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Ha'aretz, 27 mars 2006
La révolution d'Amir Peretz
éditorial de la rédaction
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Si, après le comptage des bulletins de vote, il apparaît qu'Amir
Peretz a réussi à mettre à mal le lien qui unit les villes de développement
(1) et le Likoud, et à venir à bout de la répugnance des immigrants des
années 50 à voter travailliste (ce qui semble probable au vu de la manière
chaleureuse dont il y est reçu lors de ses meetings), cela en soi suffirait pour déclarer que la révolution d'Amir Peretz a réussi.
Il a entamé sa campagne en tant que dirigeant travailliste et la finit
en tant que chef incontesté du Parti travailliste (2). Même si les
travaillistes n'ont pas la majorité des sièges, ils donnent au moins
l'impression que, pour la première fois depuis des années, ils vont dans la bonne
direction : celle du renforcement et de la cristallisation de son idéologie.
Peretz ne cesse de répéter qu'il souhaite être l'idéologue de la
nation. L'expression sonne comme un archaïsme dans notre réalité
d'aujourd'hui, faite de publicité et de techniques de marketing. Mais même ceux
qui sont en désaccord avec ses conceptions socialistes ne peuvent nier qu'il
est cohérent, compétent, et qu'il fait le lien nécessaire entre
l'occupation et la pauvreté.
Sa compréhension du lien qui existe entre l'économie et la
politique étrangère, entre l'irrationalité des investissements effectués
au-delà de la ligne Verte et l'abandon des villes de développement, entre les
énormes différences de salaires et la montée de la xénophobie, ainsi que
le fait que Peretz, contrairement à Olmert, a toujours oeuvré depuis le début
des années 70 pour en finir avec l'occupation, même quand tout son
entourage et son milieu social pensaient différemment, tout cela témoigne de
son indépendance. Par-dessus tout, cela souligne le fait que le Parti
travailliste a raté une occasion historique : il n'a pas été
assez sage pour conquérir les coeurs des électeurs de la périphérie, et a
eu peur d'apparaître comme une vraie gauche, sociale et diplomatique, en
raison d'espoirs illusoires d'être invité à tous les mariages.
Il faut espérer que les travaillistes, sous la direction d'Amir
Peretz, seront un partenaire important de la coalition qui formera le
prochain gouvernement, et que son président se verra confier un portefeuille
prestigieux, ce qui l'aidera à accumuler de l'expérience en matière
de gouvernement. Peretz souhaite mener des négociations avec les
Palestiniens avant de décider des retraits unilatéraux supplémentaires, mais
il a promis de soutenir toute évacuation de colonies s'il apparaît que
des négociations sont impossibles. Il entrera au gouvernement muni d'un
mandat qui le charge de mener à bien un changement social, et en premier
lieu de réduire les inégalités. Ce changement devra être mis en oeuvre
dans le cadre budgétaire existant, et non en augmentant les dépenses de l'Etat,
ce qui saperait notre stabilité économique.
Il est difficile de croire que l'appel de Peretz à inclure les
partis arabes dans la coalition gouvernementale aura beaucoup de soutien,
mais son attitude sur l'égalité de traitement vis-à-vis de la minorité
arabe peut peut-être se traduire par une politique de plus grande coopération
et de compréhension, ce qui constituerait un contre-poids bienvenu
face à la propagande des autres partis qui agitent une soi-disant menace
démographique, et qui, ce faisant, font du mal aux relations entre
Juifs et Arabes.
Amir Peretz a restauré l'enthousiasme au Parti travailliste, chose
qui semblait avoir disparu. Le choix des candidats par l'intermédiaire
de primaires, et non par un comité central, est devenu, grâce
au Parti travailliste, un modèle imité par le Likoud et peut-être, plus
tard, par Kadima. Si les candidats précédents du Parti travailliste ne
retournent pas à leurs anciens travers et ne commencent pas, après les élections,
à saper l'autorité de Peretz au sein du parti, sous le prétexte
qu'il aurait échoué à cause de lui à former le prochain gouvernement, sa
participation au prochain gouvernement, à un poste important, serait le vrai test
qui permettrait de juger de sa capacité à gouverner le pays à
l'avenir.
(1) Villes de développement : villes créées dans les années 50, majoritairement dans le Néguev, pour accueillir les nouveaux
immigrants venus pour la plupart des pays arabes, en particulier du Maroc.
Chroniquement touchées par la pauvreté et le chômage.
(2) En 2002, la journaliste Hannah Kim parlait de "la tragique
alliance entre les colons et les pauvres" : http://www.lapaixmaintenant.org/article256
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