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Communiqué de Survie
Procès en diffamation de Bolloré contre
France Inter,
ou comment intimider les médias qu'on ne peut pas contrôler ?
Mardi 15 décembre 2009
Devant les révélations qui se multiplient sur les pratiques du
groupe Bolloré en Afrique, Vincent Bolloré contre-attaque par
voie judiciaire. Une manière de prévenir tous ceux des
journalistes et militants associatifs, français et camerounais,
qui enquêtent sur ses activités africaines ?
Ce mardi 15
décembre, France Inter, Lionel Thompson (producteur) et Benoît
Collombat (journaliste) sont cités à comparaître pour
diffamation publique devant la 17ème Chambre correctionnelle du
tribunal de grande instance de Paris.
La raison ? Le
29 mars 2009, France Inter diffusait dans le cadre de l’émission
Interception,
à de multiples reprises primée pour sa qualité, «
Cameroun, l’empire noir de Vincent Bolloré
». Un reportage riche en témoignages sur les entreprises Bolloré
au Cameroun : gestion du chemin de fer, dragage du port, gestion
des plantations de palmiers... C’était un éclairage
supplémentaire sur les pratiques du groupe Bolloré après les
nombreuses accusations de violation des droits sociaux,
déforestation ou pollution environnementale portées par Survie,
des personnalités (1) et ONG françaises (2) et camerounaises.
Après avoir
investi dans le contrôle direct de la presse écrite et
audiovisuelle (Direct 8,
Direct Soir…)
ou indirect via ses annonceurs (par exemple Havas), le groupe
Bolloré, soucieux de préserver l'image de ses juteuses activités
africaines, opte aujourd'hui pour la stratégie d'intimidation à
l'égard des médias et journalistes qui délivrent encore à son
sujet une information fiable et indépendante.
Atteint
dans « son honneur
», Bolloré n’est pourtant plus si pressé d’en découdre. Alors
que la défense fait appel à des employés du groupe Bolloré,
syndicalistes, journalistes, organisations de défense des droits
de l’Homme et même hauts cadres de l’administration camerounaise
ayant traité avec le groupe Bolloré, celui-ci a demandé, sans
succès, le report de l'audience, espérant visiblement limiter la
présence de ces témoins camerounais (3). Peur d’un grand
déballage ? Curieux hasard : l’un des témoins s’est même vu
refuser le visa d’entrée en France alors qu’il y voyage très
régulièrement, et surtout, qu’il est cité à comparaître !
L’association Survie dénonce ce nouvel exemple
d'instrumentalisation de la Justice pour étouffer l'information
liée au pillage françafricain, à l'instar des procès subis par
Survie, Denis Robert ou encore les auteurs et éditeurs de
Noir Canada
outre-Atlantique. Alors que le groupe Bolloré s’en prend au
devoir d’informer des journalistes, il est important de rappeler
que la liberté de la presse est un pilier non négociable de la
démocratie, surtout lorsque sont mis en cause des pouvoirs
économiques proches de l’exécutif.
(1) Eva
Joly, Présidente de la Commission du Développement au Parlement
Européen, l’a classé en bonne place parmi les pilleurs
françafricains du continent.
(2) Le groupe Bolloré s’est notamment vu attribuer le mois
dernier la première place du « Prix Pinocchio du développement
durable », catégorie « Droits humains », décerné chaque année
par les Amis de la Terre.
(3)
Pius Njawé, directeur du journal Le
Messager, Emmanuel Etoundi Oyono,
actuel directeur de la Mission d’aménagement et d’équipements
des terrains urbains et ruraux (Maetur), Hilaire Kamga,
président de l’ONG Nouveaux droits de l’homme, Edouard Tankoué,
secrétaire général du Syndicat national des inscrits maritimes
et assimilés du Cameroun et Jean Marc Bikoko, président de la
Centrale syndicale du secteur public.
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