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Corse
L'appel d'Alain Orsoni
Mardi 6 avril 2010
De son lit d'hôpital, Alain Orsoni
nous écrit une lettre, en forme d'appel. Une lettre bilingue,
corse et français. Les nouvelles de son état sont alarmantes. Il
y a urgence à intensifier le combat et surtout à le généraliser
dans toute la Corse. Jeudi, 18h30, un appel au rassemblement est
lancé devant la préfecture d'Aiacciu. Toute initiative, quelle
qu'elle soit est nécessaire, car une seule chose est sûre, il
faut faire vite ou nous risquons de nous trouver face à
l'irrémédiable...
La lettre d'Alain Orsoni
"Quand cette lettre sera lue, cela fera un mois que
j'aurai débuté une grève de la faim totale. Il n'y aura pas
d'autre anniversaire mensuel car aucun organisme humain ne peut
supporter plus de 45 jours sans manger. Et pourtant, malgré le
danger, je suis décidé à ne pas céder. Je me suis déjà exprimé
sur les raisons de cet acte que je qualifierais de résistance
plutôt que de désespoir. Depuis le premier jour de mon
incarcération, je n'ai eu de cesse de proclamer mon innocence
étayée par dix évidence. La présomption d'innocence aurait dû
jouer en ma faveur. Elle m'a tout simplement été niée
contrairement à ce qu'impose la Constitution. Je jure sur ce que
j'ai de plus sacré, à savoir la mémoire de mes chers disparus,
que je ne suis pour rien dans l'acte qui m'est imputé. Mais la
justice le sait bien, elle qui, sans craindre le cynisme ou le
grotesque a été jusqu'à avancer l'argument de ma protection pour
me maintenir derrière les barreaux. Je ne crois pas plus à la
culpabilité de mon fils Guy à qui j'enjoins une fois encore de
se rendre pour s'expliquer. Pourtant, au vu de mon traitement je
comprends que toute personne même innocente, éprouve quelques
craintes à tomber entre les mains d'une justice qui ne respecte
même pas ses propres règles. Mais voilà : le magistrat
instructeur m'a fait savoir qu'il était le seul maître à bord et
que mon destin dépendait de son seul bon vouloir.
Eh bien je n'accepte pas un tel diktat. Je le refuse.
Je le récuse. Je le combats. Autant il me semble évident que
toute société a le devoir de lutter contre les maux qui la
corrompent: prévarication, trafics, banditisme etc. autant les
règles doivent être égales pour tous : pour les puissants comme
pour les misérables. Or elles ne le sont évidemment pas.
Je végète depuis neuf mois dans les oubliettes de la
République. Je n'y côtoie que des malheureux, de pauvres gens
qui, pour la plupart manquent d'argent, d'avocats et tout
simplement d'espérance. La plus grande partie de ces damnés est
formée de prévenus et non de coupables qui sont pourtant traités
comme tels. Pire, beaucoup paraissent souffrir de troubles
psychiatriques, qui justifierait leur sortie du système pénal.
Les conditions de vie sont pour la plupart d'entre eux atroces.
Car celui qui n'a pas les moyens de cantiner est ici le plus
pauvre d'entre les pauvres. Beaucoup ne savent ni lire ni écrire
et nous sommes quelques-uns à leur servir d'écrivains publics.
Les prisons françaises sont la négation de ce que ce pays
prétend être : celui des droits de l'homme.
Les règles doivent être égales pour tous, écrivai-je.
Elles ne le sont pas lorsqu'à la seule énonciation de votre
qualité de Corse, vos juges pensent que vous êtes un parrain en
puissance et qu'ils préfèrent la rumeur à l'évidence. La JIRS de
Marseille se vante de combattre le grand banditisme corse ce qui
est en soi légitime. Mais la Corse serait-elle la seule terre
pécheresse ? Et le grand banditisme serait-il dans le sud-est de
la France frappé du sceau ethnique ? Combattre le grand
banditisme oui mais tous les grands banditismes y compris ceux
qui se cachent sous les cols blancs. Une justice égale pour tous
dit la Constitution. La JIRS prétend tout à la fois être une
justice de droit commun mais expérimenter de nouvelles voies
répressives notamment la collégialité qui permet tous les abus
et met un terme à la séparation entre l'accusation et
l'instruction qui oublie tout simplement qu'elle doit instruire
à charge mais auss à décharge ? La JIRS est une machine
monstrueuse qui réclame son lot de chair humaine au nom de sa
propre efficacité, au nom du résultat imposé par la nouvelle
doctrine. Et malheureusement pour moi je fais partie de ce
triste convoi.
Toute ma vie, n'en déplaise à mes détracteurs, je me
suis battu pour ce que j'estimais être juste. Il m'est arrivé de
me tromper mais je ne j'ai jamais calculé préférant l'honneur me
semble-t-il aux petits calculs mesquins. Je ne serai pas la
victime consentante de comportements indignes qui, à terme
mettent en péril l'idée même de démocratie. Et quitte à être
vaincu, je préfère me battre avec mes moyens, avec mon énergie
et désormais les vôtres, à vous qui me soutenez.
Je suis Corse et j'en suis aujourd'hui particulièrement
fier. Malgré tous nos défauts, nous sommes un peuple encore
capable de ces solidarités qui deviennent tellement rares
ailleurs. Je suis tenu au courant de la campagne qui se
développe en ma faveur. Je voudrais ici remercier celles et ceux
qui l'animent à commencer par la Ligue des droits de l'homme et
mes amis de l'ACA. Les uns démontrent qu'on sait et qu'on peut
encore se battre pour des principes nécessaires à l'exercice de
la démocratie et les autres que la notion d'amitié et de don
existe toujours dans un monde où tout s'achète et tout se vend.
Je veux remercier les membres de la société civile et les
milliers d'inconnus qui m'accompagnent dans mon combat qui sont
la force de la Corse. Je veux remercier l'évêque de Corse qui
m'a écrit être particulièrement sensible à ma situation et aux
deux présidents de notre assemblée qui, bravant les rumeurs
extravagantes et odieuses, ont tenu à souligner combien ils
étaient humainement touchés par la façon dont la justice me
traitait, lui demandant d'enfin se prononcer sur mon sort.
J'avoue ne pas savoir comment tout cela va s'achever.
Ou plutôt je n'y vois qu'une issue : ma libération.
Que les miens, ma mère, ma pauvre mère, mon frère Stef,
Frédérique, Antonia, Guy et Alessandra me pardonnent pour le mal
que je leur procure bien malgré moi. Mais, parce qu'ils me
connaissent, ils savent que ce que j'ai entrepris m'est apparu
comme la seule voie honorable pour crier mon innocence.
Je vous demande donc de continuer sans faiblir. La JIRS
a voulu un rapport de force et elle l'a obtenu. Désormais
l'affaire est politique au sens noble du terme. Il s'agit de
savoir comme la cité mérite d'être gérée : par l'exception ou
par la norme, par la citoyenneté ou par la peur. L'état français
peut-il aujourd'hui se permettre de combattre non plus un homme
seul caractérisé comme bandit mais des milliers de Corse qui, à
travers moi, défendent le droit à une justice normale, certes
inflexible mais néanmoins sereine. Aura-t-il la férocité et les
moyens de porter sur la conscience la mort d'un homme qui aura
eu le tort de se battre contre les justices d'exception et pour
le droit à la présomption d'innocence. Ce combat, notre combat,
est à mener démocratiquement, pacifiquement mais sans la moindre
hésitation.
Je n'ai pas vocation à faire pleurer sur mon sort. J'ai
certainement commis des erreurs dans ma vie. Mais je n'ai jamais
été un homme d'argent, de crimes ou de pouvoir. On a répandu sur
mon compte des monceaux d'ordures que je réfute totalement. J'ai
toujours été un patriote corse convaincu, qui a vécu l'exil dans
le déchirement. Mon désir est tout simplement de retrouver une
vie normale et de participer autant que faire se peut au
développement de notre peuple. Qu'on me pardonne cette
déclaration
Un peu solennelle. Il me semble en avoir gagné le
droit.
À bientôt mes amis."
Alain Orsoni a été libéré le 12 avril
!
A lèttera d'Alain Orsoni
"Quand'edda sarà letta sta lettara, sarà un mesi ch'eddu
sarà principiatu u me dighjunu. Ùn ci sarani altri annivirsarii
minsinchi chì u corpu umanu ùn supporta 45 ghjorni senza magnà.
È puri, malgratu i piriculi, socu dicisu à ùn piantà. Mi socu
dighjà spiicatu nant'à i raghjoni di st'attu chì chjamu
RISISTENZA è micca adisperu. Da u prima ghjornu di u me
imprighjunamentu, ùn aghju piantatu di mughjà a me nucenza
appughjata da parechji evidenzi. A prisunzioni di nucenza ùn hè
stata, com'è hè di regula, à favori di mè. Hè stata nigata à u
cuntrariu di ciò ch'edda imponi a custituzioni. A ghjurgu nant'à
ciò ch'ahju di più sacru, vali à dì a mimoria di i me cari
spariti, ch'ùn entru par nudda in ciò chì m'hè rimpruvaratu. Ma
a ghjustizia a sà bè, edda chì ùn temi a sfacciatezza è i
carnavalati, hà missu in risaltu a raghjoni di a me prutizzioni
da mintena mi incarciaratu. Ùn credu ancu micca à a culpabilità
di me figliolu Guy è li dumandu, una volta di più, di metta si
in mani. È puri, vistu ciò cì m'accadi, capiscu chì a ghjenti
nucenti fussi impaurita di metta si in mani à una ghjustizia chì
ùn rispetti i so reguli propii. Ma u maghjistratu instruttori m'hà
fattu sapè ch'eddu era u solu maestru à bordu è chì u distinu
meu dipindia di a so vuluntà è basta.
Eccu... ma eu ùn accettu sta manera di fà. A riccusu. A
cumbattu. S'edda mi pari un evidenza chì una sucità abbii u
duveri di luttà contru à ciò chì a currompi (traffichi,
privaricazioni, banditisimu...), mi pari ancu un'evidenza chì i
reguli fussini i listessi par tutti, putenti com'è puvaretti. Ma
ùn sò !
Scurdatu dipoi 9 mesi ind'i carciari di a Ripublica, ùn
ci vecu cà disgraziati, povara ghjenti chì guasgi tutti mancani
di mezi, d'avucati è pà u più di spirenza. Parti è più di sti
casticati, di sti dannati, sò privinuti è micca culpabuli... è
puri sò trattati com'è s'eddi erani dighjà cundannati. Peghju,
certi avariani bisognu di un'accuratura in psichiatria, ciò chì
i purtaria à essa cappiati ! I cundizioni di vita quì sò atroci
pà a maiò parti di sta ghjenti. Sappiati chì quiddu chì ùn hà i
mezi di cantinà hè quì u più disgraziatu di i disgraziati. Pochi
sò quiddi chì sò capaci di leghja o di scriva è semi uni pochi
hà ghjuvà da scrivaniu publicu. I prighjoni francesi sò una
nigazioni di ciò ch'eddu si pratendi stu paesi : quiddu di i
Dritti di l'Omu.
Leghji è reguli devini essa i listessi par tutti,
scriviu nanzu. Ùn la sò quandu à a sola affirmazioni di a vostra
qualità di Corsu, i vostri ghjudici pensani chì vo seti un
Capimaffiosu è ch'edda li piaci di più a voci chì corri cà l'evidenza.
A JIRS di Marseglia si vanta di cumbatta u gran banditisimu
corsu, ciò chì pò parè à tuttu lighjitimu. Sarà a Corsica a sola
tarra di u piccatu ? U gran baditisimu saria ind'u sudu-punenti,
suciddata da l'etnia corsa ?
Batta si contru à u banditisimu, iè, ma contru à tutti
i banditisimi, ancu quiddi chì si piattani sottu à i vistiti di
nutabili. Una ghjustizia à paru da tutti, dici a Custituzioni. A
JIRS pratendi d'essa una ghjustizia di drittu cumunu ma
spiriminteghja novi vii riprissivi, com'è a « collégialité » chì
parmetti tutti l'abbusi po metti un tarminu à a spiccatura trà
l'accusu è a struzzioni, scurdendusi ch'edda hè in l'obligu di
struì à carica ma dinò a scarica. A JIRS hè un mostru in brama
di carretti di carri umana à nomi di a so ifficacità propia, à
nomi di u risultatu impostu da a duttrina nova.
È par disgrazia, socu di quiddi nant'à u carrittacciu à
a distinazioni sicura.
Tutta a me vita, ancu s'edda dispiaci à certi, mi socu
battutu par ciò chì mi paria ghjustu. Di sicuru mi socu
sbagliatu calchì volta, ma ùn aghju mai calculatu nudda ch'eddu
mi piaci di più l'anori cà i calculi mischini. Un saraghju mai
l'agneddu aspittendu a tumbera à la mutta nì a vittima di
cumpurtamenti indegni, chì portani à u piriculu l'idea di a
Dimucrazia. È ancu s'edda mi tocca ad essa vintu, luttaraghju cù
i me mezi, a me anirgia è ancu a vostra, voi tutti chì mi
sustiniti avà o cghì u fareti oramai.
Socu corsu è ancu oghji, ni socu più cà fieru. Malgratu
tutti i nostri difetti , semi sempri capaci di sti sulidarità
divintati rari in altrò oghji ch'hè oghji. Socu à capu di a
campagna à favori chì si sviloppa. Tengu à ringrazià à quiddi
chì a facini, cumincendu pà A Lega di i Dritti di l'Omi è i me
amichi di l'A.C.A. L'uni è l'altri facini veda chì no sapemi
sempri,, è ch'eddu si pò sempri, luttà pà i fundamenti
nicissarii à a Dimucrazia. Facini veda chì a nuzioni d'amicizia
com'è quidda di u donu asistini sempri ind'u mondu di u soldu,
induva tuttu si vendi è si compra. Vogliu ringrazià a sucità
civili è i millai di scunnisciuti chì m'accumpagnani in stu
cumbattu è chì sò a forza di a Corsica. Vogliu ringrazià u vescu
di Corsica chì m'hà scrittu ch'eddu era sinsibuli assai à a me
situazioni, po i dui prisidenti di a nostra Assimblea chì, in
pettu à i vuciacci chì curriani, ani palisatu ch'eddi erani
tocchi da a manera ch'eru trattatu da a ghjustizia, dumendendu
li di prununcià si u più prestu pussibuli nant'à a me sorti.
A dicu, ùn socu com'edda s'hà da finiscia l'affari.
A sola fini ch'e vecu : a me libarazioni.
Chì i mei, me Mamma, a me tinta Mamma, me frateddu
Stefanu, Frédérique, Antonia, Guy è Alessandra mi pudessini
pardunà u mali ch'e li facciu senza vulè la. Ma, cunniscendu mi
bè è strabè, sani chì ciò ch'e facciu hè par mè a sola via da
mughjà ch'eru nucentu.
Vi dumandu dunqua di cuntinuà senza sfiattà. A JIRS hà
vulsutu un raportu di forza è l'hà avutu. Oramai, l'affari hè
puliticu, cù u significatu nobili di sta parodda. Tocca avà à
sapè com'è a città devi essa amministrata è ghjistita : da l'iccizzioni
o da a norma, da a citatinenza o da a paura.
U Statu francesi si pudarà parmetta oghji di luttà
contru à un omu ch'ùn hè più solu, dettu da eddu « banditu », ma
contru à millai di Corsi chì difendini una ghjustizia nurmali,
ferma ma serena ?
T'avarà a firucità è i mezi di purtà sta somma nant'à i
spaddi, quidda somma di a morti di un omu chì vlia solu luttà
contru à i ghjustizii d'iccizzioni è pà u drittu à essa prisuntu
nucentu. Sta lotta, a nostra lotta, devi essa dimucratica,
pacifica ma senza mancu un'impuntata... ind'un milampu !
Socu pocu primurosu di fà piegna nant'à a me sorti. Di
sicuru, aghju fattu sbagli è arrori ind'a me vita. Ma mai, mai
ùn socu statu omu di soldu, di crimini o di puteri. Si n'hè
dettu tantu è tantu nant'à mè chì ricuseghju cun forza. Socu
sempri statu un patriottu corsu cunvintu, chì hà campatu u so
isiliu com'è una stracciatura. Ciò ch'e vogliu : ritruvà una
vita nurmali è participà quant'edda si pò à u sviluppu di u me
paesi è di u so populu.
Mi pardunareti sta chjama appena sulenna ma, mi, pari
d'avè ni guadagnatu u drittu.
À prestu o amichi."
Alanu ORSONI.
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