Communiqué
Macron en Israël et Palestine :
et le droit dans tout cela ?
AFPS
Jeudi 23 janvier 2020
Le déplacement d’Emmanuel Macron à
Jérusalem répondait d’abord à l’objectif
de la commémoration des 75 ans de la
libération du camp d’Auschwitz.
Commémorer pour ne jamais oublier la fin
du génocide nazi, combattre sans relâche
le racisme et la haine de l’autre,
répondent à une nécessité incontestable.
Le faire en Israël faisait prendre le
risque d’une instrumentalisation… risque
que Benyamin Nétanyahou s’est empressé
de confirmer en demandant à cette
occasion aux États représentés de signer
une déclaration pour empêcher la Cour
Pénale Internationale de poursuivre les
responsables israéliens pour les crimes
de guerre commis contre les
Palestiniens. Un détournement scandaleux
et inacceptable de la mémoire qui aurait
dû appeler une réponse particulièrement
ferme de soutien à la justice
internationale.
Dans son allocution, le président de la
République a su replacer la lutte contre
l’antisémitisme dans le combat universel
contre la haine et contre tous les
racismes, et rappeler la responsabilité
des États, et notamment des membres du
Conseil de Sécurité, pour un ordre
international fondé sur le droit.
Il a voulu faire précéder cette journée
mémorielle d’une journée de rencontres
politiques. Intention louable au moment
où les deux principaux concurrents pour
l’élection israélienne s’accordent sur
l’annexion de la Vallée du Jourdain au
mépris du droit international, où la
colonisation s’accélère, où les
arrestations et les cas de torture des
Palestiniens se multiplient, où la
population de Gaza vit sa treizième
année d’un blocus destructeur, et où les
réfugiés palestiniens sont maintenus
dans la misère et le désespoir. Et alors
que l’administration états-unienne de
Donald Trump annonce la publication de
son plan de paix dont on ne peut
attendre que le pire.
Cette journée a été
à l’image de sa visite à Jérusalem :
quelques rappels de principes à un
niveau presque philosophique, une
déconnexion préoccupante de la réalité
et l’absence de condamnation des
violations du droit international. La
vieille ville dans laquelle Emmanuel
Macron a déambulé, mitée par les poches
de colonisation, marquée à chaque coin
de rue par des bataillons de soldats de
l’occupation, celle ville où les enfants
sont arrêtés dès leur plus jeune âge,
cette ville où les soldats israéliens
dansent après avoir dynamité des
maisons, cette ville serait un exemple
du « vivre ensemble » ?
Et comment célébrer la coexistence des
trois religions devant les incursions
quotidiennes et violentes de colons
extrémistes sur l’Esplanade des
Mosquées, et alors que les chrétiens et
les musulmans de Cisjordanie et de Gaza
ne peuvent se rendre à Jérusalem que sur
autorisation de l’occupant ?
Le rappel aux principes de droit pour
l’enceinte française de l’église
Sainte-Anne était une évidence, mais
c’est un rappel clair des responsables
israéliens au respect du droit
international qui aurait été nécessaire.
La posture prise
par Emmanuel Macron à l’issue de ses
conversations avec les responsables
politiques israéliens n’était pas à la
hauteur des ambitions qui devraient être
celles de la France. Dans le contexte
actuel, se contenter de se mettre au
service d’un hypothétique dialogue voulu
par les deux parties ne peut avoir aucun
effet réel. Sans contrainte extérieure,
pourquoi l’État d’Israël, fort de sa
supériorité militaire, renoncerait-il à
sa politique de colonisation,
d’annexion, de destruction des moyens
d’existence du peuple palestinien ?
La visite décalée tard le soir à Mahmoud
Abbas, président de l’Autorité
palestinienne, a permis à celui-ci de
réitérer deux demandes conformes au
droit international : la reconnaissance
de la Palestine dans ses frontières de
1967 conformément aux résolutions de
l’ONU, et le soutien de la France à la
tenue des élections palestiniennes à
Jérusalem-Est. La première est une
mesure indispensable de cohérence et de
droit face aux annonces d’annexion et de
publication du plan Trump, la deuxième
est une condition nécessaire à de
premiers pas vers la reconstruction de
l’unité palestinienne.
La réponse du
président de la République ne doit plus
se faire attendre. Il ne suffit pas
d’affirmer qu’aucun avenir ne se
construit sur la négation de l’autre, il
faut maintenant agir. Faire valoir la
primauté du droit sur la loi du plus
fort et le fait accompli, il n’y a pas
d’autre voie possible.
Le Bureau
national, 23 janvier 2020
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