Mardi 2 février 2010
Le rapport fourni dernièrement par Israël en réponse à l’ONU
au sujet de ses enquêtes sur les violations du droit
international que les forces israéliennes auraient commises
à Gaza il y a un an n’est absolument pas satisfaisant, a
déclaré Amnesty International ce mardi 2 février 2010.
Ce document, adressé par Israël au secrétaire général de
l’ONU, Ban Ki-moon, ne fournit pas de réponses crédibles aux
questions essentielles concernant les attaques israéliennes
qui ont fait plusieurs centaines de morts et des milliers de
sans-abri parmi les civils.
« Les enquêtes menées par Israël ne répondent pas aux normes
internationales en matière d’indépendance, d’impartialité,
de transparence, de rapidité et d’efficacité, a déclaré
Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et
Afrique du Nord d’Amnesty International.
« L’armée israélienne enquête sur elle-même, ce qui ne peut
absolument pas être un moyen satisfaisant pour rechercher la
vérité et garantir que les victimes obtiennent justice. »
Dans ce complément d’informations de 46 pages, rendu public
le 29 janvier, il est précisé qu’Israël a ouvert des
enquêtes sur 150 épisodes impliquant des violations des lois
de la guerre qui auraient été commises par ses forces
pendant l’opération Plomb durci. Cette offensive militaire
lancée dans la bande de Gaza avait duré 22 jours, jusqu’au
18 janvier 2009.
Quelque 1 400 Palestiniens ainsi que 13 Israéliens ont été
tués au cours du conflit, qui s’est déroulé dans la bande de
Gaza et le sud d’Israël.
Le peu de détails fournis laissent à penser que les
autorités israéliennes ne se penchent pas avec sérieux sur
les graves préoccupations suscitées par l’utilisation, par
l’armée, de phosphore blanc dans des zones densément
peuplées.
Israël a également omis d’enquêter en bonne et due forme sur
les attaques menées contre des bâtiments de l’ONU et
d’autres édifices et infrastructures civils et sur les
attaques ciblées de civils palestiniens et notamment de
personnel ambulancier.
L’ONU, Amnesty International et d’autres organisations de
défense des droits humains ainsi que des agences de presse
avaient fait état de ces attaques à l’époque du conflit.
« Pendant l’opération Plomb durci, de nombreuses
informations dignes de foi ont filtré selon lesquelles les
violations du droit international humanitaire commises par
les forces israéliennes avaient causé la mort de plusieurs
centaines de civils, rendu d’autres à l’état de "boucliers
humains" et détruit ou endommagé des milliers d’habitations
et autres infrastructures civiles, a déclaré Malcolm Smart.
« Pourtant, alors que plus d’une année s’est écoulée depuis
les faits, un seul soldat a été déclaré coupable d’une
infraction à l’issue de l’enquête israélienne, d’après le
rapport, et il s’agit d’un vol de carte de crédit. »
Toutes les enquêtes ont été menées par des commandants de
l’armée ou par des enquêteurs de la police militaire et
supervisées par le procureur général de l’armée israélienne,
ce qui compromet sérieusement leur indépendance et leur
impartialité.
Pendant l’offensive, le bureau du procureur général de
l’armée donnait aux forces israéliennes des conseils
juridiques sur le choix des tactiques et des cibles.
De plus, le fait que les enquêtes soient menées par des
militaires écarte la possibilité d’étudier les décisions
prises par des fonctionnaires civils qui se seraient
également rendus responsables de graves violations.
Selon le rapport israélien, rien ne justifie l’ouverture
d’enquêtes judiciaires pour événement grave, alors que ces
enquêtes sont, d’après Amnesty International, une garantie
d’efficacité et d’indépendance.
L’armée israélienne a cependant mené des frappes sur des
bâtiments de l’ONU et sur des biens et infrastructures
civils, elle a pris pour cible des installations médicales
et du personnel de santé et elle s’est rendue responsable
d’opérations qui ont fait de nombreux morts au sein de la
population civile.
Bien qu’Amnesty International ait depuis longtemps fait part
de sa préoccupation quant à l’utilisation abondante de
phosphore blanc à Gaza par les Forces de défense d’Israël
(FDI), le rapport soutient qu’il n’existe aucune raison de
prendre des mesures disciplinaires ou autres à l’encontre
des FDI du fait de leur utilisation d’armes contenant du
phosphore.
Pendant l’opération Plomb durci, l’armée israélienne a à
plusieurs reprises lancé des obus contenant du phosphore
blanc sur des zones résidentielles, blessant et tuant des
civils.
D’autres attaques israéliennes qui ont fait des morts et des
blessés parmi les civils sont écartées comme étant des
« erreurs opérationnelles ». Le rapport reconnaît néanmoins
que, dans « quelques cas », des soldats et des officiers
israéliens ont « violé les règles d'engagement ».
Le gouvernement d’Israël n’a pas annoncé qu’il veillerait à
ce que les civils palestiniens qui ont subi des préjudices
du fait de ces « erreurs opérationnelles » obtiennent
réparation ou soient indemnisés, pas plus qu’il n’a reconnu
que ses forces avaient commis des violations.
Les recherches menées par Amnesty International sur
l’opération Plomb durci ont révélé des comportements
irresponsables, un mépris de la vie et des biens des civils
et un manque persistant de volonté, de la part des FDI, de
faire la distinction entre les objectifs militaires et les
populations et biens civils.
L’armée israélienne a continué à utiliser une tactique et
des armes qui ont fait de plus en plus de victimes civiles,
et cela pendant toute la durée de l’offensive alors même que
les responsables israéliens savaient, dès les premiers jours
de l’opération, que celle-ci faisait beaucoup de morts et de
blessés parmi les civils.
Amnesty International avait attiré l’attention des autorités
israéliennes sur un certain nombre de faits, mais celles-ci
n’ont jamais répondu aux nombreuses demandes
d’éclaircissement formulées par l’organisation sur des
événements précis.
« Dans son rapport sur les enquêtes menées en interne par
les autorités israéliennes et palestiniennes, qui devra être
rendu public prochainement, Ban Ki-moon devra établir
concrètement si ces enquêtes répondent aux critères fixés
par l’ONU et si elles sont "indépendantes, crédibles et
conformes aux normes internationales", a déclaré Malcolm
Smart.
« À ce jour, il apparaît qu’aucune des parties ne peut ou ne
veut conduire des enquêtes qui répondent à ces normes. Si
cela ne change pas, il incombera à l’ONU de faire en sorte
que les responsables soient amenés à rendre compte de leurs
actes et que justice soit faite aux victimes. Cela signifie
que le Conseil de sécurité devra à terme envisager de porter
la situation de Gaza devant la Cour pénale internationale et
que l’Assemblée générale devra prendre des mesures afin de
créer un fonds d’indemnisation pour les victimes,
c’est-à-dire les proches des personnes tuées et celles qui
ont été blessées ou qui ont subi des pertes ou des dommages
en raison d’actes illégaux commis durant la guerre. »