" Le congrès du dialogue national palestinien, d’une durée
officielle de deux jours, a été entamé jeudi, réunissant
toutes les forces politiques sous un même toit, plutôt deux, car
les travaux de ce congrès se déroulent simultanément à
Ramallah, en Cisjordanie occupée, au siège de la présidence et
à Ghaza."
Israël interdit le passage des membres du Hamas
et autres, de la Cisjordanie vers Ghaza et vice-versa. La liaison
entre conférenciers était assurée par vidéos interposées.
« Le dialogue national » discute un
document élaboré par des responsables palestiniens, tous
prisonniers en Israël, appartenant à plusieurs mouvements dont
le Fatah, le Hamas, le Djihad islamique et le FPLP.
Ce document, qualifié par certains
d’historique, appelle à une poursuite de la « résistance »
mais dans les limites des territoires occupés par Israël en
1967, et à un règlement négocié de la question palestinienne
à la condition d’un retrait total de l’Etat hébreu de ces
territoires. Il prévoit également la formation d’un
gouvernement d’union nationale et la désignation de la ville
sainte d’El Qods comme la capitale d’un Etat palestinien
composé de la Cisjordanie et de la bande de Ghaza. Cette
proposition a déjà obtenu le soutien de plusieurs mouvements et
partis palestiniens, dont le Fatah, mais pas encore du Hamas.
Dans son allocution, où il a utilisé un langage
franc et direct, le président Mahmoud Abbas, alias Abou Mazen, a
donné dix jours à ses interlocuteurs pour adopter ce document. « Si
vous ne parvenez pas à un accord d’ici-là, je vous le dis en
toute franchise, je soumettrai ce document à référendum »,
a-t-il déclaré, en précisant que cette consultation aurait lieu
en juillet ou début août. Cette annonce a surpris bon nombre de
présents et est pressentie par certains comme une menace, ce que
le président a infirmé. Des responsables du Hamas ont fait
savoir qu’ils n’étaient pas opposés à l’organisation
d’un référendum, mais ils ont reproché au président
palestinien de ne pas avoir attendu les résultats des deux jours
de dialogue avant de poser ses conditions.
Le Premier ministre Ismaïl Haniyeh, issu du
Hamas, a prévenu que l’hypothèse d’un référendum serait étudiée
sur la base de « sa conformité à la loi
ainsi que sur ses implications politiques ». Le Hamas
refuse toujours de reconnaître le droit d’Israël d’exister,
implicitement accepté dans le projet élaboré par les
prisonniers palestiniens. Cet important événement survient à un
moment où la tension n’a jamais été aussi forte dans les
territoires palestiniens, surtout dans la bande de Ghaza, non pas
suite aux agressions israéliennes répétées mais plutôt à
cause des incidents violents entre Palestiniens.
Le bilan des dix derniers jours a été de dix
morts et des dizaines de blessés, tombés lors d’accrochages
entre des partisans du Hamas et ceux du Fatah, les deux plus
grands mouvements palestiniens. Ces combats, qui ont choqué la
population, ont fait planer dans le ciel de la bande de Ghaza le
spectre effrayant de la guerre civile. Le dialogue national a été
perçu par la rue palestinienne telle une lueur d’espoir de voir
un retour à la raison des différents protagonistes.
Les discours prononcés au cours de la séance
d’ouverture ont tous comporté des appels à l’union nationale
et au rejet des combats entre les « frères ». Ismaïl
Haniyeh a affirmé son engagement en faveur de l’unité
nationale et sa volonté de faire cesser les luttes intestines. « Notre
réunion, aujourd’hui, a pour objectif de cimenter notre unité
nationale. Je promets à nos héros prisonniers que nous ne vous
ferons pas souffrir avec des luttes entre Palestiniens (...) Nous
avons des différends avec l’occupant israélien mais pas avec
nos frères », a-t-il déclaré.
Sur ce sujet, le président palestinien Mahmoud
Abbas, du Fatah, s’est lui aussi voulu conciliant. « Nous
sommes ici parce que nous avons des différends. Le danger menace
chaque maison. Notre projet national est en péril »,
a-t-il déclaré. « Pourquoi faut-il que
nous nous combattions alors que nous sommes face à un bien plus
grave et bien plus large problème », a-t-il ajouté,
faisant référence au projet israélien visant à liquider, une
fois pour toutes, la cause palestinienne.
En cas de succès, « le dialogue national »
contribuera à replacer la cause palestinienne sur l’échiquier
politique international. Depuis la venue du Hamas au pouvoir et
l’embargo international, surtout occidental, qui lui a été
imposé, la question palestinienne était plutôt traitée comme
une question humanitaire.
Le Hamas, parti radical et islamiste qui n’est sûrement
pas plus palestinien que les autres Palestiniens, doit descendre
de son arbre. La cause nationale palestinienne qui a tant évolué
après plus de quarante ans de lutte et tant de sacrifices doit
redevenir une question d’indépendance et non pas une question
de population qu’on doit nourrir et traiter comme ce fut le cas
après la catastrophe (nakba) de 1948.
Les revendications palestiniennes doivent rester
dans les limites de ce que leur accorde la légitimité
internationale, ce qui dépasse doit faire partie des rêves de
chaque Palestinien, car le monde est ainsi fait. Il est tout
simplement injuste mais on ne peut que l’accepter tel qu’il
est.
Fares Chahine