Palestine - Solidarité

   



Un semblant de Feuille de Route
Akiva Eldar

 


Haaretz, 28 novembre 2005

www.haaretz.co.il/hasite/pages/ShArtPE.jhtml?itemNo=650848

Version anglaise : “Kadima supporters and the road map
www.haaretz.com/hasen/spages/650612.html

Ariel Sharon a de bonnes chances d’entrer dans l’Histoire comme premier dirigeant qui aura dû le pouvoir à des électeurs qui ne le croyaient pas. Lors de la conférence de presse où il a annoncé son départ du Likoud, Sharon s’est engagé à « poursuivre l’application de la Feuille de Route ». Pour les sympathisants de « Kadima » qui ne se souviennent pas de ce que propose cette Feuille rebattue et devenue la plate-forme électorale du nouveau parti, voici quelques lignes-clés du document : « Les parties parviendront dans le courant de 2005 à un règlement d’ensemble, définitif et final, qui mettra un terme au conflit israélo-palestinien, par le biais d’un arrangement obtenu par des négociations entre les parties ».

Il y est aussi question d’une solution « négociée » portant sur le statut de Jérusalem prenant en compte les aspects politiques et religieux des deux côtés, sur la question des réfugiés, sur un état palestinien souverain et viable, et également sur des pourparlers de paix avec la Syrie et le Liban. Tout ceci sur base des résolutions 242 et 338 des Nations Unies, de l’initiative saoudienne et de la résolution de la Ligue Arabe.

Combien parmi les électeurs qui comptent voter pour « Kadima » le feront avec la conviction que Sharon a l’intention de discuter avec Mahmoud Abbas du partage de Jérusalem et de convier Bashar Assad à des négociations portant sur les hauteurs du Golan ? Y a-t-il quelqu'un pour prendre au sérieux l’affirmation que si tout cela ne s’est pas produit au cours des trois années écoulées depuis la mise au point de la Feuille de Route, ce n’est que parce que l’Autorité Palestinienne n’a pas « détruit l’infrastructure terroriste » ?

Qui avale cette histoire que le désengagement unilatéral de la Bande de Gaza et du nord de la Samarie constituait une étape sur la voie de la Feuille de Route ? A-t-on déjà oublié que le désengagement n’était destiné qu’à mettre la Feuille de Route dans le formol jusqu’à ce que les Palestiniens trouvent bon de devenir finlandais ?

La carte gagnante de Sharon n’a même pas la moindre ressemblance avec la Feuille de Route. Les partisans de Sharon ne croient pas un instant qu’il ait le moindre souci d’un partenaire palestinien pour des négociations. Ils le suivent parce qu’ils ne croient pas à son engagement réitéré à ce que le retrait de Gaza soit le dernier retrait unilatéral. Le secret de son succès tient à une approche post-moderne de la résolution des conflits, approche qui a élu domicile ici sous des mots d’ordre comme ‘le partage de la terre selon ton bon plaisir’, ou ‘rassemblement unilatéral en blocs de colonies’. Derrière cette approche, se cache l’hypothèse que ce qui était bon pour la Bande de Gaza ne peut pas être mauvais pour la Cisjordanie.

L’aspiration à ce que Sharon rassemble la majorité des colons dans des blocs de colonies répandus en Cisjordanie et renvoie les Palestiniens derrière une clôture, tend à brouiller les différences énormes existant entre les deux régions. Dans la Bande de Gaza, Israël s’est replié sur une ligne de frontière convenue (plus ou moins, mis à part quelques centaines de mètres au nord) et il ne reste pas une seule colonie. Le territoire de Gaza est sept fois plus petit que celui de la Cisjordanie et la densité de population y bat tous les records. Gaza n’est pas la capitale de la Palestine, il n’y a pas à Gaza de lieux saints chers aux deux peuples en conflit, pas de vitales sources en eau. Et Gaza n’a pas de frontière avec un état arabe faible et entouré d’ennemis.

Cinq années viennent de s’écouler depuis la tentative avortée d’Ehoud Barak de dicter aux Palestiniens les frontières définitives de leur état et un règlement portant sur les lieux saints de Jérusalem. L’écart entre le diktat de Barak et les attentes territoriales et autres de Yasser Arafat était trop important. Sharon a quelque raison d’estimer que la Feuille de Route qui se trouvera sur la table des négociations ressemblera, voire sera identique, au document de Bill Clinton : 94 à 96% de la Cisjordanie pour la Palestine et des compensations pour le reste dans un rapport de 1 pour 1 quasiment. Dans des négociations, il devrait faire une croix sur le plan E1 dont le but est d’achever l’étranglement de Jérusalem-Est et de sortir Ariel et la vallée du Jourdain de la liste des blocs de colonies.

Sharon n’a nullement l’intention de répéter l’exercice de Barak. On ne l’aura pas à se pencher sur des cartes à Camp David, entre Georges Bush et Mahmoud Abbas. Son règlement par banthoustanisation, il le dicte sur le terrain à l’aide de clôtures et de murs, l’évacuation de deux avant-postes et l’élargissement d’une douzaine de colonies. Le diktat précédent s’est soldé par la mort de mille Israéliens et de plus de 3 000 Palestiniens.

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)

 


 Source : Michel Ghys


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