Palestine - Solidarité

   



Conférence du Dr. Ilan Pappé (Université de Haïfa) 
au Centre pour la Trans/formation des Cultures 
de l’Université de Technologie de Sidney (Australie)

 


le 19 août 2004

(retranscrite par l’UTS et traduite de l’anglais par Marcel Charbonnier)

Bonsoir. Je souhaite commencer en remerciant les organisateurs de cette conférence, pour leur aimable invitation. J’en suis à ma cinq ou sixième conférence en Australie, et je n’ai pas encore complètement récupéré du décalage horaire… Mais le fait de prononcer une conférence a – parmi d’autres effets appréciables – celui de vous faire oublier le décalage horaire… Je parlerai environ trente-cinq ou quarante minutes, et j’espère ainsi laisser assez de temps à la discussion, au débat, à vos remarques. J’ai pleine conscience que certaines des choses que je m’apprête à évoquer devant vous, et certaines des conclusions auxquelles j’aboutirai, ne sont pas unanimement admises et, bien entendu, il n’y a aucune raison pour que tout le monde les accepte. Aussi, autant que des informations, j’espère que ces éléments seront pour vous, également, matière à réflexion.

Il est bien difficile, en quarante minutes, de condenser la totalité de l’historique d’un conflit. Je me concentrerai donc sur l’histoire des tentatives déployées afin de résoudre le conflit israélo-palestinien, afin d’essayer de comprendre pour quelle(s) raison(s), cinquante-six ans après 1948, nous sommes toujours en train de rechercher désespérément une issue à ce qui représente l’un des plus longs conflits de l’histoire mondiale. Il s’agira simplement d’un bref passage en revue des événements historiques, dont je pense qu’il est important de les connaître et d’y réfléchir, si on veut avoir une vision plus adéquate de ce qui a foiré, ces quatre ou cinq dernières années, dans les vaines tentatives de résoudre le conflit en Palestine.

Le processus de paix en Palestine et en Israël n’est devenu un intense effort international qu’après 1967, parce que c’est à ce moment-là que les décideurs politiques américains ont décidé que le conflit en Palestine représentait quelque chose de plus qu’un « simple » conflit régional, parce que ce conflit avait, c’est un fait, des implications au niveau mondial. De fait, jusqu’au moment où les Américains se sont engagés en tant que médiateurs et « courtiers de paix » dans la question de Palestine, il n’y a pratiquement eu aucun processus de paix digne d’être mentionné, après 1948. Bien entendu, pendant le mandat britannique (entre 1918 et 1948), il y avait eu plusieurs initiatives et actions britanniques, et il y eut même, sur le tard, un effort américano-britannique pour résoudre le problème, mais ces efforts diplomatiques n’ont pour ainsi dire plus aucune pertinence pour ce qui est en train de se dérouler, de nos jours. Bien sûr, si j’avais été invité à vous donner un cours, et non à faire une conférence, j’aurais examiné ces événements en profondeur, aussi.

Mais après 1948, après la création de l’Etat d’Israël, il y a eu une seule initiative des Nations unies pour résoudre le problème, au moyen d’une conférence de paix. C’était au printemps 1949. Celle-ci échoua. La raison pour laquelle cette conférence de paix échoua, c’est que les Américains, qui en avaient initialement soutenu l’initiative, décidèrent, en 1949, que la Palestine n’était pas un problème. Mais, après la guerre de 1967, la Palestine redevint un problème, pour les Américains, et donc – c’était la guerre froide, ne l’oublions pas – pour les Russes, aussi. La Palestine devint même un des enjeux de la guerre froide elle-même. Une fois la guerre froide terminée, ce à quoi nous avons assisté, ce fut, à nouveau, plutôt à un show médiatique américain qu’à une authentique tentative internationale de régler le conflit israélo-palestinien. En décidant de s’impliquer dans la tentative de résoudre le conflit, les Américains s’étaient fixés deux ou trois lignes directrices, qui les guidèrent dans leurs efforts pour résoudre le conflit et, comme vous le verrez dans ma conclusion, j’aurais tendance à ajouter que, malheureusement, ces funestes lignes directrices sont toujours là, aujourd’hui…

La première et la plus importante de ces lignes directrices, c’était l’idée qu’un processus de paix devait en réalité se fonder sur un rapport de force. Si vous entrez en contact avec une quelconque situation conflictuelle, vous devez tout d’abord examiner le rapport des forces existant, et décider qui est le fort et qui est le faible. Ce n’est qu’ensuite que vous élaborez une tentative de résoudre le conflit, sur la base du rapport de forces existant. Autrement dit, quand vous commencez à élaborer les lignes directrices fondamentales de ce qui devrait s’imposer, en matière de solution, vous vous efforcez de soigner les besoins du fort, et vous êtes beaucoup moins intéressé, en revanche, par ce que le plus faible peut bien avoir à dire. C’est un jeu de pouvoir, et parce qu’il s’agit en fait exclusivement d’un rapport de forces, de votre point de vue à vous, qui êtes une superpuissance, et de votre point de vue de médiateur extérieur, vous vous préoccupez nécessairement de ce qui préoccupe le plus fort, bien plus en tous cas que vous ne prenez en compte ce que le plus faible est susceptible de proposer.

Dans le cas qui nous occupe, cela s’est traduit par le fait que, dès le début des efforts de paix – peut-être devrais-je dire : dès le début des efforts visant à instaurer la Pax Americana ? – c’est-à-dire, plus ou moins, autour de l’année 1969, ce que les Américains ont tenté de nous vendre, en matière de proposition de paix appliquée au cas d’Israël et de la Palestine, et qui fut accepté par les gouvernements du monde entier, ce fut une formule qui cherchait, avant toutes choses, et même exclusivement, à apaiser les Israéliens et à aller dans leur sens.

C’est pourquoi, depuis 1968, le processus de paix a donné naissance à un phénomène des plus stupéfiants. Ce que les spécialistes, les universitaires et les journalistes les plus sérieux considèrent – à juste titre – comme le cœur de la question, la source de la question israélo-palestinienne, c’est, bien entendu, le problème des réfugiés palestiniens. Eh bien, figurez-vous que ce problème n’a jamais figuré à l’ordre du jour des tentatives américaines de ramener la paix. Jamais. Pas une seule fois, depuis 1968 ! De fait, la question des réfugiés palestiniens n’est toujours pas à l’ordre du jour, encore aujourd’hui, en 2004…

Je ne connais pas beaucoup d’efforts de paix, dans l’histoire mondiale contemporaine, qui aient, de la sorte, ignoré totalement la source du problème. Qu’il y ait eu des efforts de paix qui aient queuté parce que les médiateurs n’étaient pas vraiment à la hauteur de la tâche, ou parce que les deux protagonistes n’étaient pas suffisamment désireux de se réconcilier : oui, hélas ! Mais, des « efforts de paix » qui auraient délibérément ignoré le fond du problème ? Non ; je ne vois pas…

Ainsi, dans le cas d’Israël et de la Palestine, je pense que l’une des premières choses à reconnaître, c’est que la source du problème, la racine du conflit – la question des réfugiés, donc –  n’a jamais figuré à l’ordre du jour de l’effort de paix. Cela résulte d’un point de vue américain (lequel n’était pas seulement exprimé dans les couloirs du monde politique) et c’est aussi le résultat de quelque chose qui s’est développé, dans les années 1950 et 1960, dans les départements de science politique des universités américaines – quelque chose que l’on a appelé les « Etudes de la paix », en quelque sorte un chapitre de la polémologie.

Il s’agissait d’une tentative universitaire de résoudre les conflits. Le conflit en Palestine fit l’objet d’une première tentative de chercheurs, qui, à peine franchies les portes tourniquets de leurs campus américains, se mirent à formuler des politiques, en essayant de mettre ces théories en pratique, quitte à forcer énormément : c’est là quelque chose qu’on ne saurait trop dissuader les universitaires de faire… Tant que les universitaires ne s’occupent que de théorie, ce qui est leur travail, au moins : ils ne font pas de mal. Mais quand ils commencent à se targuer de s’occuper de la pratique, nous sommes dans de sales draps…. Tout au moins, dans ma partie du monde. Mais je suis sûr qu’en Australie, il doit en aller tout autrement ; ça n’est sûrement pas le cas ? ! ?

La seconde ligne directrice consistait à dire – cela découle de la première, car afin de savoir quels sont les principaux paramètres du conflit, quelle est l’essence du conflit, et par conséquent quelle doit être l’essence d’une solution au conflit, vous consultez la partie du camp des plus forts – qui va être défini, par la suite, comme incarnant le « camp de la paix ». Autrement dit : vous pénétrez dans la vie politique israélienne et vous essayez de découvrir qui est le meilleur partenaire possible pour la paix, à l’intérieur de l’équilibre des pouvoirs interne à Israël. Là encore, vous n’irez sans doute pas consulter des groupes marginaux, alors qu’il y avait bel et bien des groupes marginaux, en Israël, dans les années 1960, qui auraient conseillé à n’importe quel décideur politique américain d’adopter une attitude qui aurait placé la question des réfugiés palestiniens au centre, mais ces groupes étaient considérés comme dépourvus de toute importance, tant en termes d’effectifs qu’en termes d’influence politique, alors, n’est-ce pas…

Si bien qu’au total, vous aviez en tout et pour tout deux forces politiques principales en Israël, dont l’une était celle de gens qu’on peut appeler les « Rédimeurs » [ceux qui « rachètent les terres « juives » », ndt], les autres étant les « Gardiens » [ceux qui s’accrochent aux colonies, afin d’en faire une « monnaie d’échange », ndt]. Ces deux groupes se livraient de véritables batailles idéologiques entre eux sur la question du devenir des territoires occupés par Israël en 1967, à savoir : la Cisjordanie et la bande de Gaza.

Les Rédimeurs considéraient que la Cisjordanie et la bande de Gaza, qui ne représentent qu’environ 20 % de la Palestine originelle, faisaient partie intégrante de l’Israël antique ou du « Grand Israël ». Nous les appelons les Rédimeurs parce qu’ils croient qu’en 1967, Israël a « racheté » l’ancien foyer national juif, c’est-à-dire l’ancien royaume juif, et ils n’étaient dès lors plus motivés pour négocier un quelconque règlement qui aurait entraîné leur retrait de ces territoires occupés, dans le cadre du processus de paix.

Les Gardiens, associés quant à eux principalement au parti Travailliste israélien, parlaient des territoires occupés comme s’il se fût agi de régions à conserver sous bonne garde, dans l’attente de négociations avec le monde arabe, afin d’atteindre un accord de paix, après la guerre de 1967. Ainsi, les Américains décidèrent-ils que la position du parti Travailliste – israélien, faut-il le rappeler –représentait la plate-forme idoine pour une paix entre Israël et le monde arabe…

A l’époque, les Jordaniens – disons plutôt : la monarchie jordanienne – voisine d’Israël et qui avait annexé la Cisjordanie dès 1948, voulut se substituer aux Palestiniens pour négocier le devenir de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Pendant une certaine période, entre 1967 et 1987, la position officielle jordanienne a consisté à dire que la Cisjordanie faisait partie intégrante de la Jordanie et non d’une Palestine indépendante future. Cette position prit fin en 1987, et même probablement avant (mais c’est bien en 1987 que la fin en fut officiellement annoncée).

Ainsi, l’idée fondamentale, issue de la position américaine en matière de devenir de la Palestine porte sur deux points. Premier point : la Palestine était censée n’être que la Cisjordanie et la bande de Gaza, qui ne représentent ensemble que 23 % de la superficie de la Palestine historique. C’est très habile, car, ainsi, si vous voulez négocier le futur de la Palestine, vous ne négociez pas le devenir d’Israël, un Etat fondé – excusez du peu – sur les 80 % de ladite Palestine (historique). En revanche, vous négociez le futur de régions qui sont plus familières pour vous, dont vous entendez tout le temps parler : la Cisjordanie et la bande de Gaza, c’est-à-dire, je le rappelle, environ un cinquième de la Palestine historique ! Voilà pour le premier point. Le deuxième point, c’est que ce n’est nullement avec les Palestiniens que vous allez négocier l’avenir de cette micro-Palestine. Non ; vous allez le négocier, cet avenir, avec – je vous le donne en mille – les Jordaniens ! C’est ce qui fut baptisé du nom d’ « option Israël / Jordanie » et cela demeura la principale plate-forme du parti travailliste israélien, jusqu’à son remplacement par la plate-forme de la construction du Mur, qui est, [je pense qu’il est important de le rappeler, et de rendre ainsi à César ce qui appartient à César] : la construction du Mur est [le plat de résistance d’] un plan de paix concocté par… bingo :  le parti travailliste israélien ! ! !

Bien entendu, cette tentative a échoué lamentablement, parce que la Palestine, ça n’a jamais été seulement la Cisjordanie et la bande de Gaza : la Palestine recouvre l’entièreté de la région située entre le Jourdain et la côte méditerranéenne. Ensuite, le peuple palestinien n’a jamais cessé d’exister, contrairement à ce qu’affirmait le Premier ministre israélien de l’époque, Golda Meir, qui aimait poser à la cantonade la question rhétorique : « Les Palestiniens ? Quels Palestiniens ? Je ne connais pas de Palestiniens… S’il existait un peuple palestinien, cela se saurait ! »

Le peuple palestinien, néanmoins existait. Non seulement il existait, mais il s’était doté d’un mouvement national, et même d’une organisation incarnant ce mouvement national : l’Organisation de Libération de la Palestine [OLP]. Mais cette OLP n’a jamais été conviée aux négociations, elle n’a jamais été considérée comme un partenaire légitime des négociations de paix au sujet de l’avenir de la Palestine. De fait, à l’époque, c’est-à-dire à la fin des années 1960 et au début des années 1970, elle était considérée comme une organisation purement terroriste.

Le troisième principe américain – et là encore, il s’agit d’un principe issu des sphères de la science politique – concernait la perception des raisons multiples des conflits et de la manière de les résoudre. C’était là une méthode de quantification d’émotions humaines, de sentiments et d’histoires, qui aboutissait  à la formule suivante :

« Tout ce qui est visible est divisible ».

Ainsi, ce que les Américains qualifient de strates sous-jacentes invisibles des conflits, vous le laissez tomber : on n’a pas à s’en occuper, n’est-ce pas… Bon. Très bien ?…

Voyons donc ce qui est « visible »… Qu’est-ce qui « se voit » ? Le territoire, la démographie, les ressources naturelles. Et qu’est-ce qui « ne se voit » pas, quand on regarde les choses sous cet angle-là ? La culpabilité, la morale, l’éthique, la justice et tout ce qui ne saurait être quantifié au moyen du compteur que les spécialistes américains de la science politique se complaisent à utiliser pour évaluer les conflits, où que ce soit dans le monde…

Aussi, les Américains retournèrent à la règle numéro 1. Si vous voulez diviser les terres, qui représentaient le principal atout entre leurs mains, étant donné qu’ils étaient eux-mêmes les courtiers de la paix, si vous voulez partager les terres, disais-je, vous en revenez au statu quo, au rapport des forces existant sur le terrain. Etant donné ce qu’était ce rapport des forces, autant aller demander aux Israéliens directement (pour gagner du temps…) de quelle manière ils entendaient partager la terre de Palestine, histoire d’installer une réalité nouvelle, sur le terrain, car cela seul comptait.

En 1967, Israël contrôlait déjà 80 % de ce qui avait été la Palestine historique, et les régions palestiniennes se résumaient aux 20 % restants, c’est-à-dire : à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. Ainsi, il était clair, dès le début, que le camp de la paix, en Israël, qui était déjà organisé en un mouvement extra-parlementaire, à la fin des années 1970, ainsi que les négociateurs de paix américains, voyaient dans le partage : 20 % de la Palestine pour les Arabes (à l’époque, je le rappelle, les Jordaniens, et nullement les Palestiniens…) / 80 % pour les juifs comme le « meilleur et le plus équitable des marchés qu’ils puissent imaginer »…

Ce n’était pas si mal, pour l’époque ! Je veux dire : quand on voit, aujourd’hui – ce qui est absolument stupéfiant – qu’avec 12 millions de personnes vivant entre le Jourdain et la Méditerranée, on peut entendre des gens sincères et de bonne volonté, tant dans le camp de la paix israélien que dans les diverses agences gouvernementales américaines impliquées, adopter cette approche du type « halle aux légumes » ou « criée aux poissons » du processus de paix et dire qu’ils ont vraiment imaginé « la solution pacifique la plus généreuse et la plus raisonnable qui soit de la question de Palestine, en se fondant sur le sens commun et la rationalité », [cela peut vous faire ressentir une certaine nostalgie pour ladite époque…] 

Imaginez : nous avons là douze millions de personnes, dont six millions ne sont pas des Palestiniens – ce sont six millions de juifs – et vous offrez à ces juifs 80 % des terres. Oui, oui, je dis bien : aux juifs, qui sont fondamentalement les pièces rapportées – et puis [tiens, il y a du rab…, alors] vous offrez les  20 % des terres restantes à la population indigène de la Palestine (aussi nombreuse qu’eux)… C’est ça, leur « offre généreuse », leur « proposition raisonnable » et si vous aviez marché dans la combine, à coup sûr – si vous aviez accepté d’être leur interlocuteur, on aurait attendu de vous, par-dessus le marché, que vous disiez : « J’ai vraiment du plaisir à faire affaire avec vous ! » [d’ailleurs, si vous ne l’aviez pas dit, vous auriez été considéré d’une ingratitude crasse !]

En 2000, on demanda au président de l’OLP, Yasser Arafat, de signer un papelard fondé très précisément sur ce type d’ « offre généreuse ». Malgré toutes ses limites et ses déficiences – je connais Arafat depuis des années et je ne l’idéalise nullement – mais malgré toutes ses limites et ses déficiences, il y a, au moins, une chose qu’il a comprise : se pointer devant les journaliste et dire : « Chapeau, je suis bluffé : quelle offre généreuse ! », c’était trop. Même pour lui !

Néanmoins, illico presto, le président Clinton tint une conférence de presse, au cours de laquelle il a déclaré (parlant d’Arafat) : « Ce type est un rabat-joie, c’est un terroriste. C’est quelqu’un que le monde doit condamner . » Sur la foi de cette déclaration américaine, les Israéliens entreprirent immédiatement de marginaliser le président palestinien, et cette attitude n’a jamais cessé, depuis lors.

Aussi, pas étonnant que de multiples tentatives aient échoué. La plus sérieuse, et sans doute la plus sincère, fut celle, conjointe, des Américains et du camp de la paix israélien, de parvenir à une solution sur la base des trois lignes directrices que j’ai évoquées, durant la période d’Oslo. Mais même cette tentative sérieuse a échoué.

Il était bien compréhensible qu’après de tels efforts, à l’automne 2000, il était impossible de convaincre qui que ce soit, en Palestine – et de fait, il était même bien difficile de convaincre beaucoup d’Israéliens – que cette formule était la bonne, pour obtenir la paix. Durant la période d’Oslo, il y eut une tentative intéressante, au tout début de l’initiative, en 1993, lorsque quelques-uns des hommes politiques israéliens – sincèrement, je pense – ont dit aux négociateurs palestiniens qu’après cinq années de tentatives (vaines) pour définir une solution fondée sur ces trois lignes directrices, ils étaient prêts à se tourner vers une solution plus globale, prenant en compte ce que les Israéliens (eux aussi) avaient coutume d’appeler « les strates invisibles du conflit ».

Ces strates invisibles comportaient principalement deux problèmes : la question des réfugiés et le devenir de Jérusalem. Mais il y en avait un troisième, qui représentait aux yeux des Américains un problème, une strate visible, qu’il était possible de traiter rationnellement, mais qui n’en représentait pas moins, aux yeux des Israéliens, une strate plus mystique que simplement visible, et cette strate, c’était la question des colonies juives qui avaient été construites dans les territoires occupés.

Les négociateurs israéliens firent des colonies une question qui nécessitait du temps et des négociations complexes, puisque, insistaient-ils, il s’agissait de l’une des strates invisibles du conflit… Bien entendu, tout Palestinien, qui vit en Palestine, ne pense pas que les colonies soient particulièrement invisibles ! ! ! Ce sont les colonies, qui traitent les Palestiniens comme s’ils étaient invisibles, mais les colonies, elles-mêmes sont visibles. Et comment ! ! ! Nuance, donc !

Je pense que la raison pour laquelle le parti travailliste a décidé, dès le départ, de classer la question des colonies bâties illégalement dans les territoires palestiniens dans la rubrique des aspects obscurs du conflit, des aspects « invisibles », et donc des aspects impossibles à traiter directement, pour les politiciens, et à ajourner d’urgence jusqu’au terme d’un long processus de cicatrisation et de réconciliation, tenait au fait qu’eux-mêmes, les travaillistes donc, étaient à l’origine du projet de colonisation…

Je pense que vous savez, pour la plupart d’entre vous, que durant les années du processus d’Oslo, c’est-à-dire pendant que le processus de paix se poursuivait, le parti travailliste a construit beaucoup plus de colonies que n’en a construit le gouvernement conservateur, une fois revenu aux manettes en Israël…

Voilà qui explique pourquoi la question des colonies fut supposée devoir être traitée dans un contexte différent, et non pas dans un contexte de paix.

Maintenant, si vous alliez sur le terrain, à l’époque d’Oslo, et que vous voyez, en vous mettant dans la peau d’un Palestinien que la colonisation continuait de plus belle, et que toujours plus de chantiers de nouvelles colonies s’ouvraient, vous n’êtes pas surpris, lorsque vous apprenez, en été 2000, que le président Clinton a fait son hallucinante déclaration selon laquelle tout ce dont il avait besoin, c’était de quinze jours à l’hôtel King David pour résoudre le conflit, ni vous n’êtes surpris a) que cela ait queuté, et b) que les Palestiniens, sur place, aient décidé qu’ils en avaient assez et que l’insurrection, la deuxième Intifada, ait éclaté. Et nous en sommes là, aujourd’hui, en 2004 : cela fait quatre ans que cette insurrection se poursuit, et il est bien difficile d’en apercevoir la fin.

Maintenant, que faudrait-il faire, au lieu de ce gymkhana de la paix éreintant, que je vous ai fait re-parcourir, et qui était emmené par un courtier malhonnête ; j’ai nommé : les Etats-Unis d’Amérique ? Ce qu’il faudrait faire, c’est adopter une approche entièrement différente, et c’est avec ceci que je voudrais vraiment m’acheminer vers ma conclusion, et cette fois-ci – promis,  juré ! – ouvrir le débat.

Je pense que les leçons que l’on peut retirer de l’échec du processus de paix, c’est non seulement que les Américains basent leur processus de paix sur l’idée erronée selon laquelle il existerait un équilibre des forces, ce qui revient à dire que le seul point de vue qui ait une quelconque importance, c’est le point de vue israélien. Mais c’est encore – autre leçon – l’idée que l’échec tient à cette approche purement quantitative, qui revient à dire que vous vous contentez de partager des territoires en vous dispensant de voir et de traiter tout le reste, qui n’est pas quantifiable, et qui est néanmoins fondamental.

Et enfin, il y a cette idée absolument extravagante, selon laquelle c’est le camp de la paix israélien, et lui seul, qui est à même d’imaginer, et de fait, de rédiger à sa guise, des propositions de paix, et non les Palestiniens ! Ce n’est que dans une deuxième temps, après que le camp de la paix israélien ait pondu ses « propositions de paix » que vous allez trouver les Palestiniens, pour leur demander si, par hasard, ils n’auraient pas chez eux quelqu’un qui soit susceptible de mordre à l’hameçon et d’y répondre…

La leçon à retirer de ceci, c’est que l’approche américaine – peut-être devrions-nous parler d’approche américano-israélo-pacifiste ? – est dépourvue de toute dimension historique. Si vous êtes en permanence obsédé par l’équilibre des forces, vous ne voulez rien entendre sur ce qui s’est passé avant, vous ne prenez même pas en compte la possibilité que le rapport des forces puisse changer, à l’avenir. De fait, ce que vous convoyez vers le camp des faibles, c’est l’idée : « O.K. Aujourd’hui, le rapport des forces, c’est ça, et c’est pour ça que le marché ne me convient pas trop. Alors je vais attendre encore un petit peu… On ne sait jamais : ce rapport des forces, il va bien finir par changer, un de ces jours ? »

Mais nous savons très bien que dans les rares endroits, au vingtième siècle, où une réconciliation a vraiment réussi, il n’a jamais été question d’un rapport de force. Il a été question d’apaisement, de réconciliation, d’excuses, de rapatriements, de compensations, de dédommagements, bref… de toutes sortes de choses qui n’ont absolument rien à voir avec un rapport de forces. Et même, en réalité, sous bien des aspects, ces avancées s’opéraient contre vents et marées, à contre-courant, précisément du statu quo, c’est-à-dire, précisément, du rapport des forces sur le terrain…

Vous prenez la victime, c’est-à-dire le camp du faible, et vous demandez à l’agresseur, vous demandez au tortionnaire, de faire des concessions envers la victime, et pas le contraire ! Ce qui s’est passé, dans le conflit israélo-palestinien, c’est que la victime se voit constamment demander de faire des concessions. Et quand elle n’en fait pas, elle est, par-dessus le marché, caricaturée en principale cause de l’échec du processus [dit] de paix.

Mais l’absence de toute dimension historique est également intéressante à un autre titre : il se trouve que c’est très précisément la dimension historique qui est le facteur essentiel de la paix en Israël et Palestine. C’est la raison pour laquelle il est extrêmement regrettable qu’autant de précieuses années aient été perdues, chaque année s’écoulant sans que vous ayez la paix, au Moyen-Orient. Ce que vous avez, chaque année, au Moyen-Orient, c’est : la guerre !

Si on a enregistré encore une énième année de guerre, cela signifie qu’il y a eu des victimes humaines, durant toute cette même année, des deux côtés. Si vous prenez en compte la dimension historique, vous comprenez que ce n’est en aucun cas l’équilibre des forces qui importe, dans la situation qui nous intéresse, mais bien le fait qu’il y a certains événements historiques qui sont absolument capitaux si l’on veut comprendre la raison pour laquelle les Palestiniens et les juifs ne peuvent pas vivre, aujourd’hui, dans la paix et l’harmonie.

Les plus importants de tous ces événements historiques, ce sont tous les événements intervenus en 1948, quand les Israéliens ont procédé à la « purification ethnique » des Palestiniens. Quand ils ont volé aux Palestiniens et leurs terres et leurs maisons. Entre mars 1948 (adoption d’un plan directeur pour le nettoyage ethnique de la Palestine par les sionistes) et la fin des années 1950, ce sont quelque 530 villages palestiniens qui ont été ainsi détruits, plus onze villes palestiniennes démolies et trois quarts de million de Palestiniens expulsés et transformés en réfugiés apatrides.

Les Nations unies – incarnation de l’opinion publique mondiale, en 1948 – ont donné l’ordre à Israël de permettre à ces gens de rentrer chez eux. Or, Israël a refusé. Les sentiments de ces réfugiés, non seulement d’avoir été totalement dépossédés de tout, mais aussi d’être interdits de retourner chez eux, c’est quelque chose que les réfugiés palestiniens, et par conséquent le mouvement national palestinien dans son ensemble, ont considéré comme la source principale de leurs griefs tant contre le monde entier, d’une manière générale, que contre Israël lui-même.

L’OLP a été créé bien avant qu’Israël n’occupât la Cisjordanie et la bande de Gaza, en 1967. Le mouvement national palestinien, bien avant qu’Israël eut occupé la Cisjordanie et la bande de Gaza, exigeait que les réfugiés, qui avaient été chassés de chez eux manu militari, de leurs maisons, de leurs villages, de leurs quartiers, soient autorisés à rentrer chez eux. De fait, je le répète, ce sont les mêmes Nations unies qui légitimèrent la création de l’Etat d’Israël, en novembre 1947 – en réalité, exactement la même assemblée générale, mais avec une majorité beaucoup plus importante – qui exigea qu’Israël autorisât le rapatriement de ces réfugiés. Les Israéliens, en guise de réponse, détruisirent leurs maisons, et construisirent des colonies juives (en leur donnant parfois, d’une manière outrageusement cynique, le même nom arabe, vaguement hébraïsé), sur les gravats des villages et des villes arabes qu’ils avaient détruits.

Quand ils plantaient des forêts à la place des villages et de la campagne qu’il y avait là, auparavant, c’était dans l’espoir [vain] d’occulter la mémoire de ce qui s’était passé, ce qu’ils étaient en train de faire, et aussi ce qu’ils avaient commis par le passé : dès lors, il était trop tard pour pouvoir encore parler d’une réconciliation. C’est dans ces années-là que nous avons eu l’incendie qui allait couver et rallumer perpétuellement le conflit, de manière récurrente, depuis lors.

Si vous voulez expurger la violence de ce conflit, si vous voulez purger ce conflit de sa violence, si vous voulez engager un processus sincère de réconciliation, alors vous devez commencer par la condition sine qua non : la reconnaissance par Israël de ce qui s’est passé en 1948.

Une telle reconnaissance n’est pas facile, pour les Israéliens, car il trouveraient bien difficile, après cinquante-six années de vie dans un état de déni total, de reconnaître que tel est bien ce qui s’est passé, après qu’on leur ait répété partout – à l’école à l’université, dans les médias, dans la bouche de leurs hommes politiques – le mensonge selon lequel les Palestiniens auraient volontairement abandonné leurs maisons et que c’étaient, soi-disant, les juifs qui les suppliaient de rester !

Nul doute qu’il sera très difficile de les persuader de la réalité, c’est-à-dire de l’exact contraire de cette doxa. Mais c’est pourtant la clé de toute solution. Cette reconnaissance est primordiale. Je suis sûr que, dans d’autres parties du monde, il y a des problèmes similaires de déni et de reconnaissance nécessaire, mais je n’en parlerai pas, car je suis en Australie depuis seulement quatre jours !

La deuxième chose, c’est que les Israéliens doivent être tenus responsables de ce qui s’est passé : il y a une responsabilité, qui ne saurait être assumée qu’en étant reconnue. Mais la responsabilité, cela consiste-t-il à dédommager les réfugiés ? La responsabilité, cela implique-t-il de permettre aux réfugiés – à tous les réfugiés ( ?) – de rentrer chez eux ?

Ce sont là des questions qui devront être réglées entre les Israéliens et les réfugiés. Mais cela ne se règlera pas facilement, si cela n’est pas précédé de la reconnaissance de leur responsabilité par les Israéliens. Ce n’est qu’alors que les Israéliens pourront demander aux Palestiniens – pas seulement aux Palestiniens, mais au monde arabe tout entier – de les accepter chez eux. Ce n’est qu’alors que vous pouvez demander au monde arabe de les accepter : « Oui, il y a là une nation juive de six millions de personnes, peut-être bientôt de sept millions, qui n’est en rien une nation arabe. Elle est là par l’effet d’un projet colonialiste, il est vrai, mais elle est là pour y rester… »

Ce ne sera pas facile, de demander une telle acceptation, une telle coexistence, si Israël persiste à dénier ce qu’il a fait en 1948, et s’il s’entête à nier ce qu’il a fait depuis lors… [Ce sera même tout à fait impossible.]

Mais avant tout, il faut savoir qu’il s’agirait là d’un jeu purement théorique, d’un jeu intellectuel totalement abscons, tant que l’occupation israélienne perdurerait. Il est absurde de pousser les deux camps dans un quelconque processus de réconciliation tant que l’occupation militaire de la Cisjordanie et de la bande de Gaza se poursuit. Le fait que l’occupation entre dans sa trente-septième année est absolument stupéfiant. Nulle autre partie du monde n’a eu à souffrir d’une occupation militaire continue depuis trente-sept ans – d’une occupation violente, accompagnée de violations des droits humains, des droits civils.

Il y a bien sûr des occurrences quotidiennes, qui, si vous en faites état dans les médias sur une base journalière, ne permettent pas au lecteur ou au téléspectateur de prendre l’exacte mesure de ce dont il s’agit, de ce que cela signifie qu’une occupation. En effet, vu jour après jour, cela ne paraît pas si terrible. Cela ne fait que ressembler à hier, où quatre Palestiniens ont été tués, dont un enfant de huit ans.

Vous pouvez toujours dire : « O.K., regardez un peu dans le monde entier : ce genre de trucs, ça arrive… »

Mais si vous avez l’œil de l’historien, et si vous examinez les quatre années écoulées, vous voyez le nombre d’enfants tués, vous voyez le nombre de maisons démolies et vous comprenez bien que ce que vous venez de lire dans votre quotidien du jour n’est pas un phénomène isolé, mais une occurrence quotidienne, une occurrence récurrente… C’est le genre de situation où des étudiants ne peuvent se rendre à leur université, parce qu’il y a des tanks qui en barrent l’entrée et parce que des soldats ont fait irruption dans les salles de cours afin d’y rechercher de prétendus suspects de terrorisme. Et quand vous comprenez que cette situation se poursuit depuis trente-sept ans, alors vous vous posez tout simplement la même question que moi :

« Comment le monde a-t-il pu laisser cela arriver sans rien faire, depuis autant d’années ? »

Nous parlons, ici, d’un pays qui est situé à un point stratégique, au chevet de l’Europe, tout près des champs pétrolifères du Moyen-Orient, d’un endroit qui ne laisse pas du tout indifférente l’opinion publique de l’Amérique et de l’Occident, d’une manière générale.

Je suis peut-être un mauvais historien, mais je n’ai pas rencontré une seule journée, dans toute l’histoire de l’occupation, où il aurait pu se faire que les Israéliens aient eu réellement la sensation que des hauts cris de protestation s’élevaient contre eux, leur demandant de mettre un terme à l’occupation. La plupart du temps, les Israéliens n’ont pu qu’avoir le sentiment que cette occupation, le monde la comprenait, et même qu’il s’en accommodait fort bien.

Je pense qu’il est de la responsabilité des sociétés civiles, dans le monde entier – puisque, aussi bien, nous avons perdu la foi dans nos gouvernements – de nous aider à faire mettre un terme à cette occupation. Car, si nous ne mettons pas fin à l’occupation, tout ce que j’ai dit, au sujet de la réconciliation, n’est rien d’autre que simples propos académiques.

Il faut, au minimum, libérer ceux des Palestiniens qui subissent ces conditions effroyables, avant de pouvoir dire : « O.K., l’occupation est terminée ». Mais il ne s’agit pas là, en l’occurrence, de la paix. La fin de l’occupation n’est pas la paix ; ce n’est pas une guérison ; ce n’est pas la réconciliation. C’est le préalable au commencement d’une existence plus acceptable, pour les deux camps.

Comment cela peut-il être obtenu : je vous ai donné une piste, avec ce que j’ai appelé les trois A : Acknowledgement [Reconnaissance] ; Accountability [Responsabilité – Reddition de comptes] et Acceptance [Acceptation].

Ce n’est absolument pas l’unique solution possible, que je vous livre là ; ce ne sont que des lignes directrices. Je suis un universitaire, je n’ai donc pas à tailler sur mesure une solution qui traiterait absolument tous les aspects du conflit, et je n’ai pas réussi, en si peu de temps, à évoquer toutes les dimensions du problème. J’espère que d’autres points seront soulevés lors de notre débat. Mais je voudrais répéter mes trois « A », qui sont véritablement le préalable de la paix, et dont j’espère que vous les emporterez chez vous, en guise de nourriture pour votre réflexion, si vous êtes concernés par ce qui se passe en Palestine et si vous pensez, comme moi, que le futur de la Palestine n’est pas simplement le futur des juifs et des Palestiniens qui y vivent, mais qu’il s’agit bel et bien de l’avenir des relations entre le monde arabe et musulman et l’Occident.

Tout ce qui se passera en Palestine aura en effet un écho dans la relation future entre près d’un milliard de musulmans, trois cents millions d’Arabes et le monde occidental, c’est-à-dire le monde auquel appartiennent les ex-puissances coloniales. Ce n’est pas le seul problème. A l’évidence, il y a de nombreux autres problèmes, mais il s’agit bien du problème qui résume les chances d’une relation meilleure entre les différentes cultures et civilisations et c’est aussi la clé pour un ensemble très regrettable de relations conflictuelles, auquel nous assistons, depuis un certain 11 septembre 2001.

Je reprends ces trois « A ».

La Reconnaissance [Acknowledgement] : je ne pense pas qu’il doive s’agir uniquement d’une reconnaissance israélienne ; j’aimerais voir aussi une reconnaissance juive mondiale, et aussi une reconnaissance occidentale de la réalité de l’épuration ethnique [sioniste] en Palestine ! Cela n’a rien d’évident. La plupart des manuels scolaires, dans le monde entier, passent cette épuration ethnique sous silence. Tout du moins, ils n’en parlent pas encore : c’est à nous de faire en sorte que les manuels scolaires traitent d’une donnée historique tout aussi incontestable que l’extermination des juifs, en Europe. Il s’agit de l’holocauste des Palestiniens ; il s’agit de la grande catastrophe [Nakbah, ndt] des Palestiniens ! Cela ne saurait être effacé des pages des manuels scolaires ; cela doit être réintroduit dans les livres d’histoire. C’est la Reconnaissance, c’est l’Acknowledgement. Cela ne concerne pas seulement Israël ; cela concerne le monde entier !

La Responsabilité, la Reddition de comptes [Accountability], le deuxième « A », concerne Israël. Il faut contraindre Israël à se sentir responsable. Cela doit se manifester de la manière dont beaucoup d’autres nations ont procédé, par le passé : Israël doit assumer les responsabilités de ce qui s’est passé, parce que ce signal nous permettrait d’accéder à ce qui est probablement le plus important de ces trois « A », l’ « Ability », c’est-à-dire la Capacité, pour le monde arabe d’une manière générale et pour les Palestiniens en particulier, d’accepter que la nation juive fasse partie intégrante du Moyen-Orient. La société arabe, d’une manière générale, n’est pas réconciliée avec Israël, en dépit de la paix officielle qu’Israël a signée tant avec la Jordanie qu’avec l’Egypte. Il faut voir la réalité en face : tant la société égyptienne que la société jordanienne n’acceptent ni l’existence, ni la politique juives au Moyen-Orient. Mais dès lors que le problème palestinien serait derrière nous, le monde arabe, dans son ensemble, finirait par découvrir que ses dirigeants ne seraient plus en mesure d’utiliser la question palestinienne comme prétexte pour ne pas solutionner la pauvreté ; pour prétendre que les droits des femmes ne peuvent progresser, toujours au prétexte de la question palestinienne non solutionnée. Ces dirigeants devraient vraiment faire face aux autres problèmes posés à l’humanité dans leurs propres pays, parce qu’ils ne seraient plus en mesure de galvaniser les populations du monde arabe en leur disant : « cela est subordonné à la solution de la question palestinienne ». Nous avons besoin de cette solution, dans l’intérêt non pas des seuls Arabes et des seuls juifs, mais bien dans l’intérêt de toutes les personnes qui vivent au Moyen-Orient.

Je vous remercie.

 


 Source : Silvia Cattori


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