COLLECTIF DE MILITANTS DU
MOUVEMENT DE SOLIDARITE
AVEC LE PEUPLE PALESTINE
(Liège)
Deux Etats ou un Etat en Palestine ?
Contribution au débat au sein du mouvement de solidarité
Liège, septembre 2008
Présentation
Le 29
novembre 1947, l'assemblée générale des Nations Unies vote (par
33 voix pour, 13 contre et 10 abstentions) la résolution n° 181
qui adopte le plan de partition de la Palestine (55% pour les
« Juifs », qui possédaient 6 % des terres, et 45% pour les
« Arabes »). Pour les dirigeants sionistes c'est une première
avancée : ils obtiennent, d'une part, l'idée même de diviser le
pays et, d'autre part, une plus grande surface de son territoire
alors que les Juifs y sont très largement minoritaires. Durant les deux années suivantes, ils
obtiennent une seconde avancée qui débute alors que la Grande
Bretagne est encore la puissance coloniale mandataire. Ils vont
en effet mener une guerre féroce pour étendre leur territoire et
pour briser la résistance des Palestiniens à leur expulsion. Et,
le 14 mai 1948, le dirigeant sioniste Ben Gourion pouvait déjà
annoncer la création de « l'Etat d'Israël » sur 78% du
territoire de la Palestine historique.
Le mouvement sioniste
a donc réussi a remporter une première victoire. Il y est arrivé
parce qu'il était assez uni, bien
organisé, mieux armé et techniquement mieux préparé.
Il a aussi réussi parce qu'il a pu bénéficier du
soutien absolument décisif
– diplomatique, financier et militaire -
de nations puissantes
tant des pays de l'Ouest (principalement la Grande Bretagne et
plus tard les Etats-unis) que des pays de l'Est (ce qu'on oublie
trop souvent). Aujourd'hui, le territoire conquis par
l'entreprise sioniste de colonisation couvre plus de 80% du
territoire de la Palestine historique et il est en train de
grignoter les 20 % restants.
Mais ce qu'il faut
surtout dire c'est que le mouvement sioniste a réussi parce que
le peuple palestinien a été
– politiquement et militairement
- impuissant à s'opposer de façon efficace à son expansion.
Cette impuissance n'était pas une fatalité. Elle s'explique par
le fait qu’avant 1948, le peuple
palestinien était mal armé, mal organisé et sous l'emprise de
dirigeants qui le réprimaient et qui étaient eux-mêmes
dépendants des puissances (comme la
Grande Bretagne) qui, précisément, soutenaient le projet
sioniste.
Le seul moment où l’entreprise sioniste a
couru un danger est celui du soulèvement patriotique de masse
palestinien de 1936-39. Le peuple palestinien y a montré ce dont
il était capable – en unité de volonté, en organisation, en
formes de lutte - quand il arrivait à se libérer de la tutelle
étouffante de ses dirigeants féodaux. La répression terrible
anglo-sioniste qui mit fin au soulèvement priva gravement le
peuple palestinien de ses dirigeants les plus résolus (tués,
emprisonnés ou déportés hors de Palestine). Elle fut un facteur
important de sa faiblesse dans la confrontation décisive avec le
mouvement sioniste à partir de la fin 1947. Le peuple
palestinien ne s’était pas encore remis de ses blessures, alors
que le mouvement sioniste – ayant compris le danger – avait,
lui, commencé à s’organiser en véritable armée dès après le
soulèvement.
Le résultat de la
défaite du peuple palestinien est ce qu'on appelle la
Nakba, « la
catastrophe ». Ses conséquences peuvent être résumées par trois
éléments fondamentaux :
1°) des centaines de
milliers de Palestiniens expulsés par la violence vont connaître
l'exil et la vie dans les camps de
réfugiés ;
2°) ceux qui sont restés dans le nouvel « Etat d’Israël » vont
être soumis aux discriminations,
traités en suspects, en citoyens de seconde zone et constamment
menacés de « transfert » hors de leur pays ;
3°) ceux qui se sont retrouvés en Cisjordanie et à Gaza vont
être soumis, à partir de 1967, à une
occupation
brutale, féroce.
Pour remédier à cette
situation, une partie des dirigeants palestiniens soutient
le but
qui consiste à créer un « Etat » sur moins de 20 % de la
Palestine historique, de renoncer partiellement au retour des
réfugiés et d'abandonner à leur sort les Palestiniens de
« l'Etat d'Israël ». Pour atteindre ce but, elle soutient aussi
le moyen
consistant à abandonner toute résistance directe et à compter
principalement sur les bons offices des alliés mêmes de l'Etat
sioniste : les Etats-Unis et l'Europe.
Ces deux
idées (le but comme le moyen) posent problème et méritent un
débat. Elles le méritent aussi parce qu'elles ont leur
corollaire dans le mouvement de solidarité ici en Belgique.
En avril 2002,
l'armée sioniste a entrepris une répression d’une brutalité
inouïe dans le camp de Jenine. En réaction, des militants du
mouvement de solidarité ont organisé à Liège un rassemblement
hebdomadaire de solidarité avec le peuple palestinien qui allait
tenir pendant plus de cinq ans. Ils l’ont fait sur la base d’une
plateforme qui se fixait pour buts
de dénoncer la répression sioniste, de soutenir la résistance et
de mettre le gouvernement belge devant ses responsabilités.
Tous les militants du mouvement de solidarité
ne partageaient pas bien entendu la même vision de la question
palestinienne. Les uns prônaient une solution basée sur l’idée
de deux Etats, tandis que d'autres prônaient une solution basée
sur l’idée d’un seul Etat. Ils ont su rester unis pour assurer
la continuité de l'initiative, mais ils n'ont jamais confronté
leurs arguments dans un débat ouvert.
Certains
événements rendaient pourtant ce débat nécessaire. Un exemple
parmi d'autres. Concernant la construction du « Mur de
l'apartheid », la campagne de dénonciation était menée avec des
arguments différents selon que l'on prônait l'une ou l'autre des
deux solutions. Ceux qui argumentaient que le Mur était
« illégal » parce qu’il empiétait sur le « territoire
palestinien » (la Cisjordanie), acceptaient implicitement que le
reste du territoire n'était pas la Palestine
[1]. Or, pour les réfugiés, le reste
du territoire c’est aussi la Palestine.
C'est finalement l'analyse de l'expérience de
promotion du boycott de l'Etat sioniste durant l’été 2007 qui a
fait mûrir les conditions du débat. Car, là aussi, les arguments
de la campagne de boycott ne pouvaient qu'être différents selon
que l'on prônait l’une ou l’autre solution.
Le débat est donc devenu nécessaire et le
texte que nous proposons ici en est un premier jalon. Les
personnes qui l’ont élaboré ont fait le choix de défendre une
des deux options. Elles espèrent que leur effort pour
l’expliquer clairement stimulera la réflexion et le débat
sincères entre tous ceux qui se sentent impliqués dans le
soutien au peuple palestinien.
En cette année du
soixantième anniversaire de la
Nakba, le mouvement de solidarité a
également besoin de faire le point sur lui-même. Car de cela
aussi dépend la qualité du soutien que ce mouvement peut
apporter à la résistance admirable que le peuple palestinien a
opposé et oppose encore à cette entreprise de spoliation,
d’expulsion, de terreur et de mort que représente le sionisme.
Collectif de militants du
mouvement de solidarité
avec le peuple palestinien
(Liège) :
Hamdan Aldamiri
François Barzin
Léon Dedée
Anne-Lise Franssen
Tahar Moussaoui
Renée Mousset
Isabelle Ponet
Jean-Marie Simon
[1]
Ils suivent en cela l'arrêt de la Cour Internationale de
Justice sur cette question (La Haye, 2004). La frontière
« légale » y est déterminée par ce qu’on appelle la
« Ligne verte », c’est à dire la ligne de cessez-le feu
d’avril 1949 entre « Israël » et la Jordanie.
Introduction
Pendant longtemps, la ligne prônant un seul Etat « démocratique
et laïque » en Palestine a été la principale option envisagée
pour résoudre le « conflit israélo-palestinien ». Il en était
ainsi non seulement au sein des organisations palestiniennes de
la résistance à l’entreprise sioniste de colonisation, mais
aussi au sein du mouvement international de solidarité avec
cette résistance.
A partir de la fin des années 70, l’option
des deux Etats en Palestine a peu à peu pris le dessus au sein
d’une partie du mouvement de solidarité extérieure. Plusieurs
facteurs y ont contribué. Il y a tout d’abord le changement de
politique des organisations de résistance elles-mêmes suite à
l’échec de certaines méthodes militaires de résistance et de la
répression des pays d’accueil auxquels étaient adossées ces
méthodes (Jordanie, Liban). Il y a ensuite la fin de la guerre
froide et donc la fin du soutien même limité des pays de l’Est
aux mouvements de résistance, alors que le soutien, même nuancé,
de l’Europe occidentale et des Etats-Unis à l’Etat sioniste
continuait comme avant. Il y a enfin le reflux général de tous
les « mouvements de gauche » nés dans les années 60 et 70 –
mouvements qui ont largement alimenté le mouvement de solidarité
tant en Europe qu’ailleurs.
Après les Accords
d’Oslo en 1993 et leur échec ultérieur, l’option d’un seul Etat
« démocratique et laïque »
[1] a refait
surface, principalement à cause de ce qui se passe sur le
terrain, comme nous allons le voir. Mais cela ne suffit pas de
dire que de toute façon l’option des deux Etats ne marche pas.
Il est important, pour donner de la force à l’option
alternative, d’en discuter les fondements. Pour cela, nous
allons d’abord passer en revue les arguments des défenseurs de
l’option des deux Etats.
En complément, il nous a semblé utile
d’adjoindre des annexes sur la question des réfugiés, des
extraits des
principaux textes du Droit international, la question de la
nationalité israélienne, une bibliographie sommaire et une carte
en rapport avec notre sujet.
[1]
Cela s’est fait parallèlement à l’apparition ou la
réapparition de l’idée d’un « Etat binational » dont les
arguments, malgré leur intérêt, ne seront pas traités
ici.
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