[suite de l'enquête d'Akiva Eldar sur la théorie "il n'y a
pas de partenaire" du côté palestinien qui a guidé la
politique israélienne à l'égard des Palestiniens depuis 2000 et
qui aurait été nourrie par des analyses biaisées des services de
renseignement israéliens. A son tour, l'actuel chef du Shin Bet
conforte les doutes sur théorie]
http://www.haaretz.com/hasen/spages/681920.html
Ha'aretz, 13 février 2006
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Ces jours derniers, des parents américains et israéliens ont découvert
que leurs gouvernements envoyaient leurs fils tuer et se faire tuer
dans des guerres ineptes. Paul Pillar, jusque récemment officier de
la CIA responsable du Proche-Orient et de l'Asie du Sud-Est, a déclaré
publiquement que le président George Bush avait déformé les
analyses fournies par ses services de renseignement pour justifier
sa guerre en Irak. Quasiment le même jour, la chaîne 10 de télévision
israélienne diffusait des extraits d'une conférence où
Youval Diskin, chef du Shin Bet, assurait que les émeutes dans les
territoires n'avaient pas été préméditées, et "qu'aucun
plan conçu par Arafat n'avait pas été déclenché".
Ces déclarations sapent les arguments des représentants politiques
et militaires qui ont dit que l'intifada constituait une étape d'un
plan plus général élaboré par Yasser Arafat pour se débarrasser
des accords d'Oslo et pour, à terme, détruire Israël. Les déclarations
de Diskin projettent aussi une sérieuse ombre sur l'argument selon
lequel l'OLP n'était pas, et n'avait jamais été un partenaire, et
que depuis septembre 2000, Israël menait une guerre juste et inévitable.
??Les déclarations de Pillar ne quittent pas les unes des médias
américains. Elles ont donné des arguments aux critiques venues de
certains membres du Congrès concernant la guerre en Irak. Les médias
continuent également à s'occuper de la désinformation qui a
concerné le programme nucléaire irakien. En Israël aussi,
l'opposition a eu du travail, et les partis de droite ont obtenu que
soit mise en place une commission d'enquête parlementaire pour déterminer
si un certain nombre de policiers ont perdu leur calme lors de la
dispersion d'une manifestation violente organisée par des voyous
fous de Dieu à Amona. ??Il va sans dire que le gouvernement et le
parti au pouvoir, qui a magnifiquement réussi pour sa théorie du
"il n'y a pas de partenaire", n'a pas fait beaucoup de
bruit autour de la bombe lâchée par le chef du Shin Bet. Même
l'opposition de gauche a dédaigné ce cadeau électoral offert par
le chef de l'organisation chargée du renseignement dans les
territoires. ? Youval Diskin n'est pas le premier à contester
l'hypothèse de base sur laquelle a reposé toute la politique israélienne
concernant la paix et la
sécurité depuis la visite d'Ariel Sharon au Mont du Temple. Il a
été précédé par le général Amos Malka, chef du renseignement
militaire à l'époque où a débuté l'intifada. En juin 2004,
Malka avait déclaré à Ha'aretz que ses services n'avaient pas
l'ombre d'une preuve qui indiquait
qu'Arafat avait initié les émeutes.
Malka confirmait ainsi les propos du colonel Ephraïm Lavie, qui
dirigeait le département palestinien au sein du renseignement
militaire, et du Dr Matti Steinberg, alors conseiller spécial aux
affaires palestiniennes pour le chef du Shin Bet. Les deux hommes
affirmaient qu'il n'existait aucune preuve indiquant qu'Arafat
n'avait pas voulu parvenir à un accord sur la base des frontières
de 1967. Le Dr Yossi Ben-Ami, qui s'occupait des mêmes questions
pour le Mossad, partageait ces analyses. (1)??Si Diskin et les
autres disent vrai, alors la stratégie de Sharon (le
"phare" de Kadima) est fondée sur un mensonge. S'ils ont
raison, quelqu'un doit nous expliquer pourquoi Israël a tourné le
dos à l'OLP et à l'Autorité palestinienne, et opté pour des
mesures unilatérales. S'ils disent la vérité, cela signifie que
de hauts responsables au sein de la communauté du renseignement -
et en premier lieu les chefs d'état-major Shaul Mofaz et Moshe
Ya'alon, avec l'aide généreuse du général Amos Gilad (qui s'est
trompé et a trompé concernant la question du nucléaire irakien) -
ont lavé le cerveau de l'opinion avec de fausses informations. Et
ces informations continuent à faire accepter à l'opinion la
politique des bouclages, des assassinats ciblés, de la clôture de
séparation et des désengagements unilatéraux. ??Ce lavage de
cerveau a si bien réussi que même l'arrivée du Hamas sur les
ruines du camp d'Oslo palestinien n'a pas soulevé de questions
concernant la politique de désengagement par rapport à Arafat et
à ses successeurs. ?? Un examen de fond des "faits" qui
ont nourri l'opinion depuis plus de cinq ans n'est pas moins
important qu'une enquête sur le meurtre de Haïm Arlozoroff (2)
bien des années après sa mort. S'il s'avère qu'il n'y avait
aucune base à l'affirmation selon laquelle Arafat et son camp n'étaient
et ne sont pas intéressés par un compromis acceptable, les fidèles
de Kadima devront reconsidérer leur position. Mais s'il s'avère
que l'argument concernant la conspiration palestinienne destinée à
détruire Israël est fondé, il faudra alors procéder à un
désengagement unilatéral en Cisjordanie. Et nous les laisserons se
coucher dans le lit du Hamas qu'ils se sont fait. ?
(1) sur la théorie du "il n'y a pas de partenaire", voir
en particulier 3 autres articles d'Akiva Eldar:
http://www.lapaixmaintenant.org/article1218
("le Hamas, hélas"),
http://www.lapaixmaintenant.org/article995
("le retrait, faute de mieux?",
http://www.lapaixmaintenant.org/article788
("conceptions erronées mais populaires, et réciproquement")
?
(2) Haïm Arlozoroff : dirigeant travailliste assassiné en 1933
dans des circonstances non élucidées. Soupçonnée, la
droite (et le Herout en particulier) a réussi à obtenir la
constitution d'une commission d'enquête parlementaire après
l'accession de Menahem Begin au pouvoir. L'enquête n'a rien donné
de probant.
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