Communiqué
Avec Paul Biya,
François Hollande poursuit la réception
des dictateurs françafricains
Survie
Photo:
Africapresse.com
Mardi 19 février
2013
Tandis que
l’opération militaire massive au Mali
focalise l’attention et que responsables
politiques et analystes s’évertuent à
démontrer que les modalités
d’intervention signent la fin de la
Françafrique, François Hollande reçoit
le plus vieux des «
dictateurs amis
de la France », ce mercredi 30
janvier à 15h, pour le plus grand
bonheur du patronat français. Une lettre
ouverte lui a été adressée et une
conférence de presse est organisée de
10h à 12h à la Maison de l’Afrique pour
dénoncer ce soutien renouvelé au régime
camerounais. Les regards sont toujours
tournés vers le Mali, mais ce mercredi
30 janvier, c’est à une autre région
d’Afrique que se consacre François
Hollande. Et contrairement aux récentes
réceptions des dictateurs burkinabè [1]
et tchadien [2],
la « lutte contre le terrorisme »
ne peut pas être invoquée pour essayer
de justifier que le président d’une
relation franco-africaine « normalisée »
reçoive le despote camerounais, au
pouvoir depuis plus de trente ans [3].
La rencontre avec Paul Biya, «
réélu » frauduleusement en 2011 [4]
et qui s’apprête à organiser des
élections législatives et sénatoriales
pour lesquelles un blanc-seing français
sera précieux, est officiellement placée
sous le signe des droits humains. On
nous annonce ainsi un président Hollande
intraitable, très attentif à l’évolution
du dossier de certains ressortissants
français embastillés au Cameroun... Un
patriotisme qui ne doit pas virer à
l’indignation sélective, moins d’une
semaine après la publication par Amnesty
International d’un nouveau rapport sur
les « multiples atteintes aux droits
humains », qui dénonce « des
exécutions illégales et des actes de
torture », des poursuites pénales «
pour museler les opposants
politiques, les défenseurs des droits
humains et les journalistes », et
des persécutions homophobes [5].
Malgré cela, la France maintient
scandaleusement une très importante
coopération policière et militaire avec
ce pays [6].
Pour désamorcer la critique, l’Élysée
ne manquera pas de formuler ses vœux
désormais traditionnels de «
transparence » et de « bonne
gouvernance ». Ce serait un gage de
continuité, car Paul Biya, que ses
concitoyens considèrent comme le plus
corrompu des camerounais,
instrumentalise régulièrement la lutte
contre la corruption pour mener des
purges contre ses adversaires et ses
affidés les plus ambitieux de son propre
appareil politique et asseoir ainsi son
pouvoir autocratique : ce discours sur
la « bonne gouvernance » est, au
Cameroun comme partout en Françafrique,
le nouvel outil de management de la
dictature.
Victime emblématique de cette
prétendue lutte contre la corruption,
Paul Eric Kingué se démène en vain
depuis près de 5 ans contre une justice
aux ordres du pouvoir. Il paie le prix
de s’être attaqué aux entreprises
françaises présentes sur la commune dont
il fut le maire [7],
et qui disposent de puissants relais
politiques. Cette affaire, comme la
rencontre stratégique que Paul Biya aura
au MEDEF le lendemain de son entrevue
avec François Hollande, illustre qui
sont les bénéficiaires de ce soutien
renouvelé au régime de celui que la
France installa au pouvoir en 1982. Les
dirigeants et actionnaires des
entreprises françaises présentes au
Cameroun continuent en effet, malgré une
concurrence croissante, d’être les
premières à piller les richesses d’une
population scandaleusement pauvre [8].
Le commerce bilatéral de la France avec
le Cameroun, ce sont en effet 632
millions d’euros d’exportations et près
de 300 millions d’euros d’importations [9],
qui font le bonheur d’environ 200
entreprises locales appartenant à des
français et d’une centaine de filiales
de grands groupes français omniprésents
dans l’économie camerounaise [10]
: l’exploitation du pétrole (Perenco) et
sa distribution (Total), l’agriculture
et l’agroalimentaire (Compagnie
fruitière, Vilgrain, Castel,
Bolloré,..), le bois (Rougier), le
ciment (Lafarge), les transports
(Bolloré, Air France), la téléphonie
mobile (Orange), les banques et les
assurances (Société Générale, Le Crédit
Lyonnais, Banques Populaires, Axa, ...),
le BTP (Vinci, Bouygues, …).
L’association Survie
renouvelle son exigence de refonte
complète des relations
franco-africaines, qui impose notamment
de renoncer à toute coopération
policière et militaire et d’instaurer un
« service diplomatique minimum »
avec les régimes n’ayant aucune
légitimité démocratique. Avec le
Collectif des Organisations
Démocratiques et Patriotiques de la
Diaspora Camerounaise (CODE), elle vient
ainsi d’adresser une lettre ouverte à
François Hollande, puisqu’il s’était
mobilisé suite à la réception de Paul
Biya par Nicolas Sarkozy en juillet
2009.
Afin d’exposer plus en détails la
nature du régime camerounais et
l’importance du soutien de la France à
Paul Biya, le CODE et Survie vous
invitent à une conférence de presse ce
mercredi 30 janvier 2013 de 10h à 12h à
la Maison de l’Afrique (7 rue des
Carmes, 75005 Paris).
[1]
Communiqué de Survie du 17 septembre
2012 :
« Blaise Compaoré
à Paris : la Françafrique fait sa
rentrée à l’Elysée ! »
[2]
Communiqué de Survie du 4 décembre 2012
:
« Hollande fait la
paix avec Déby et prépare la guerre »
[3]
« Élection
présidentielle du 9 octobre 2011 au
Cameroun : Urgence contre la dictature !
»,
Dossier de presse réalisé dans le cadre
des actions du Collectif de Solidarité
avec les Luttes Sociales et Politiques
en Afrique, Survie, mardi 4 octobre 2011
[4]
« Cameroun : une
mascarade électorale labellisée «
acceptable » »,
Billets d’Afrique n°207, novembre 2011,
[5]
Communiqué d’Amnesty International du 24
janvier 2013 :
« Cameroun. Halte
à l’impunité pour les graves atteintes
aux droits humains »et
rapport (anglais uniquement)
« Republic of
Cameroon : Make human rights a reality »
[6]
Selon le ministère des affaires
étrangères : « Le Cameroun tient une
place particulière au sein de
l’architecture de paix et de sécurité en
Afrique centrale et dans le golfe de
Guinée. Ce pays est le premier
partenaire de la France en matière de
coopération de sécurité et de défense.
L’accord rénové de partenariat de
défense conclu le 21 mai 2009 est entré
en vigueur le 1er août 2012. » (voir
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pa...
, mis à jour 10.01.2013)
[7]
Communiqué de la FIDH du 29 octobre 2012
:
« Cameroun : la
FIDH appelle à mettre un terme au
harcèlement judiciaire visant Paul-Eric
Kingue depuis plus de 4 ans »
[8]
« Le Cameroun des
entreprises françaises »,
Billets d’Afrique n°206, octobre 2011
[9]
« Le commerce
extérieur entre la France et l’Afrique
centrale en 2011 »,
Service Économique Régional de
l’Ambassade de France au Cameroun,
février 2012
[10]
Ambassade de
France au Cameroun
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