Tous les observateurs avaient prédit que le
Hamas aurait des résultats significatifs et serait même très
proche du Fatah, le parti gouvernant dans l’Autorité
Palestinienne (AP). Personne -- et peut-être très peu de monde
parmi les dirigeants du Hamas -- ne s’attendait à ce que le
mouvement islamique emporte 74 sièges sur les 132 soumis au
scrutin.
En effet, il est possible de dire sans exagération
que le Hamas s’est surpassé, l’énormité de la victoire
prenant le mouvement par surprise, déséquilibrant sa
direction, du moins durant les premiers jours qui ont suivi les
élections. Il est certain que le Hamas n’avait pas espéré
un tel succès et n’avait certainement pas planifié ce
raz-de-marée. Le Hamas avait dit à plusieurs reprises qu’il
souhaitait se retrouver en position d’influencer le
gouvernement palestinien, et non pas de se retrouver dans ce
gouvernement.
Lors des entrevues organisées avec la presse
avant le jour du scrutin, les responsables et les candidats du
Hamas faisaient part de leur espoir de gagner entre 50 et 55 sièges,
ce qui aurait permis au mouvement de jouer le rôle d’une
forte opposition face à un gouvernement supposé être mis en
place par le Fatah. Il est maintenant évident que le Hamas
lui-même a mal apprécié l’importance du rejet de l’Autorité
Palestinienne par les Palestiniens, du fait de l’incapacité
de celle-ci à gouverner et à mettre un terme à l’occupation
israélienne.
La corruption endémique ainsi qu’un ensemble
de griefs vis à vis de l’AP -- le népotisme rampant, le
favoritisme, le détrournement de fonds, le chaos chronique et
l’absence de sécurité des biens et des personnes - ont eu un
impact profond sur le choix des électeurs. Mais il est vrai également
que les raisons sous-jacentes à ce phénomène électoral sont
avant tout liées à la sauvagerie de l’occupation israélienne
qui n’est rien de moins qu’un acte de vol, et à
l’incapacité de l’AP non seulement de mettre un terme à
cette occupation mais simplement d’atténuer les effets
brutaux de cette occupation qui impactent tous les aspects de la
vie des Palestiniens.
En effet, depuis la signature des accords d’Oslo
remontant maintenant à 10 ans, Israël a confisqué 50% de la
Cisjordanie et à implanté des dizaines de colonies juives
habitées par des talmudistes fanatiques dont beaucoup considèrent
les non-juifs comme de la vermine et des animaux qui devraient
être exterminés. De plus, Israël a réellement privé les
palestiniens de leurs libertés et de leurs droits en tant qu’êtres
humains tout en enfermant des milliers de prisonniers politiques
dans des camps de détention sans accusation ni procès.
Cette accumulation des politiques répressives
israéliennes, ainsi que a frustration liée à l’échec et à
la futilité d’unprocessus de paix qui n’a fait que donner
une couverture au traitement génocidaire israélien vis-à-vis
des Palestiniens, expliquent la sanction appliquée au Fatah et
la victoire du Hamas. En vérité, le Hamas ne pourra pas réaliser
de miracles pour le peuple Palestinien, et particulièrement en
ce qui concerne l’occupation israélienne. Le Hamas n’a
jamais promis de libérer Jérusalem ou de faire revenir avec
compensations les millions de réfugiés dans les quatre années
à venir. Le Hamas a été cependant élu sur la base d’une
plateforme « Changement et Réforme » promettant de
mettre de l’ordre dans la maison palestinienne, ce qui est
sans aucun doute le premier pas vers la libération nationale.
Le Hamas devra faire face à de nombreux défis,
spécialement ceux venant des Etats-Unis et de l’Union Européenne
sous la forme de menaces de restreindre l’aide économique à
une Autorité Palestinienne dominée par le Hamas. Le Quartet,
dont les membres (les Etats-Unis, la Russie, les Nations Unies
et l’Union Européenne) se sont réunis à Londres le lundi 30
janvier pour discuter de la montée en puissance pouvement
islamique, ont demandé au Hamas d’abandonner la résistance
armée et de reconnaître l’état d’Israêl. En plus, les
israéliens ont décidé de retenir les si nécessaires 40
millions de dollars mensuels qu’ils doivent comme retour de
taxes, apparemment dans le but d’aggraver la crise économique
à laquelle le Hamas va devoir faire face après ces élections,
et de façon à signifier au peuple Palestinien qu’Israël est
le seul vrai patron, et non pas un quelconque gouvernement
palestinien.
Le Hamas est déjà en train d’essayer d’éviter
un choc frontal avec la communauté internationale, surtout en
l’absence de même un semblant de solidarité de la part du
monde Arabe. Les dirigeants du Hamas en Cisjordanie et dans la
Bande de Gaza ont gagné en sérieux en assurant la communauté
internationale que le mouvement respecterait les engagements
internationaux de l’AP, mais en demandant en même temps que
le monde respecte le libre choix du peuple Palestinien. Cette
semaine, les candidats islamiques vainqueurs aux élections ont
déclaré à la presse occidentale réunie en Palestine pour
couvrir le « tsunami palestinien » que le Hamas
prouvera qu’il est une force de modération et pacifique, et
que le mouvement fera le nécessaire pour faire oublier son
image négative.
Sur le front domestique, le Hamas cherche à
mettre sur pied la coalition la plus large possible pour
gouverner, en intégrant probablement des universitaires et des
techniciens non étiquettés comme « terroristes ».
Le Hamas a aussi sollicité le Fatah pour qu’il se joigne à
ce nouveau gouvernement, disant avec raison que le poid que représente
la responsabilité de gouverner le peuple Palestinien dépasse
la capacité d’une seule organisation. Le Fatah, aigri par sa
défaite cinglante, a jusqu’à maintenant refusé de faire
partie d’un gouvernement tel qu’il est voulu par le Hamas,
sous le prétexte que le Fatah devrait laisser son « ennemi »
et « rival » pour que celui-ci « fasse face à
son destin ». « Laissez-les chuter, de façon à ce
que les gens puissent voir », a dit un candidat du Fatah
en colère. Il est cependant probable que quelques dirigeants du
Fatah se joidront tôt ou tard à un gouvernement dominé par le
Hamas, soit par souci de responsabilité nationale soit pour
obtenir des charges publiques.
Il n’y a aucun doute sur le fait que le Hamas
va devoir naviguer avec prudence dans les eaux troubles d’un
gouvernement sous occupation et d’un environnement
internationale hostile. Pour y parvenir, le Hamas devra faire
preuve d’une certaine dose de pragmatisme, ce qui peut
comprendre une reconnaissance de facto de l’état israélien.
Il n’ y a pas de garantie d’une quelconque réciprocité
de la part des israéliens. Israël est persuadé que la
victoire du Hamas représente un danger, non pas à cause de ses
« objectifs violents » ni par sa non-reconnaissance
d’Israël (que les israéliens utilisent dans leur propagande)
mais plutôt parce qu’avec le Hamas au gouvernement, Israël
ne pourra pas appliquer son chantage habituel vis à vis l’Autorité
Palestinienne.
Il est inutile de dire que les israéliens préfèrent
un partenaire faible qui peut être aisément manipulé, qui
accepterait quelques accords fonctionnels par-ci par-là, et même
une extension de l’occupation israélienne si celle-ci était
un peu moins dure, à la place d’une vraie libération d’un
colonialisme criminel et inhumain ; les israéliens préféreraient
assurément n’avoir à fournir que quelques vagues engagements
par rapport à un Etat Palestinien sans frontières identifiées
et sans substance. Le Hamas ne sera ssurément pas ce genre de
partenaire et insistera sur l’obligation d’un retrait israélien
complet sur les frontières d’avant 1967, ce qui comprend la
libération de Jérusalem-Est. C’est cela le vrai souci d’Israël,
et non pas la résistance armée du Hamas et son refus de
reconnaître Israël.
C’est la raison pour laquelle Israël
utilisera tout dérivatif, tout chiffon rouge possible pour éviter
de faire face à la réalité, à savoir prendre une position
stratégique face à la nécessité de rendre la terre
palestinienne volée et spoliée depuis la geuerre de 1967.