les Arabes de 1967, les Arabes de Jérusalem-Est et les Arabes d’au-delà de la clôture de séparation – a maintenant droit au sceau de conformité de la Cour suprême. Ce sont des « étrangers » les uns pour les autres – pour la plus grande commodité des Israéliens juifs qui ne sont pas tenus de tirer de ce « droit »-là des conclusions mal venues à leurs yeux. Car les habitants des Territoires sont des étrangers sur leur terre natale également ; empêchés de se déplacer sur ses routes, de bénéficier de ses ressources, de mener leurs affaires civiles et politiques.

Le fait que les Palestiniens soient privés de citoyenneté et soient assujettis au pouvoir israélien depuis une quarantaine d’années, n’altère pas cette conception qui leur trouve toutes les apparences de citoyens d’un pays d’outre-mer surgissant aux frontières de la patrie. Où commence la patrie ? Au barrage de Qalandiya ou à celui de Tarkoumiya ?

Mais définir les Palestiniens comme des étrangers ne suffit pas ; il faut encore souligner les dangers qu’ils représentent : « Ce sont des sujets ennemis et comme tels, ils constituent un groupe à risque pour les citoyens et les résidents d’Israël ». Israël est « en guerre (ou une sorte de guerre) » face à l’Autorité Palestinienne – « un gouvernement ennemi, un gouvernement qui veut anéantir l’Etat ». Et de toute façon, la comparaison est faite, invocatoire, avec l’Angleterre et l’Amérique dans leur guerre contre l’Allemagne nazie et l’on rapporte des exemples dont le but est de convaincre que tout le monde a empêché l’immigration voire a expulsé des sujets d’un pays ennemi pendant que se menait la guerre contre cet ennemi.

Il serait bon qu’un arrêt de justice explique quand employer le terme de guerre ou de conflit armé et s’il est permis d’y recourir à notre bonne convenance. L’état de guerre sur lequel s’appuie la Cour suprême s’applique-t-il également aux situations dans lesquelles Israël se dérobe aux lois de la guerre ou les viole sciemment ? Si on appliquait ponctuellement les lois de la guerre, bien des officiers israéliens seraient déjà sous les verrous. Mais le monopole exercé par les Israéliens sur l’application de la définition de la guerre leur permet de porter atteinte « avec mesure » aux droits des personnes à fonder et entretenir une famille, et cela sans éprouver la moindre honte de refuser ce droit sur une base clairement ethnique.

Et on n’a encore rien dit du clin d’œil et de ce qui se murmure : que tous ces arguments ne sont que bêtises ; que tout est là pour empêcher un « droit au retour rampant » ; mais interdiction de faire aveu de racisme.

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)


 Source : Michel Ghys


Avertissement
Palestine - Solidarité a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Proche Orient.
L' auteur du site travaille à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui lui seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas Palestine - Solidarité ne saurait être tenue responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont elle n'a pas la gestion, Palestine - Solidarité n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.

Retour  -  Ressources  -  Analyses  -  Communiques  -  Accueil