Lundi 5 novembre 2007
L’état d’urgence décrété au
Pakistan constitue une violation flagrante du droit international et
des normes relatives aux droits humains inscrites dans la
Constitution du pays, a déclaré la secrétaire générale
d’Amnesty International, Irene Khan, ce lundi 5 novembre 2007.
Réagissant à la vague de répression militaire de
ce week-end, l’organisation a demandé le retour immédiat à la
norme constitutionnelle et la libération des centaines de personnes
arrêtées en application des nouvelles mesures. « L’intervention
du général Moucharraf constitue une attaque directe à la justice
du Pakistan, à sa communauté très active de défenseurs des
droits humains, à ses médias indépendants et à son opposition
politique non violente. « Des mesures présentées
comme nécessaires à la protection du Pakistan reviennent en fait
à éliminer toute protection des droits fondamentaux et à démanteler
les institutions et les contre-pouvoirs indispensables à la
stabilité du pays. »
En outrepassant les dispositions de la Constitution
pour déclarer l’état d’urgence, le général Moucharraf a
supprimé le droit à ne pas être privé arbitrairement de la vie
et des aspects fondamentaux du droit à un procès équitable. Aux
termes du droit international et des normes relatives aux droits
humains dont la Constitution pakistanaise se fait l’écho, ces
droits doivent être pleinement et inconditionnellement respectés
en toutes circonstances, y compris en cas de danger public
exceptionnel.
« Le geste de Parvez
Moucharraf va également à l’encontre de l’engagement pris au
sein même de la déclaration de l’état d’urgence de respecter
l’indépendance de la justice et l’état de droit. »
La mise à pied de juges et leur placement en résidence
surveillée constituent une violation flagrante des Principes
fondamentaux des Nations unies relatifs à l’indépendance de la
magistrature. Un juge ne peut être révoqué par le pouvoir exécutif,
sauf s’il se révèle inapte à remplir ses fonctions.
« Amnesty International
craint que cet assaut contre les institutions garantes de la
transparence, combiné à des pouvoirs spéciaux considérables, ne
favorise une multiplication des violations des droits humains déjà
fréquentes dans le pays, sous la forme d’actes de torture et de
mauvais traitements, de détentions arbitraires, de disparitions
forcées et du recours à une force excessive pour mettre fin à
l’opposition pacifique », a conclu Irene Khan.
Complément d’information
Agissant en sa qualité de chef de l’armée, le général
Moucharraf a suspendu l’essentiel de la Constitution, s’est donné
le pouvoir de la modifier en-dehors de toute procédure
parlementaire et a proclamé un ordre constitutionnel provisoire. Il
est désormais interdit à tout tribunal de prendre une décision défavorable
au président, au Premier ministre ou à toute personne relevant de
leur autorité.
Aux termes de cette décision, les membres de la
haute-magistrature sont de fait suspendus de leurs fonctions
jusqu’à ce qu’ils s’engagent sous serment à respecter
l’ordre constitutionnel provisoire. Seuls cinq des dix-sept juges
de la Cour suprême ont prêté serment. De nombreux juges de la
Cour suprême et des hautes cours provinciales sont désormais
assignés à résidence.
Ces mesures ont été prises alors que la Cour suprême
s’apprêtait à se prononcer sur des requêtes remettant en
question l’éligibilité du général Moucharraf à l’élection
présidentielle du 6 octobre. Les avocats qui avaient présenté ces
requêtes, dont Aitzaz Ahsan, président de l’Association du
barreau de la Cour suprême, Ali Ahmed Kurd, Munir A. Malik et le
juge à la retraite Tariq Mahmood, ont été immédiatement arrêtés.
Ces juristes étaient à la tête du mouvement de défense de
l’indépendance de la justice lancé lorsque le président
Moucharraf a limogé l’ancien président de la Cour suprême, le 9
mars 2007.
Des centaines d’avocats, de défenseurs
des droits humains et de militants politiques ont été arrêtés ou
détenus arbitrairement dans tout le Pakistan depuis
l’instauration de l’état d’urgence. Dimanche, de
nombreux policiers ont effectué une descente dans le bureau de la
Commission des droits humains du Pakistan et environ 70 militants
ont été arrêtés. Ils ont été inculpés de rassemblement illégal
aux termes des dispositions relatives à l’ordre public et détenus
dans un premier temps à la prison de Kot Lakhpat, à Lahore. Parmi
eux se trouvent des personnes d’un certain âge qui ont des problèmes
de santé. Les personnes assignées à résidence incluent la présidente
de la Commission des droits de l’homme du Pakistan, rapporteuse spéciale
des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction, Asma
Jahangir. Elle va être détenue pendant 90 jours à son
domicile transformé en sous-prison, en application de la législation
sur la détention provisoire.
Depuis samedi, les chaînes indépendantes
d’information de la radio et de la télévision ne sont plus
autorisées à émettre dans le pays. De nouvelles lois restreignant
la liberté d’expression dans les journaux et les médias électroniques
ont été promulguées et des peines d’emprisonnement de trois à
quatre ans et de lourdes amendes sont prévues pour les
contrevenants.
Une action urgente en faveur de Asma Jahangir est
disponible à l’adresse
http://www.isavelives.be/fr/node/316
http://www.amnestyinternational.be/doc/spip.php?article12056
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