28 janvier 2008
Déclaration publique
Amnesty
International est vivement préoccupée par la décision prise le
27 janvier par le procureur général d’Israël, Menachem
Mazuz, de ne pas poursuivre les policiers qui ont abattu 13 manifestants
au début du mois d’octobre 2000. Douze Arabes israéliens et un
Palestinien avaient été tués par balles alors qu’ils
manifestaient pour protester contre l’homicide de plusieurs
Palestiniens par les forces de sécurité israéliennes à Jérusalem,
en Cisjordanie et dans la bande de Gaza au début de ce qui a été
nommé ensuite l’Intifada.
L’avis
du procureur général rendu public le 27 janvier 2008 entérine
la décision de clore toute enquête sur cette affaire que le département
de la police judiciaire du ministère de la Justice avait prise en
septembre 2005. La décision du département de la police
judiciaire et l’avis du procureur général ne tiennent pas
compte des conclusions de la Commission Orr qu'Ehud Barak, alors
Premier ministre, avait mise en place pour enquêter sur les
circonstances entourant les homicides dont avaient été victimes
les manifestants en octobre 2000. Ils illustrent l’impunité
systématiquement accordée par les autorités israéliennes aux
membres des forces de sécurité faisant un usage excessif de la
force meurtrière, en violation des normes internationales et de
l'obligation qu'a Israël aux termes du droit international de
respecter le droit à la vie.
À
la fin de ses travaux, en septembre 2003, la commission présidée
par le juge Orr avait conclu que dans plusieurs épisodes
qu’elle avait examinés la réaction de la police avait été
excessive compte tenu du fait qu’il n’y avait pas eu de véritable
danger nécessitant le recours à la force meurtrière. Elle
constatait l’escalade des moyens utilisés par la police, allant
dans certains cas jusqu’à l’utilisation de balles réelles,
en réaction quasi immédiate au fait qu’un de ses agents ou
chefs avait été blessé par un jet de pierres de la foule récalcitrante
(paragraphes 44 à 47 du rapport de la commission).
Une
délégation d’Amnesty International s’était rendue quelques
jours après les événements là où avaient eu lieu plusieurs
des fusillades. La délégation, dont faisait partie Stephen
Males, ancien policier expérimenté du Royaume-Uni et spécialiste
des opérations de maintien de l’ordre à risque, avait conclu
que la police israélienne avait eu recours à une force excessive
en utilisant des balles réelles alors que ni la vie des policiers
ni celle d'autres personnes n'était en grand danger, et qu'elle
avait tué illégalement des manifestants. Amnesty International a
également eu connaissance de faits attestant que les forces de sécurité
israéliennes avaient gêné les secours en direction des blessés.
Rien
n’indiquait que les manifestants abattus aient utilisé une arme
à feu ou mis en danger de quelque façon que ce soit la vie des
policiers bien équipés et protégés, même si certains
manifestants auraient essayé de fabriquer des cocktails Molotov
et si nombre d’entre eux avaient jeté des pierres. Équipées
de boucliers antiémeutes et stationnées dans des abris à
distance des manifestants, les forces israéliennes avaient été
en permanence bien protégées. La police avait en général eu
recours à des mesures extrêmes de type militaire plutôt qu’à
des méthodes de maintien de l’ordre destinées à protéger les
vies humaines. Bien que la police ait eu à sa disposition
plusieurs moyens non meurtriers de disperser la foule, sa réaction
avait rapidement franchi tous les paliers pour atteindre celui du
recours aux armes meurtrières – balles en métal
recouvertes de plastique et balles réelles. Comme l’a souligné
Stephen Males : « Il s’agit là de méthodes de
quelqu’un visant à se débarrasser d’un ennemi plutôt qu’à
rétablir l’ordre ».
Dans
d’autres circonstances, la police israélienne a montré
qu’elle était capable de disperser des manifestations violentes
sans tirer à balles réelles sur la foule. Elle a su faire face
à plusieurs manifestations violentes de groupes juifs, comme
celles organisées par les juifs ultra orthodoxes en juillet et août
1999 à Jérusalem, sans tirer à balles réelles ni même à
balles en caoutchouc contre ces manifestants, et en privilégiant
le recours à des moyens non meurtriers pour les disperser.
Amnesty
International demande une nouvelle fois aux autorités israéliennes
de veiller à ce que les membres des forces de sécurité soupçonnés
d’être responsables d'une utilisation excessive de la force
ayant donné lieu à des homicides illégaux soient jugés dans le
respect des normes internationales d’équité ; elle leur
demande de faire en sorte que des réparations soient accordées
aux familles des victimes, y compris sous forme d’indemnités.
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