http://www.haaretzdaily.com/hasen/spages/665425.html
Ha¹aretz, 3 janvier 2006
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
D¹après certains documents que s¹est procurés Ha¹aretz, des
permis de construire illégaux ont été fournis pour un nouveau
projet en Cisjordanie, alors que la construction était en cours ou
même terminée. Ce projet concerne le quartier Matityahou Est de la
colonie de Modi¹in Illit, construite sur des terres appartenant au
village palestinien de Bil¹in.
Selon un témoin oculaire, cette construction illicite est toujours
en cours, en dépit de récentes instructions de la part de la
commission chargée de la planification et de la construction dans
les colonies, qui a exigé l¹arrêt des travaux.
Le responsable de la planification au sein de l¹Administration
civile (1) a reconnu que ces permis avaient bien été fournis de façon
illégale.
Un autre document montre que l¹entrepreneur du projet prétend que
le maire de Modi¹in Illit, Yaakov Guterman, lui aurait promis qu¹il
obtiendrait les permis de construire avant même que la commission
ne traite la demande.
Le nouveau quartier en question est en train d¹être construit sur
des terres privées du village palestinien de Bil¹in. Ces terres
ont été acquises par des négociants à l¹aide de pouvoirs
contestables donnés à un avocat, puis déclarées terres d¹Etat,
pour enfin être louées ou vendues à des sociétés de
construction appartenant à des colons.
La construction de la clôture de séparation a poussé les acquéreurs
à se dépêcher d¹exercer leurs " droits " en établissant
des faits accomplis sur le terrain.
Selon certaines sources au ministère de la Justice, un "examen
préliminaire" mené par l¹Administration civile a indiqué
que la construction illégale dans ce quartier avait été stoppée
après instruction donnée par une commission locale. Cependant, un
représentant de Shalom Arshav (La Paix Maintenant) qui s¹est rendu
sur les lieux ce même jour a rapporté que la construction se
poursuivait normalement.
Auparavant, l¹Etat a avisé la Haute cour de Justice que 750
logements avaient déjà été construits, et que 520 d¹entre eux
avaient été mis sur le marché. L¹Etat a également admis que ce
projet participait d¹une "construction partiellement illégale.
Par ailleurs, le plan maître pour la
zone de Modi¹in Illit, qui date de 1998, montre que les terres privées
du village de Bil¹in sont incluses dans les plans de développement
pour l¹année 2020.
Les documents dont Ha¹aretz est entré en possession montrent que
cette construction illégale rampante n¹est que la partie émergée
d¹un iceberg, celui d¹une affaire beaucoup plus grave.
Achat de terres ou vol ?
Le 16 juin 2002, l¹avocat Moshe Glick, qui représentait une
association de colons nommée " Société pour la Fondation de
la Terre d¹Israël Midrasha Ltd " déclarait au procureur
Doron Nir Tzvi : " par la présente, je fais cette déclaration
sous serment en lieu et place du moukhtar [chef] du village de Bil¹in.
A ma connaissance, Mr Muhammad Ali Abed al-Rahman Bournat
est le propriétaire du lot n°2 134 situé dans le village de
Bil¹in.
Le 16 novembre 2003, Me Moshe Glick signait une autre déclaration
sous serment. Celle-ci intervenait pour expliquer l¹étrangeté qu¹il
y avait à ce qu¹un avocat israélien fasse une déclaration sous
serment, procédure équivalente à un témoignage sous serment
devant un tribunal, à la place du moukhtar d¹un village arabe. De
cette nouvelle déclaration, il apparaissait
que Me Glick n¹avait jamais mis les pieds sur le terrain auquel sa
déclaration se réfère : "cette déclaration sous serment
intervient en lieu et place d¹une déclaration par le moukhtar du
village de Bil¹in, car, compte tenu de la situation sécuritaire,
il existe un danger réel pour la vie de
tout Juif qui tente de pénétrer dans le village de Bil¹in (et,
cela va sans dire, en particulier quand il est question d¹achat d¹un
terrain). De plus, les autorités interdisent aux citoyens israéliens
de pénétrer dans les zones A et B.
Hier (2 décembre), l¹Administration civile a confirmé que le
village de Bil¹in est situé dans une zone B, donc entièrement
sous contrôle sécuritaire israélien, et que les citoyens israéliens
sont autorisés à y pénétrer.
Le même jour où Me Glick signait sa déclaration sous serment,
Shmouel Anav, négociant en terrains bien connu, paraissait devant
lui et signait une déclaration sous serment se référant au lot en
question. Anav, lui aussi, expliquait que les raisons pour
lesquelles il était impossible de fournir une autorisation de la
main du moukhtar tenaient à la "sécurité" et à l¹interdiction
de pénétrer dans les sones A et B. Anav déclarait également que
"le propriétaire a vendu [le terrain] à son fils et que le
fils l¹a revendue à la Société pour la Fondation". Le
propriétaire est décédé il y a plusieurs années. Son fils, Sami,
qui d¹après les habitants de Bil¹in a imité les signatures, a été
assassiné à Ramallah au début de 2005. Si la police avait pris au
sérieux les arguments des habitants de Bil¹in et examiné les déclarations
sous serment faites au nom du moukhtar, elle aurait découvert que
le nom de Shmouel Anav est lié à des affaires de terrains
douteuses qui se sont révélées être du vol de terres.
Après l¹achat, la Société pour la Fondation a transféré
le terrain, mis entre temps en société, à l¹Administration
civile, et celle-ci l¹a "converti" en terre d¹Etat, puis
l¹a louée à une société de construction appartenant à des
colons.
Il y a un an et demi, quand l¹ancien chef de l¹Administration
civile, le général Ilan Paz, découvrit ces méthodes de
conversion de terres privées palestiniennes en terres d¹Etat, puis
de location ou de vente à des sociétés de construction (procédé
approuvé par le bureau du procureur de l¹Etat), il donna par écrit
l¹ordre de fermer cette entreprise de "blanchiment de
terres". Les lots en question ont déjà été utilisés pour
la construction de plusieurs dizaines de colonies juives, et d¹autres
sont en attente d¹acquéreurs.
Le plan maître
Des chercheurs de B¹Tselem (centre d¹information pour les droits
de l¹homme dans les territoires occupés) et de l¹ONG Bimkom sont
entrés en possession de la carte du "Plan Maître de la Zone
Modi¹in Illit pour l¹année 2020".
Cette carte confirme que ce ne sont pas seulement des considérations
de sécurité, si jamais il y en eut, qui ont guidé les
planificateurs de la clôture de séparation quand ils ont conçu
son tracé dans la zone de Bil¹in. La carte a été réalisée en
1998, à l¹initiative du ministère du Logement, en
collaboration avec le département planification de l¹Administration
civile et avec les conseils (locaux et régionaux) de Modi¹in Illit
et de Mateh Bninyamin. Ce type de carte n¹a aucune valeur
juridique, mais constitue un document-guide pour aider à la
politique qui planifie telle ou telle région, et les plans maîtres
s¹en inspirent.
Le rapport prouve qu¹environ 600 dounams (environ 60 ha) situés à
proximité de Matityahou Est, et dont sont propriétaires un petit
nombre de familles de Bil¹in, sont voués à accueillir la
construction de 1.200 logements pour des colons. Il y a moins de
deux mois, les habitants de Bil¹in se sont rendu compte qu¹une
nouvelle route avait été tracée depuis le quartier de Matityahou
Est jusqu¹à une importante oliveraie de la région.
Cela confirme les craintes selon lesquelles la clôture de séparation
est en réalité destinée à appliquer un plan maître qui date
aujourd¹hui de sept ans.
Stopper la construction ?
Il y a environ un mois, lorsque Ha¹aretz publia la première partie
de cette enquête, l¹Administration civile exigea de la mairie de
Modi¹in Illit d¹ordonner l¹arrêt des travaux de construction.
Dimanche dernier, l¹Administration civile a avisé Me Michael Sfard,
qui représente les habitants de Bil¹in, que la commission locale
avait ordonné l¹arrêt des travaux. Sfard écrivit alors à l¹Administration
civile que Dror Etkes, responsable pour Shalom Arshav (La Paix
Maintenant) de l¹Observatoire de la colonisation, s¹était rendu
sur le site et avait constaté que les travaux continuaient, à un
rythme encore plus élevé. De plus, Dror Etkes a remarqué que les
maisons se remplissaient d¹occupants. Me Sfard a alors déclaré qu¹il
comptait saisir la Haute cour de Justice contre l¹Administration
civile pour son inaction, en sus de la procédure intentée
concernant la clôture et le quartier qui sépare les habitants de
Bil¹in de leurs terres.
(1) comme son nom ne l¹indique pas, l¹Administration civile est
une administration militaire chargée de l¹administration de la vie
quotidienne de la population civile dans les Territoires
palestiniens (ndt)
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