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COLLECTIF DE MILITANTS DU
MOUVEMENT DE SOLIDARITE
AVEC LE PEUPLE PALESTINE
(Liège)
Deux Etats ou un Etat en Palestine ?
Contribution au débat au sein du mouvement de solidarité
Liège, septembre 2008
Arguments de la solution à un seul Etat
C’est du refus du caractère oppressif pour tous du sionisme que
part la solution à un seul Etat démocratique.
Qu’apporte-t-elle ?
1) L’idée d’un seul
Etat met la question des réfugiés
au coeur de la solution parce qu’ils sont au cœur du problème.
L’injustice que constituent la dépossession et le déracinement
de millions de Palestiniens doit être réparée. Ils ont le droit
de rentrer chez eux dans leur patrie et cette aspiration est
clairement appuyée par le droit international. Toute autre
solution légaliserait le nettoyage ethnique dont ils ont été
victimes.
2) la solution à un
seul Etat répond aux aspirations à
l’égalité des Palestiniens qui
vivent en « Israël ». Elle va dans le sens de la construction
d’un pays pour tous ses citoyens et bat ainsi en brèche la
disposition raciste d’un « Etat juif » dans lequel seuls ceux
qui ont la bonne étiquette ont tous les droits. Contrairement à
la conception sioniste, elle va dans le sens des acquis
internationaux en matière de droits de l’Homme : elle ne fait
pas dépendre la citoyenneté des origines nationales ou
religieuses. Contrairement à la solution de deux Etats, elle bat
en brèche les fondements discriminatoires et coloniaux de
l’entreprise sioniste.
3) Parallèlement, la
solution à un seul Etat permet de cadrer la
lutte contre
l’occupation,
et cela dans le sens de la mise en place pour toute la Palestine
d’une loi commune
à tous ses habitants. Dans son cadre, chaque citoyen peut, entre
autres, circuler librement. Mais s’il veut s’installer sur des
terres, il doit alors, comme tout un chacun, les acheter ou les
louer, etc… et non invoquer une loi
privée (sa religion) pour les avoir
gratuitement en s’en emparant par la force.
4) La solution à un
seul Etat est libératrice.
Elle appelle le peuple palestinien à s’unir et s’organiser pour
lutter pour sa propre libération : Elle l’appelle à devenir
acteur de son propre destin
et n’attend donc pas que l’on veuille bien lui « donner un
Etat ». C’est sur cette voie qu’il peut rencontrer les Juifs
attachés à la terre de Palestine, mais rebutés par les
implications oppressives de l’idéologie sioniste, et offrir une
perspective aux nombreuses luttes et formes d’organisations
communes qui existent déjà sur le terrain.
L’apprentissage de l’égalité et de la vie
commune entre les personnes (sans
distinction de communautés religieuses) peut alors se faire dans
les deux sens et dans la dynamique même de la mobilisation :
lutter ensemble pour mieux vieux vivre ensemble.
5) La solution à un
seul Etat bénéficie d’une
conjoncture de base favorable. Dans
ce qui peut sembler un paradoxe, la logique de domination et
d’expansion de l’entreprise sioniste a créé à son insu les
conditions de la solution à un seul Etat. De fait, un territoire
uni existe déjà, avec une seule frontière, une seule
administration, une seule économie, etc… Et cela à un moment où
ce qui constitue le ciment de l’idéologie sioniste (la
domination et la prééminence du groupe juif sur tous les autres)
s’est grandement affaibli : par la résistance des Palestiniens,
par l’aiguisement des contradictions internes entre juifs
orientaux et juifs occidentaux, entre riches et pauvres, entre
laïques et orthodoxes, etc…
[1], par les
effets politiques et moraux de la situation de colonisation
elle-même et des violences qui l’accompagnent : refuzniks, chute
de l’immigration, croissance des départs, mouvements pacifistes,
contestation intellectuelle du sionisme, etc…
6) La solution à un
seul Etat maintient le lien entre
la lutte contre le sionisme et la lutte contre l’hégémonie
« occidentale » dans le Monde arabe.
Les peuples arabes étaient animés, après la première guerre
mondiale, par un fort mouvement national et anti-impérialiste
[2]. Ce
mouvement, après le démantèlement de l'empire ottoman allait
prendre pour cible les principales puissances coloniales de
l'époque : la France et la Grande Bretagne. L'entreprise de
colonisation sioniste – sachant qu’elle ne pouvait réussir
autrement - est alors venue s'insérer dans la stratégie
coloniale, en particulier britannique, de domination du Monde
arabe – d’abord comme marché et un peu plus tard comme réserve
de pétrole. Cette stratégie au service de laquelle s’est mise
l’entreprise sioniste consistait à réprimer par tous les moyens
le mouvement national et unitaire de libération arabe
[3]. Sur cette
base, les rapports de l'empire britannique (et plus tard
américain) avec l’entité sioniste vont être pour l’essentiel des
rapports de protection et d’utilisation.
L’emprise sioniste sur la Palestine et
celle des « Occidentaux » sur l’ensemble du Monde arabe sont
donc intimement liées : on ne peut
libérer la Palestine de la première emprise sans secouer la
deuxième — et encore moins compter sur les « pressions » de
celle-ci.
Epilogue
Beaucoup de personnes liée au mouvement de solidarité avec le
peuple palestinien nous ont dit que cette solution à un seul
Etat était « vraiment bien » mais qu’elle était « très-très »
difficile. Nous leur répondons que nous voulons bien admettre
qu’elle soit difficile, mais nous répétons qu’il n’y en pas
d’autre si on veut que justice soit faite.
Nous leur répondons aussi que la solution à
deux Etats - que l’on essaie de nous vendre dans l’emballage de
la facilité - n’est pas seulement mauvaise et injuste, elle est
tout aussi difficile, voire impossible si le peuple palestinien
ne renonce pas à la plus grande partie de ses droits. Et tant
qu’à choisir entre deux difficultés…
Nous leur répondons enfin que le fait qu’une
chose soit difficile ne veut pas dire qu’il faut que nous
l’écartions ; il veut dire simplement que le travail qui nous
attend est immense et que nous devons l’entreprendre au plus
tôt, résolument.
[1]
Ces contradictions sont en partie alimentées par les
effets dévastateurs de la mondialisation néo-libérale :
privatisations massives, recul des protections sociales,
etc…
[2]
Quelques dates emblématiques : l'insurrection d'Egypte
en 1919, les émeutes de Palestine en 1920, la grande
révolte d'Irak en 1920, l'insurrection rifaine contre la
pénétration coloniale espagnole au Maroc en 1921…
[3]
Le théoricien du sionisme, Theodor Herzl écrit dans son
livre L’Etat juif (1896) : « Pour
l’Europe,
nous constituerons là-bas un morceau de
rempart
contre l’Asie, nous serions la
sentinelle
avancée de la civilisation
contre la Barbarie. »
Il a dit aussi qu’il voulait « coloniser
la Palestine », y créer un
Etat juif et, pour ce faire, « rendre
des services à l'Etat impérialiste qui protégera son
existence ».
En 1897,
pour obtenir l’appui de la
France à son projet, il écrit : « Le
pays que nous nous proposons
d'occuper
inclura la Basse-Egypte, le sud de la Syrie et la partie
méridionale du Liban. Cette position nous rendra maîtres
du commerce de l'Inde, de l'Arabie et de l'Afrique de
l'Est et du Sud. La France
ne peut avoir d'autre désir que de voir la route des
Indes et de la Chine occupée par un peuple prêt à la
suivre jusqu'à la mort. »
[Dans toutes les citations, c’est nous qui soulignons].
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