[Constat : une politique israélienne fondée sur le principe des
représailles infligées à la population palestinienne obtient des
résultats inverses à ceux escomptés. Baskin propose ici une autre
politique pour Gaza, exemples concrets à l¹appui]
http://www.jpost.com/servlet/Satellite?cid=1136102658710&pagename=JPost%2FJP
Article%2FShowFull
Jerusalem Post, 2 décembre 2006
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
En préparant le retrait de Gaza, le département planification
stratégique de Tsahal avait imaginé deux scénarios possibles pour
la période post-désengagement. L¹un considérait Gaza comme un
test de la faculté des Palestiniens à gouverner. Les résultats
obtenus à ce test, ainsi que le formulait la conception stratégique
de Tsahal, détermineraient dans quelle mesure il serait possible d¹entamer
un processus de négociations avec les Palestiniens, ou d¹avancer
sur la Feuille de route.
L¹autre conception stratégique considérait Gaza comme un
"pilote" qui, comme dans le premier scénario, serait également
un test. Mais au lieu de le voir comme quelque chose que les
Palestiniens devaient réussir par eux-mêmes, dans ce modèle
" pilote ", Israël ferait tout ce qui serait en son
pouvoir pour assurer le succès de la prise de contrôle [de Gaza]
par les Palestiniens. Les stratèges israéliens recommandèrent
avec force au gouvernement d¹adopter ce dernier modèle. Néanmoins,
il est très clair, quatre mois plus tard, que c¹est le modèle du
"test" qui a été adopté et que, pour le moment, les
Palestiniens y ont gravement échoué.
Il faut aussi mentionner le fait que pratiquement rien du modèle
"pilote" (où Israël devait assister et assurer le succès
de la prise de contrôle) n¹a été adopté ni appliqué.
L¹échec des Palestiniens à gouverner, à assurer l¹état de
droit, à maintenir l¹ordre, à contrôler la sécurité, à empêcher
les attaques aux roquettes Qassam contre Israël, à organiser des
primaires libres et ouvertes, et davantage encore, est tout à fait
patent. Comme si le scénario avait été écrit à l¹avance, on
peut entendre des voix de la droite israélienne annoncer haut et
fort : "nous l¹avions bien dit".
Comme pour Oslo, le sort du processus a été presque entièrement
prédéterminé par un manque total de bonne volonté (des deux côtés)
et par le non-respect des accords et des arrangements. A l¹exception
de la réouverture du passage de Rafah (qui n¹était que l¹un des
éléments d¹un accord bien plus large), rien n¹a été appliqué
qui aurait pu aider à obtenir de meilleurs résultats
au "test".
A Gaza, les principaux échecs des deux côtés sont clairs. Les
Palestiniens ont totalement échoué à maintenir l¹ordre, à créer
un sentiment de sécurité pour leur peuple, et à instaurer un
sentiment de confiance en l¹avenir. Le gouvernement israélien, de
son côté, continue à appliquer sa politique, entamée depuis le début
de l¹Intifada, qui consiste à séparer totalement Gaza de la
Cisjordanie.
A l¹exception de la zone de transport de Karni, demeurée ouverte
comme promis aux Américains, Israël continue à imposer et à
renforcer des politiques épidermiques qui punissent le public
palestinien sans pour cela combattre réellement le terrorisme.
Dès la fin du désengagement, Israël a lancé un programme qui
consistait à accorder des permis de travail à des ouvriers
palestiniens ainsi que des "cartes d¹hommes d¹affaire"
permettant à leurs propriétaires de circuler librement en Israël
et même d¹utiliser l¹aéroport Ben Gourion. Mais, après la
campagne d¹attaques à la roquette Qassam de la part du Djihad
islamique, Israël imposa de nouveau un bouclage complet de Gaza et
de la Cisjordanie.
Le plan qui prévoyait des convois de bus entre Gaza et la
Cisjordanie fut annulé. Plus récemment, nous avons vu le lancement
de l¹opération "Ciel Bleu", où le nord de Gaza est
bombardé toutes les nuits pour empêcher les tirs de Qassams.
Il fait peu de doute que la détérioration continue des conditions
de vie à Gaza provoquera une victoire claire du Hamas aux
prochaines élections palestiniennes (si elles ne sont pas annulées),
et il se pourrait qu¹il soit déjà trop tard pour faire quoi que
ce soit qui empêcherait ce résultat. Une annulation ou un report
des élections provoquerait presque à coup sûr un renouveau des
violences du Hamas contre Israël.
Depuis des années maintenant, même pendant la guerre du Liban,
Tsahal s¹en est tenu fermement à l¹hypothèse selon laquelle la
punition collective est efficace. L¹idée de base est que si la
population locale souffre, elle fera pression sur son gouvernement
pour qu¹il combatte le terrorisme. Or, cela ne s¹est jamais
produit. Au Sud Liban, en 1982, les chiites ont accueilli Israël
avec des fleurs et des bonbons. Moins d¹une année plus tard, la
population chiite se joignait à la "résistance" qui,
pendant 18 ans, a posé des bombes sur le bord des routes et tué
des soldats israéliens. Il y a eu corrélation directe entre le
niveau de souffrance vécu par l¹opinion comme le résultat d¹actions
israéliennes et son soutien ou sa participation à la lutte armée
contre Israël.
De même, en Palestine, le public palestinien a considérablement
souffert ces cinq dernières années. Or, jamais, pendant cette période,
il n¹a fait sien la conception israélienne et fait pression sur
ses dirigeants pour combattre et empêcher le terrorisme. Au lieu de
cela, sa haine envers Israël a augmenté, et parallèlement, son désir
de frapper Israël et les Israéliens.
Il est ahurissant de constater qu¹une politique qui, depuis tant d¹années,
a systématiquement échoué à obtenir le résultat stratégique
escompté, soit appliquée de manière automatique, comme une réaction
épidermique.
Au niveau le plus élevé de l¹armée, il est clair que la plupart
des officiers haut gradés reconnaissent que cette politique de
punition collective contre les Palestiniens apportent davantage de réponses
aux besoins et aux inquiétudes de l¹opinion publique israélienne
qu¹elle n¹aide à combattre et à empêcher le terrorisme.
A la lumière de plusieurs décennies d¹échecs, il est temps d¹évaluer
les chances de succès d¹une autre politique. La politique que je
recommande ici concerne seulement la bande de Gaza et non la
Cisjordanie. Elle se fonde sur une situation où l¹occupation israélienne
à Gaza a pris fin, ce qui n¹est pas le cas de la Cisjordanie, où
les Palestiniens continueront à la combattre.
Cette recommandation a pour principes la réciprocité et la récompense.
L¹idée de la punition collective consiste en ce que, lorsque la sécurité
d¹Israël est violée, le public palestinien en paie le prix. Ce
que je suggère se fonde sur une logique inverse : il y a un prix qu¹Israël
paiera pour tout résultat obtenu en termes de sécurité.
Si, par exemple, les Palestiniens mettaient à jour et fermaient un
tunnel utilisé pour faire passer des armes de contrebande, Israël
émettrait 2.000 permis de travail non soumis aux bouclages éventuels.
Si les Palestiniens mettaient à jour et fermaient un atelier
fabriquant des Qassams, Israël accorderait 1.000 permis de travail
de même nature. Si les forces de sécurité de l¹Autorité
palestinienne commençaient à confisquer les armes illégales,
chaque arme vérifiée et confisquée vaudrait X permis de travail,
ou X places dans un bus Gaza-Cisjordanie, ou X cartes d¹hommes d¹affaires,
etc.
Les résultats positifs qu¹obtiendrait l¹Autorité palestinienne
auraient un prix qu¹Israël paierait directement au bénéfice du
public palestinien. Ces récompenses seraient connues et rendues
publiques. Le paiement serait immédiat et visible. Israël devrait
s¹engager à appliquer cette politique de façon systématique et
sur une longue période. Il serait utile de faire intervenir des
parties tierces qui vérifieraient les actes des deux côtés : un
tunnel devrait être identifié, fermé définitivement, tout cela
sous le contrôle d¹une partie tierce. Israël devrait effectuer
ces paiements de manière vérifiable. Les informations fournies par
la partie tierce seraient accessibles au public.
Il est temps d¹essayer une autre politique qui, plutôt que de
menacer et de punir, récompenserait les actes positifs et
encouragerait l¹opinion à soutenir une situation qui irait en s¹améliorant.
L¹alternative, c¹est davantage d¹impuissance et de désespoir.
Gershon Baskin est le co-directeur israélien de l¹IPCRI (Israel/Palestine
Center for Research and Information). http://www.ipcri.org
|