Communiqué
La Libye doit
remettre Saif al-Islam Kadhafi
à la Cour pénale internationale
Amnesty International
Mercredi 18 septembre 2013
Les autorités libyennes doivent sans
plus tarder remettre Saif al Islam
Kadhafi et l'ancien directeur des
services de renseignement, Abdallah al
Senoussi, à la Cour pénale
internationale (CPI), a déclaré Amnesty
International.
La semaine dernière, une délégation de
l'organisation a rencontré ces hommes,
tous deux détenus, alors que leur
affaire doit être portée devant la
chambre d'accusation à Tripoli le
19 septembre. Saif al Islam Kadhafi et
Abdallah al Senoussi font l'objet d'un
mandat d'arrêt de la CPI pour crimes
contre l'humanité, mais les autorités
libyennes insistent pour qu'ils soient
jugés en Libye.
La chambre d'accusation a été saisie de
leur cas et de celui de 36 autres
personnes accusées de crimes liés au
conflit armé.
« Une comparution devant la chambre
d'accusation nous rapproche de plus en
plus d'un procès sur le sol libyen pour
Saif al Islam Kadhafi, en violation des
obligations légales de la Libye de
remettre cet homme à la CPI, a indiqué
Hassiba Hadj Sahrahoui, directrice
adjointe du programme Moyen-Orient et
Afrique du Nord d'Amnesty International.
« On peut comprendre que les autorités
veuillent agir rapidement et juger ces
personnes en Libye mais, au jour
d'aujourd'hui, des procès de cet ordre
ne serviront pas la justice. Le système
judiciaire de la Libye a besoin d'être
réorganisé de toute urgence. Des doutes
existent quant à la capacité des
autorités de mener des procès en toute
équité. À cela s'ajoute une situation
sécuritaire fragile.
« Les deux hommes devraient être remis
immédiatement à la CPI, et la Libye
pourrait ainsi s'attacher à améliorer la
sécurité et à reconstruire son système
judiciaire afin d'instaurer des
tribunaux libyens justes et impartiaux,
capables de garantir les droits des
suspects, des victimes et des témoins. »
De l'avis d'Amnesty International, avec
la remise de Kadhafi et d'al Senoussi à
la CPI l'obligation de rendre des
comptes pour les crimes commis durant le
conflit serait garantie. Il est
essentiel que les procès menés à la
suite des conflits respectent les normes
d'équité pour qu'il soit mis fin à
l'impunité et que la justice soit
garantie pour les victimes d'atteintes
aux droits humains et de violations du
droit humanitaire commis durant les
conflits, tels que, notamment, les
pilonnages sans discernement, les
exécutions sommaires et les déplacements
forcés illégaux, ainsi que la torture et
autres mauvais traitements.
La détention arbitraire, la torture et
les autres mauvais traitements, les
disparitions forcées mises en œuvre par
des milices – dont certaines opèrent
sous la supervision de l'État –
contribuent toujours à créer en Libye un
climat de non-droit qui éloigne encore
davantage la perspective de procès
équitables. Régulièrement, des avocats,
des juges et des procureurs sont menacés
par ces groupes mais aussi, de temps à
autre, par les familles de victimes et
par la population en général. Amnesty
International a connaissance d'au moins
quatre assassinats de juges, auxquels
s'ajoutent des cas d'enlèvement et
d'intimidation d'avocats.
« En ne se conformant pas aux exigences
de la CPI, les autorités libyennes
sèment le doute quant à leur engagement
envers la protection et le respect des
droits humains. En 2011, le Conseil
national de transition avait accueilli
favorablement la décision du Conseil de
sécurité des Nations unies de saisir le
procureur de la CPI de la situation, et
s'était engagé à coopérer avec cette
juridiction internationale », a ajouté
Hassiba Hadj Sahraoui.
La Libye compte environ 8 000 détenus
inculpés d'infractions liées au conflit
et répartis sur tout son territoire.
L'immense majorité de ces personnes
attendent depuis près de deux ans de
passer en jugement ; nombre d'entre
elles n'ont pas été déférées au parquet
ni mises en contact avec des avocats.
Amnesty International prie la communauté
internationale d'aider la Libye à
reconstruire son appareil judiciaire,
afin que la justice et des procès
équitables soient garantis pour tous
dans l'ensemble du pays.
Le groupe de détenus qui voient leur
affaire soumise à une procédure
préalable au procès, le 19 septembre,
comprend l'ancien Premier ministre sous
le colonel Kadhafi, al Baghdadi al
Mahmoudi, ainsi que plusieurs anciens
hauts responsables et membres des
diverses agences de sécurité de Kadhafi.
Amnesty International est préoccupée
quant à la capacité de l'État libyen
d'assurer le respect des droits
fondamentaux des détenus.
Bien que l'organisation ait obtenu
l'autorisation de rencontrer Saif al
Islam Kadhafi à Zintan le 9 septembre,
elle n'a pas pu s'entretenir avec lui en
privé. Elle n'a pas non plus été
autorisée à visiter le centre de
détention où Saif al Islam Kadhafi est
actuellement incarcéré, et elle n'est
donc pas en mesure de porter un jugement
sur ses conditions de détention.
L'organisation demeure préoccupée par le
fait que Saif al Islam Kadhafi est,
depuis près de deux ans, maintenu en
détention secrète à Zintan par une
brigade armée liée au ministère de la
Défense, et qu'il n'a pas pu consulter
un avocat au sujet des charges liées au
conflit qui pèsent sur lui. Un maintien
prolongé à l'isolement peut avoir des
séquelles sur la santé physique et
mentale d'un détenu.
Le 12 septembre, Amnesty International a
pu rencontrer Abdallah al Senoussi en
privé à la prison d'Al Hadba Al Khadra,
à Tripoli.
Malgré de nombreuses demandes,
cet hommes n'a pas pu s'entretenir avec
un avocat depuis son extradition de
Mauritanie, il y a un an. L'organisation
a constaté qu'Abdallah al Senoussi ne
bénéficiait pas des mêmes droits que
d'autres détenus de la prison, dont ceux
de rencontrer un avocat, d'avoir des
contacts avec le monde extérieur et avec
ses codétenus et de recevoir
régulièrement la visite et des appels
téléphoniques de sa famille.
Des représentants d'Amnesty
International ont également rencontré al
Baghdadi Ali al Mahmoudi dans cette même
prison. Celui-ci a indiqué qu'il était
bien traité et qu'il était en contact
avec un avocat, mais l'organisation
demeure préoccupée quant au risque que
son procès et celui de tous les suspects
dans cette affaire aboutissent à des
condamnations à mort.
Le sommaire
des communiqués
Les dernières mises à jour
|